C’est en 1972 que Werner Herzog réalisa ce film resté célèbre pour son tournage épique et les démêlés entre deux personnalités hors du commun, le réalisateur et son acteur principal Klaus Kinski. Et en effet, Aguirre est un film où la folie est omniprésente.
En 1560, une troupe de conquistadors part à la recherche du mythique Eldorado. Alors que les soldats s’enlisent dans la forêt, la troupe se divise et un petit groupe est dépêché en reconnaissance en aval du fleuve. Il est placé sous la responsabilité de Pedro de Ursua secondé par Lope de Aguirre, un guerrier ambitieux, machiavélique (au sens premier du terme) et avide de pouvoir. Ce dernier conduira tout le monde à sa perte à force de trahison et de rêve de grandeur.
A la manière du colonel Kurtz dans Apocalypse Now, Aguirre entend bien profiter de l’isolement et des territoires nouveaux que lui offre la jungle pour bâtir un empire dont il serait le seul maitre. A la différence de ses compagnons, ce n’est pas tant la soif de l’or ou un quelconque sentiment religieux qui l’animent, mais bien ce désir de pouvoir que rien ne semble devoir apaiser.
Pour arriver à ses fins, Aguirre ne reculera devant rien. Meurtres (qu’il fait commettre par d’autres), trahisons, parjures, tout est bon pour arriver à son but. Mais plus que la conquête d’un nouvel empire, c’est un voyage à l’intérieur de lui-même qu’il fera, ne trouvant à son arrivée que folie et solitude.
Dès les premières images, Werner Herzog nous fait ressentir toute la pesanteur, la fatigue et la détresse qui pèse sur ces hommes. La jungle est étouffante, le fleuve est menaçant, la nature est hostile pour ces soldats qui, loin de chez eux, se comportent pourtant en terrain conquis. Le réalisateur en profite pour régler quelques comptes avec la religion. Le prêtre résume ainsi des siècles de christianisme quand il déclare à la femme de Pedro de Ursua venue demander son aide face à Aguirre « Afin de mieux servir le Seigneur, l’Eglise a toujours était du coté des puissants ». Ce même prêtre et les soldats espagnols sont horrifiés quand ils découvrent que les indiens n’ont jamais entendu parler de la Bible, pourtant ils n’hésitent pas à faire courir nu un esclave noir afin d’effrayer ces derniers.
Quête mystique et cauchemardesque, voyage au bout de la folie, Aguirre est traversé de moments forts comme le du suicide de la splendide Inez qui s’enfonce dans la jungle face aux indiens, ou la découverte d’un bateau échoué en haut d’un arbre. Le film doit une grande partie de son intensité à l’incroyable interprétation d’un Klaus Kinski totalement habité par son rôle. Un regard halluciné, un tremblement de la mâchoire, une démarche entravée par son armure, l’acteur est complètement en phase avec ce personnage dément.
On ne saurait mieux résumer le film qu’en reprenant la phrase d’un jeune prince indien réduit à l’esclavage qui déclare « nous ne pouvons nous battre contre vous, nous vous regardons vous détruire ».
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