Caméra d’or au dernier festival de Cannes, Hunger débarque sur nos écrans précédé d’une réputation élogieuse.
Ce premier film de l’anglais Steve McQueen raconte le calvaire de Bobby Sands et de ses compagnons irlandais emprisonnés en Irlande du Nord en 1981. Alors que le gouvernement anglais de Margaret Thatcher leur refuse le statu de prisonnier politique, ils entament une grève de la faim qui se soldera par dix morts, dont celle de l’homme qui fut l’initiateur de ce mouvement protestataire.
Nous entrons dans la prison, et dans le film, en suivant le quotidien d’un gardien de prison, qui passe ensuite le relais au prisonnier Davey Gillen qui partage sa cellule avec Gerry Campbell, lui aussi détenu politique. C’est par leur intermédiaire que nous rencontrons enfin Bobby Sands pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin, sa fin.
Pour illustrer son propos, le réalisateur ne recule devant rien et utilise même l’horreur de chaque situation pour mieux faire passer ce qu’il a à dire. Pour témoigner de leur colère, les prisonniers irlandais entament une grève de l’hygiène et tapissent d’excréments les murs de leurs cellules. Cette situation extrême, tout comme les humiliations, la répression excessive des matons anglais, ou les exécutions sommaires commises par les milices de l’IRA, servent de matériau à Steve McQueen pour construire un film choc et entrainer le spectateur dans une expérience physique parfois difficile.
Le film est construit à partir de longs plans fixes (le nettoyage du couloir), comporte dans sa première partie très peu de dialogues, et restitue de manière presque palpable la saleté dans laquelle vivait ces hommes. Cette impression est exacerbée lors du calvaire de Bobby Sands durant lequel rien ne nous est épargné. On partage avec lui ses draps tachés de sang et de vomissures, ses escarres, sa lente agonie due à 66 jours de privation.
Si Hunger est un film fort et implacable, un film dont on ne ressort pas indemne, on peut toutefois regretter le choix scénaristique du réalisateur qui divise son film en deux parties, séparées l’une de l’autre par le dialogue entre le prisonnier et le prêtre.
Hunger commence par être un film politique ancré dans une réalité forte (le conflit irlandais au début des années 80), mettant en scène des militants de l’IRA prisonniers des anglais. Le film s’attarde sur leurs revendications, le bras de fer qu’ils entament avec le gouvernement anglais et leurs conditions de détention injustifiables.
Survient alors un incroyable plan séquence de presque 20 minutes, une discussion admirablement bien construite entre Bobby Sands et le père Dominic Moran qui tente de le dissuader d’utiliser son corps comme une arme au service de ses idéaux. Le propos verse alors dans la théologie, avant que le film ne bascule dans l’idéologie lorsque le réalisateur s’attarde (trop ?) sur l’agonie presque christique du prisonnier. La grève de la faim est presque déconnectée du contexte politique du film et pourrait servir n’importe quelle cause. Le sujet semble se suffire à lui-même et tellement captiver le réalisateur que celui-ci filme des scènes à la limite de la complaisance. Ce ne sont que les indications du générique de fin qui viennent nous ramener au sujet premier du film.
On pourra trouver Hunger difficile à appréhender dans son approche formelle, trop extrême dans la représentation de la déchéance des corps, il n’en demeure pas moins un film éprouvant, que l’on ressent physiquement et dont on ne sort pas indifférent.
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