dimanche 4 juillet 2010

Dirty Diaries

Le projet initié par Mia Engberg de repenser la pornographie au travers de douze courts métrages réalisés par des femmes était aussi excitant que salutaire. Enfin un regard neuf sur un genre encore aujourd’hui cantonné au marché de la vidéo et à des stéréotypes d’arrière garde. Malheureusement, Dirty Diaries non seulement ne tient pas ses promesses mais en plus contribue à enfoncer encore un peu plus un genre déjà bien malmené. Bref, tout le contraire du projet d’origine. Première constatation, la quasi majorité des douze segments qui constituent Dirty Diaries semblent filmés par un épileptique à l’aide d’un téléphone portable (c’est réellement le cas, et c’est justifié, pour Come Together dans lequel des femmes se filment elle-même à l’aide de leur portable en train de se masturber et de jouir) ou au mieux d’un vieux caméscope. L’image est dégueulasse, le cadrage et la mise au point semblent effectués par un enfant de dix ans, ce qui confère à l’ensemble une impression d’amateurisme malvenue pour ce type de sujet. Un segment montre ainsi en caméra caché une fille se masturbant avec un gode dans un taxi. Soit, et alors ? On n’est pas loin des vidéos amateurs que l’on peut voir sur internet ou en vidéos. Deuxième problème, et non des moindres, les courts métrages, à quelques exceptions prés, se scindent en deux catégories. D’un coté les films qui se veulent artistiques, Fruit Cake par exemple qui nous propose une succession de gros plants de fruits, de fleurs et d’anus. C’est conceptuel, surement trop pour le spectateur moyen, c’est surtout illisible et d’une laideur incroyable. D’un autre coté, les films pornographiques explicites. Authority nous offre un segment lesbien limite hardcore et carrément fétichiste avec sodomie à l’aide d’une matraque entre autre joyeuseté. En ce sens, Dirty Diaries résume de façon limpide la vision la plus courante du sexe au cinéma, et dans l’art en général. Soit c’est arty avec gros plans, fondus enchainés, symbolisme à tous les étages pour donner au final un grand n’importe quoi, soit c’est du sexe dur, violent, brassant les thèmes de la soumission, de la femme (ou de l’homme) objet, du plaisir simulé et de la représentation grossière du sexe. Il semble impossible de montrer le sexe en dehors de ces deux voies. Heureusement, tout n’est pas à jeter dans Dirty Diaries. Avec Dildoman et Body Contact, les réalisatrices essaient, par le biais du film d’animation et d’une sorte de parodie de l’imagerie que les films pornographique et les sites de rencontres imposent chez les hommes, de renouveler le genre. Ce n’est pas complètement réussi mais les deux courts métrages sont cohérents avec le projet de repenser la pornographie d’un point de vue féminin. La vraie, et seule réussite de l’ensemble est Skin. Un homme et une femme recouverts d’une sorte de tissu couleur chair se caressent dans une chambre d’hôtel. Peu à peu, ils vont se débarrasser de cette seconde peau qui les empêche de se toucher et de faire l’amour. Skin, de par son symbolisme et sa réalisation soignée constitue un court métrage intelligent par la façon qu’a la réalisatrice de montrer les corps de ses acteurs. C’est frontal, sans fausse pudeur et pourtant leurs étreintes débordent de sensualité. C’est le seul film de Dirty Diaries qui arrive à aborder l’acte sexuel non pas comme un véhicule à fantasmes ou un alibi pseudo artistique mais comme une source de plaisir, une communion entre deux êtres sans que l’un cherche à dominer ou à blesser l’autre. Enfin débarrassés de cette peau synthétique, ils peuvent s’aimer et profiter pleinement l’un de l’autre. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de Dirty Diaries qui lui n’arrive pas à se libérer d’une imagerie datée qui enfonce encore plus la pornographie dans un ghetto dont il n’arrive pas à sortir. Un comble pour un projet qui se voulait révolutionnaire. Depuis le temps qu’un certain nombre de réalisateurs (Gaspard Noé dernièrement) tournent autour du sujet sans trop oser s’y attaquer, espérons que l’un d’entre eux réalise enfin un film rendant hommage au genre cinématographique le plus décrié, ghettoïsé, et incompris, et pourtant pas le moins intéressant.

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