samedi 22 décembre 2012


Les Bêtes du sud sauvage multiplie les récompenses dans les festivals où il est présenté et fait se pâmer de bonheur à peu prés tous les critiques de cinéma qui crient au chef d’œuvre. Le film semble avoir un peu plus de difficulté à trouver son public en salle et ne bénéficie pas d’un bouche à oreille aussi positif de la part des spectateurs. Il est vrai que tous les ingrédients sont là pour faire de cette fable un phénomène du cinéma indépendant et une bête à concours. Le monde de l’enfance lié intimement à la nature sauvage, un peu de fantastique, des personnages malmenés par la vie mais qui gardent la tête haute, des drames mais une inaltérable joie de vivre ensemble. On peut être sensible à la magie du voyage et suivre avec émerveillement Hushpuppy dans sa quête maternelle. Ou pas. Et dans ce cas le voyage parait tout de même un peu long. Les Bêtes du sud sauvage est traversé de moments réellement magiques, comme le souvenir de la mère de Hushpuppy raconté par son père. Une femme si belle que l’eau se met à bouillir et le gaz à s’enflammer quand elle rentre dans la cuisine. Ces moments là sont en effet des scènes fortes qui auraient pu faire du film un authentique chef d’œuvre. Malheureusement, elles sont trop rares au détriment de ficelles un peu trop grosses pour être honnêtes.
Si l’interprétation et la réalisation sont irréprochables, le film souffre d’un scénario et d’une caractérisation des personnages grossière. Le réalisateur n’hésite pas à sombrer dans le manichéisme (les gentils habitants du bayou contre les vilains citadins), l’angélisme (nous sommes pauvres mais heureux ensemble et proches de la nature), voire la morale douteuse (ce qui ne te tue pas te rend plus fort) quand elle s’applique à un enfant.
Car le gros défaut du film vient d’emblé d’un manque d’empathie vis-à-vis des personnages, le père et par ricochet la petite Hushpuppy. C’est exactement le même phénomène qui créait tant de distance entre les spectateurs et les personnages de De Rouille et d’Os. Comme dans ce film, le père de Hushpuppy est le reflet de l’environnement dans lequel il vit. Il est brutal, irresponsable, incapable de montrer son amour pour son enfant (ou alors à la toute fin) qu’il traite comme un adulte. Wink, surement frustré de n’avoir pas eu de fils, incite sa fille à se montrer agressive, lui fait boire de l’alcool, lui fait exhiber ses muscles. Pour lui permettre de survivre dans un monde hostile, oui surement. L’autre solution serait aussi, plutôt que de s’arque bouter sur ses principes (on ne quitte pas le bassin), de l’emmener vivre ailleurs et d’essayer de lui offrir un autre avenir que celui que lui-même a vécu, reproduisant ainsi à l’infini un modèle discutable. Il est d’ailleurs notable que jamais nous ne verrons sourire l’enfant tout au long du film.
Les Bêtes du sud sauvage se veut un conte humaniste, écologique, philosophique. Il se donne beaucoup de mal pour y arriver mais la magie n’opère pas.

mercredi 19 décembre 2012

Le Hobbit : un voyage inattendu


Retour en Terre du Milieu pour Peter Jackson qui, après avoir brillamment adapté le Seigneur des Anneaux et livré l’une des plus belles saga d’héroïc fantasy de ces dernières années, s’attelle à raconter l’histoire de Bilbon Sacquet et à poser les fondements de sa première trilogie. Premier roman publié par J.R.R. Tolkien, le Hobbit est une œuvre fondatrice de sa mythologie tout en étant plus accessible que le foisonnant Seigneur des Anneaux, sans parler de ses Contes et Légendes Inachevés. Avec cette nouvelle adaptation, Peter Jackson se montre à la fois fidèle au matériau d’origine tout en prenant certaines libertés. Notamment dans le fait d’étirer son histoire sur trois films, là où le Hobbit est un roman assez court. Les histoires méritent parfois qu’on les embellisse déclare Gandalf à Bilbon lors de leur première rencontre. C’est aussi le réalisateur qui parle à travers le magicien. Peter Jackson entend prendre son temps pour raconter les aventures du Hobbit et des treize nains qu’il accompagne à la reconquête de leur royaume. Et comme dans le roman initial, plus adapté à la jeunesse que la trilogie qui suivra, il nous convie à une aventure plus édulcorée que celle du Seigneur des Anneaux.
Malgré un prologue épique qui rappelle les plus beaux moments du Seigneur des Anneaux, le Hobbit reste un film accessible au plus grand nombre. Les batailles et les combats à l’arme blanche ne se distinguent pas par leur violence, et pas une seule goutte de sang ne sera versée tout au long de cette première aventure. On est loin des empoignades sauvages entre les orques et les hommes, du souffle épique et chevalresque qui caractérisaient les batailles des Deux tours et du Retour du Roi. Une scène est assez caractéristique du ton voulu par le réalisateur, celle de la course poursuite dans le village des gobelins. On est plus proche des cascades de Pirates des Caraïbes que de l’attaque de la Moria qui restera l’une des scènes les plus abouties et efficaces du premier volet du Seigneur des Anneaux.
Alors certes, on est enchanté de retrouver les protagonistes de la première trilogie, d’en découvrir de nouveaux, mais alors que les orques et les Trolls du Seigneur des Anneaux étaient sauvages et terrifiants, ceux du Hobbit sont au pire comiques, au mieux menaçants.
Il reste néanmoins des passages parfaitement réussis, comme la première apparition de Gollum, réellement monstrueux quand il s’acharne sur un gobelin à moitié mort. Le personnage de Bilbon interprété par Martin Freeman est d’une grande justesse, mais Thorin n’a pas le charisme d’Aragorn et encore une fois, il manque au film l’esprit épique qui faisait du Seigneur des Anneaux une saga unique. Il aurait été intéressant de voir l’adaptation que nous en aurait proposée Guillermo Del toro, crédité comme coscénariste.
Attendons la suite et notamment l’apparition de Smaug pour juger de l’œuvre dans son ensemble. Pour le moment, ce retour en Terre du Milieu laisse un peu à désirer. Il faut dire que Peter Jackson a lui-même fixé la barre très haut.

dimanche 9 décembre 2012

Cogan : Killing them softly


Cogan navigue constamment entre deux eaux, celui du polar et du film ancré dans une réalité sociale qu’il entend remettre en cause. Cette dernière partie est nettement moins réussie. Dès le début, le réalisateur alterne les images d’archives et la fiction. La toile de fond en est l’Amérique d’Obama, avec ses discours rassembleurs et un peu utopiques dans la façon dont ils nous sont présentés. Cette volonté de rassemblement se heurte vite à une toute autre réalité, celle d’une Amérique en marge du rêve américain, des laissés pour compte qui n’ont d’autres alternatives pour survivre que le crime et des arnaques plus ou moins réussies. C’est dans ce contexte qu’apparait Cogan, un tueur à gage cynique pour qui l’Amérique n’est pas un pays mais un business à grande échelle où seuls les plus forts, les plus agressifs parviendront à s’en sortir. La dernière réplique de Brad Pitt résume à elle seule tout l’esprit du film. L’idée de base est alléchante mais le procédé utilisé par Andrew Dominik tombe tout de suite à plat. Les discours de Barak Obama ne se greffent jamais vraiment à l’histoire et apparaissent comme artificiels. Le procédé est grossier et seuls les personnages incarnés par un casting trois étoiles parviendront à tirer l’histoire vers le haut et à insuffler un réel discours social à ce film atypique.
Car la grande réussite de Cogan, outre son ton résolument pessimiste, vient de ses acteurs. Brad Pitt, encore une fois parfait, est entouré par l’immense et trop rare Tony Sopra… heu James Gandolfini qui retrouve entre autre son ennemi juré des Soprano, Vincent Curatola, alors que le père de Six Feet Under interprété par Richard Jenkins campe un intermédiaire réjouissant entre Cogan et les familles mafieuses. Ajoutons à cela Ray Liotta, Sam Shepard et nous obtenons le casting parfait pour un film de gangsters.
Les qualités du film ne se résument heureusement pas à son interprétation et à ses personnages. Après un démarrage lent, Cogan prend le temps d’amener l’ensemble de ses protagonistes vers un final nihiliste, en passant par des scènes de dialogues savoureuses, notamment entre Brad Pitt et James Gandolfini qui incarne avec délectation un tueur à la dérive.
(attention spoiler) Cogan est donc un vrai polar dont le réalisateur se plait à détourner les règles, filmant les scènes les plus violentes de manière crue (le passage à tabac de Ray Liotta) ou esthétiques (l’exécution de ce dernier)(fin du spoiler), ne reculant pas devant un discours sociale peu entendu dans les films actuels et inattendu dans un film de genre. Non dénuée de défaut, l’entreprise est suffisamment intéressante et culottée pour être saluée, et l’intérêt que l’on porte aux personnages ne fait qu’augmenter tout au long du film.

samedi 10 novembre 2012

Sinister


Pour faire un plat réussi, il faut de bons ingrédients et un bon cuisinier. Les ingrédients de base d’un film de terreur, Sinister les a. Sans révolutionner le genre, le scénario comporte suffisamment d’éléments originaux pour construire une histoire glaçante, voire franchement terrifiante. Le problème c’est qu’aux manettes du film, Scott Derrickson déroule le manuel du réalisateur appliqué sans la moindre inspiration. Pourtant le film possède un beau potentiel, et s’ouvre sur une première scène dérangeante qui laissait présager du meilleur. De même, une fin cruelle et sans concession, des acteurs plutôt convaincants, une histoire qui mêle meurtres en séries et malédiction ancestrale, sont autant d’éléments qui devaient permettre au réalisateur de nous offrir un film au moins aussi effrayant qu’Insidious. Mais à la différence de James Wan, Scott Derrickson prend le parti des effets faciles dignes d’un train fantôme, et cela jusqu’au plan final avec sa silhouette monstrueuse qui jaillit de l’écran pour faire sursauter le spectateur. Le problème, c’est qu’après deux heures d’effets aussi prévisibles, on ne s’attend pas à autre chose.
Plutôt que de jouer sur la suggestion et de faire confiance à l’imagination des spectateurs, le réalisateur choisit de trop en montrer et trop tôt. L’effet le plus raté est surement l’apparition des enfants disparus, dont le maquillage est grossier, et les apparitions tellement chorégraphiées qu’elles en perdent tout effet traumatisant. L’apothéose est atteinte avec la scène finale durant laquelle la petite fille rejoint les autres enfants, tellement appuyée que ça en devient gênant.
Là où les grands réalisateurs ont depuis longtemps compris que moins on en montre et plus l’effet est réussi, Scott Derrickson applique l’exact contraire. Empruntant le personnage du père écrivain hanté par ce qu’il écrit à Shinning, la malédiction qui suit la famille à Insidious, Sinister n’est pourtant pas complètement raté. Les images des meurtres tournées en super 8 que nous découvrons en même temps que l’écrivain sont glaçantes, le pitch même du film est intéressant et les personnages principaux sont assez bien écrits. La déception devant le traitement d’un tel matériau n’en est que plus forte. On peut toujours se consoler en considérant que l’on a échappé au found footage et à la 3D...
Sinister n’est certes pas la nouvelle bombe du cinéma de terreur, et on ne peut que rêver du film qu’aurait réalisé un James Wan avec un tel scénario.

dimanche 4 novembre 2012

Looper


Le problème avec les films traitant des voyages temporels est que l’on peut passer davantage de temps à chercher une explication à ce qui se passe sur l’écran qu’à profiter pleinement du spectacle. Looper n’échappe pas à la règle car le film cumule deux paramètres à priori difficiles à intégrer pour le spectateur. Premièrement, la machine à remonter le temps a été inventée. Jusque là tout va bien, c’est le concept de base de nombreux films dont la série des Terminator. Là où les choses se corsent, c’est quand l’histoire nous propose de confronter le même individu à deux âges différents. Le principe est passionnant, mais il pose tout de même bon nombre de questions. Les looper (boucleurs en français) sont des tueurs que les mafias qui possèdent la fameuse machine à remonter le temps envoient dans le passé en même temps que certains témoins gênants qu’ils sont chargés de faire disparaitre. Il arrive qu’un boucleur boucle la boucle quand les mafias décident de mettre un terme à leur contrat. Dans ce cas, c’est eux même avec trente ans de plus qu’ils tuent. Il ne leur reste plus alors que trente ans à vivre, trente ans dont ils profitent au maximum grâce à leur dernière paie. Partant de cette hypothèse, on peut imaginer deux cas de figures.
Le premier consiste à considérer que la vie d’un homme est une trajectoire qui se déroule de façon linéaire. Il parait alors impossible d’imaginer qu’une même personne puisse se retrouver face à elle-même avec trente ans de plus car elle ne peut être dans deux états à la fois.
Mais on peut aussi considérer que le temps n’est pas linéaire et que la vie d’un homme est constituée de trajectoires qui pourraient éventuellement se croiser. Dans ce cas, le boucleur âgé de trente ans tue son autre moi âgé de soixante ans. Il sait alors qu’il ne lui reste plus que trente ans à vivre. Arrivé au bout de ces années, on va le ramener dans le passé où son moi âgé de trente ans va l’éliminer. Ce dernier va vivre encore trente ans jusqu’à son exécution, et ainsi de suite. On entre alors dans une boucle dont il est impossible de sortir, ce qui n’est jamais fait mention dans le film.
Looper par donc d’un postulat encore une fois excitant en confrontant un homme jeune et son autre moi plus vieux, chacun se battant pour préserver ce qu’il considère comme sa vie propre, passée ou à venir, alors que ce sera au final la même existence. Mais à trop vouloir tirer sur la corde de la boucle temporelle, le scénario se prend les pieds dans le tapis au risque de perdre le spectateur qui essaie de comprendre comment les choses en arrivent à ce qu’elles sont.
C’est frustrant car le film est bien réalisé, se permettant même des scènes très dures et sans concession comme celle où Bruce Willis (Joe âgé) exécute un enfant, ou lorsque le petit Cid explose littéralement un looper grâce à ses pouvoirs psychiques. On a droit à des séquences impressionnantes comme quand un looper âgé qui a échappé à son exécution voit son corps amputé progressivement de ses membres pendant qu’au même moment les portes flingues de Abe torture son autre moi plus jeune trente ans avant.
Bruce Willis retrouve un rôle à la mesure de son talent face à un Joseph Gordon Lewitt qui accède enfin à des rôles de premier plan. Ce dernier fait d’ailleurs davantage penser à Robert de Niro jeune qu’à Bruce Willis dont il est sensé incarner le personnage avec trente ans de moins. Le mélange entre anticipation et ambiance de film noir est réussi et malgré un final tragique mais assez convenu (l’acte de Joe suffira t’il à empêcher l’avènement du Maitre des pluies ?), le film constitue un solide divertissement.
Il est dommage qu’il soit victime de ses ambitions en utilisant le principe des boucles temporelles sans en assumer pleinement toutes les conséquences.

jeudi 1 novembre 2012

Skyfall


Le film s’ouvre sur une silhouette floue semblable à un fantôme qui s’avance vers nous et qui peu à peu prend la forme de Bond. Cette première scène est un prélude à ce qui va suivre et la marque indélébile de cette nouvelle aventure de James Bond. Car après une poursuite impressionnante et remarquablement filmée par un Sam Mendes très à l’aise dans les scènes d’action, le pré générique se conclut sur la mort de Bond, alors que le film commence par sa nécrologie. Le ton est donné, et si Bond reviendra bien évidemment d’entre les morts, il aura le plus grand mal à retrouver son statu d’agent d’élite.
Tout comme M, son âge le rattrape et il est considéré par les plus hautes autorités de Grande Bretagne comme un dinosaure n’ayant plus sa place dans le monde actuel. Skyfall se concentre essentiellement sur deux personnages.
Bond bien évidemment, un agent né de la guerre froide aux méthodes brutales, un homme de terrain qui semble dépassé par les nouvelles technologie et notamment la cyber criminalité. Un mythe que le réalisateur nous propose de découvrir de l’intérieur, notamment lors de la scène finale dans la maison de son enfance qui recèle bien des souvenirs. Jamais un épisode de la série n’aura autant exploré le passé de Bond et, mis à part le fondateur Casino Royale, ne nous aura donné autant de clefs pour cerner le personnage.
Mais l’histoire traite aussi et surtout du personnage de M que l’on découvre froide et impitoyable quand elle ordonne à 007 de laisser mourir un agent blessé pour poursuivre sa mission, ou quand elle prend le risque de le faire tuer plutôt que de laisser filer l’ennemi qui a dérobé la liste des agents du MI6 infiltrés dans les réseaux terroristes du monde entier. Sa position hiérarchique, sa fonction et le fait qu’elle soit une femme dans le monde presque exclusivement masculin de l’espionnage lui imposent de prendre des décisions douloureuses et souvent sujettes à caution.
C’est d’ailleurs l’un de ces choix qui a créé de toute pièce le redoutable Silva, l’un des méchants les plus réussi de la saga, dans lequel Javier Bardem s’investit corps et âme. Son personnage n’est d’ailleurs pas sans rappeler le tueur mutique du No country for old men des frères Cohen.
Comme Casino Royale avant lui, Skyfall s’inscrit totalement dans la mythologie première de James Bond, celle des romans de Ian Fleming. Sam Mendes, que l’on n’attendait pas sur ce genre de film très codifié, donne à son histoire une gravité emprunte de désespoir sans pour autant sacrifier un ton sarcastique des plus réussi. Le film alterne avec bonheur les scènes d’action et d’exposition des personnages et de l’intrigue, il égratigne le mythe (voire la conversation entre Bond et Q, l’Austin Martin, nombre de répliques en forme de clin d’œil du genre « uniquement pour les yeux de M », le fait que Silva soit gay et commence à tripoter Bond) tout en le respectant et en le nourrissant.
Contrairement à ses prédécesseurs, la scène finale, forcement spectaculaire et épique, ne se déroule pas en milieu urbain mais en pleine campagne écossaise. Bond, M et un vieux garde chasse doivent faire face aux sbires de Silva avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand-chose. Il en ressort une séquence de siège hautement jouissive et encore une fois parfaitement maitrisée.
Si l’on devait faire un reproche au film, ce serait sans doute du coté des James Bond girls qui ne parviennent pas à la cheville du personnage inoubliable de Vesper incarnée par la sublime Eva Green, et se cantonnent à des rôles de potiches. C’est dommage mais cela vient à peine ternir le plaisir que l’on prend durant tout le film.
Le final fait table rase du passé et installe une nouvelle équipe, Bond est prêt pour de nouvelles aventures. Skyfall est un Bond très réussi, l’un des meilleurs à ce jour. Espérons que les producteurs aient retenu la leçon et confie à nouveau le prochain épisode à un réalisateur de talent.

vendredi 19 octobre 2012

Savages


Oliver Stone abandonne pour un temps ses brulots politiques pour nous livrer un film d’action débridé sous influences. Avec Savages, il se fait plaisir et contente les spectateurs les moins difficiles. Car au-delà de ses qualités indéniables, il faut bien reconnaitre que le film ne va pas au bout de son concept. Son principal atout mais aussi son handicap le plus flagrant vient du choix des acteurs et de l’écriture des personnages. A son passif, il y a le trio que forment Ben, Chon et O. Ils sont beaux, jeunes, bronzés, riches et insouciants, du moins autant que le permet leur activité principale qui est la culture et la commercialisation de l’un des meilleurs cannabis du monde. Si Blake Lively arrive à tirer son épingle du jeu et impose son charme à chacune de ses apparitions, il n’en est pas de même de ses deux comparses. Incarnés par des acteurs sans consistance, leurs personnages frôlent la caricature et empêche ainsi toute empathie de la part du spectateur. Ben cultive de la drogue mais il réinvestit son argent pour aider le Tiers Monde. Quand à Chon, ses cicatrices de guerre nous le désignent clairement comme celui qui incarne la force brute. On ne croit pas vraiment à ces deux héros qui auraient plus leur place dans un quelconque blockbuster ou une comédie romantique.
Heureusement, Oliver Stone a eu la bonne idée de multiplier les personnages secondaires les plus tordus qui soient, et de s’entourer d’une pléiade d’acteurs épatants. Salma Hayek en reine de cartel, John Travolta en agent des stups corrompu jusqu’à l’os, Emile Hirsch en comptable improbable, Demian Bichir échappé de Weeds et fidèle à son rôle de dealer. Mais la palme revient sans conteste à un Benicio Del Toro métamorphosé en tueur implacable qui nous offre une partition absolument réjouissante.
Le réalisateur n’arrive pas à se débarrasser d’un certain maniérisme (couleurs saturées, alternance de plans en noir et blanc et couleur, narration de l’histoire en voix off) et il se place clairement sous l’influence du Tarantino des premières années. Que ce soit par la multiplicité des personnages hauts en couleurs ou par la bande son branchée omniprésente, Savages n’est pas sans rappeler Pulp Fiction à plusieurs occasions. Il y a pire référence, même si l’on est en droit d’attendre d’un cinéaste de la trempe d’Oliver Stone un peu plus de personnalité.
Le film, qui alterne des scènes d’actions impressionnantes et des séances d’une violence peu commune (décapitations à la tronçonneuse, tortures, exécutions sommaires) se regarde avec plaisir. Jusqu’à la double fin qui entérine définitivement le choix du réalisateur de tourner le dos au nihilisme de sa période Tueurs Nés. Entre la Horde sauvage et le happy end, Oliver Stone a choisi son camp et on ne peut que regretter son manque d’audace et d’anticonformisme.
Est-ce le poids des studios ou l’envie de renouer avec le succès public qui a dicté son choix ? Il n’empêche que l’on ne peut s’empêcher de penser qu’avec un peu plus d’audace, il aurait pu nous livrer un film à la fois fun et corrosif, ensoleillé et sombre, amusant et terriblement brutal. Et ça c’est terriblement frustrant.

jeudi 20 septembre 2012

Killer Joe

William Friedkin, 77 ans, livre avec Killer Joe un film uppercut sur la bassesse humaine et la pauvreté qui laissera une trace indélébile dans la mémoire des spectateurs. Car c’est bien de pauvreté dont il s’agit, qu’elle soit sociale, intellectuelle ou affective. Le film met en scène une galerie de personnages abjects, psychopathe au sang froid ou abrutis congénitaux, et pourtant on en vient à s’attacher à chacun d’eux et à espérer qu’ils se sortent de leurs vies minables. Ce qui bien entendu n’arrivera jamais. Killer Joe débute comme un polar tordu quand Chris, jeune paumé texan à la dérive, loue les services de Joe, flic et tueur à gages, pour tuer sa mère et empocher son assurance vie. Le tout avec la bénédiction de son père, de sa belle mère et de sa sœur. Le ton est donné et la suite est à l’avenant. Bien entendu, rien ne se déroulera comme prévu et l’histoire finira dans un bain de sang qui n’épargnera personne. Contrairement à la plupart des films actuels, ce n’est pas ici l’histoire qui prime mais bien les personnages, tous interprétés avec une justesse peu commune par une galerie d’acteurs et d’actrices absolument formidables.
Parmi ce tableau de toutes les tares humainement imaginables, seul le personnage de Dottie, la sœur de Chris, semble apporter un peu de lumière, comme une fleur qui pousserait sur un tas de fumier. Déjà extraordinaire dans Kaboom de Gregg Araki, Juno Temple campe une cendrillon redneck qui serait tombée sur le mauvais prince charmant. Elle incarne avec justesse une femme enfant décalée qui semble se réfugier dans un monde qui lui est propre pour échapper à la laideur qui l’entoure. Mais cette protection va bien vite voler en éclat devant la brutalité et l’avidité des hommes. Déchirée entre son frère et son amant, elle tranchera de manière radicale, la seule possible.
Le réalisateur prend son temps pour filmer ses personnages, installant de longs dialogues décalés que ne renierait pas le Tarantino des débuts. Des moments tendus à l’extrême qui débouchent sur des explosions de violence surréalistes. Le trait est poussé tellement loin que le film prend des allures de conte fantastique. On en vient à douter de la réalité de ces personnages presque iconiques de bêtise, de lâcheté et de perversion, mais jamais caricaturaux.
William Friedkin aime ses personnages, aussi tordus soient ils, et nous fait partager sa joie presque enfantine d’être derrière la caméra et de diriger ce théâtre de marionnettes tragiques. C’est une belle leçon de cinéma dont bon nombre de réalisateurs devraient s’inspirer.

vendredi 7 septembre 2012

The Secret

Comme nombre de réalisateurs français de genre, Pascal Laugier part aux Etats Unis réaliser son nouveau film. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne fait aucune concession et livre une histoire conforme à sa vision, sans adopter l’attitude béate du fan aveuglé par les lumières américaines. Alors que le film est vendu aux Etats Unis comme une énième histoire d’épouvante, The Secret est pourtant loin d’être aussi simple que cela. Tout comme Martyrs, le film possède différents niveaux de lectures et une narration complexe qui demande des efforts aux spectateurs. Et comme pour Martyrs, on en sort en se demandant si on aime ou on déteste ce que l’on vient de voir. Le film est composé de quatre parties et le passage de l’une à l’autre par le biais de révélations successives change complètement notre point de vue à chaque fois. L’histoire débute à Cold rock, petite ville rurale américaine sur laquelle semble planer une malédiction accompagnant la décrépitude économique de la ville et de ses habitants. Depuis quelque temps, des enfants disparaissent sans laisser aucune trace. Très vite, les habitants parlent du Tall Man, un mystérieux croquemitaine qui viendrait enlever les enfants pour les emmener là où on ne les reverra jamais.
Après un très beau générique, le réalisateur installe une ambiance inquiétante et pose toutes les règles du fantastique. Nous découvrons ces évènements inquiétants à travers les yeux de Julia interprétée par une Jessica Biel impressionnante dans son rôle de veuve qui élève seule son enfant. La musique, la photographie, la réalisation, tout concours avec brio à une atmosphère envoutante, un peu triste et vraiment anxiogène. L’histoire s’accélère quand son fils est à son tour enlevé et qu’elle se lance à la poursuite du ravisseur.
Un premier retournement de situation nous oblige alors à porter un regard différent sur tout ce que l’on vient de voir, et le film sort du domaine du fantastique. Une deuxième révélation, quand le Tall Man frappe à nouveau en enlevant Jenny, nous replonge dans le surnaturel, jusqu’au troisième retournement (la révélation du visage du Tall Man) qui oriente définitivement le film dans un autre registre et expulse tout élément fantastique pour ne plus jamais y revenir.
Pascal Laugier compose un travail intéressant sur la subjectivité et les interprétations que l’on peut faire de ce que l’on nous montre. Témoin la scène du prologue que l‘on revoit ensuite et qui, à la lumière de ce que l’on apprend, prend un tout autre sens. Le problème, déjà rencontré dans Martyrs, vient du dénouement qu’il nous propose.
(attention, spoiler)
Il pose une question cruciale en terme de déontologie et de sociologie en mettant en scène un groupe de personnes qui enlèvent les enfants pauvres condamnés à suivre les traces de leurs parents pour les faire adopter par des familles riches et leur offrir ainsi un meilleur avenir. La question n’est pas tranchée comme en témoigne le questionnement que Jenny adresse aux spectateurs à la fin du film, mais l’on peut trouver douteux l’idée même du scénario, d’autant plus qu’elle est légitimée par le réalisateur (Jenny retrouve la parole grâce aux soins prodigués par sa nouvelle mère d’adoption). Tant qu’à investir de l’énergie et de l’argent pour aider ces enfants, on pourrait aussi suggérer de le faire au niveau des familles en question plutôt que de se poser en juge au nom du déterminisme social et de décider de priver une mère de ses enfants.
(fin du spoiler)
Fidèle à sa fascination pour les figures sacrificielles féminines, Pascal Laugier se sert du fantastique plus qu’il ne le sert. C’est son droit le plus strict mais on peut aussi trouver cela agaçant.

jeudi 6 septembre 2012

Expendables 2 : unité spéciale




Alors que le premier épisode de ce qui pourrait bien devenir une franchise et qui réunissait les grandes gloires du cinéma d’action des années 80 oscillait avec plus ou moins de bonheur entre action pure et clin d’œil, ce deuxième opus prend une direction significativement différente. Le tout est de savoir si c’est voulu ou non. Le film commence par un prologue fulgurant qui voit le commando attaquer une base terroriste au Népal pour libérer un milliardaire chinois kidnappé et un mystérieux prisonnier. La séquence est efficace, brutale et spectaculaire et laissait envisager le meilleur pour la suite. Malheureusement il n’en est rien. Car une fois révélée l’identité du prisonnier qui apparait comme un diable sorti de sa boite, c’est à un véritable catalogue de tous les poncifs du genre que nous convie le réalisateur Simon West. Sans parler d’un scénario prévisible au possible et de dialogues qui prêtent constamment à sourire. Tout ce qui caractérise les films d’action les plus basiques et qui agace généralement le spectateur se retrouve concentré en une heure trente, ce qui constitue en soi un véritable tour de force.
Des soldats qui font mouche à tous les coups et qu’aucune balle ne peu atteindre, une certaine misogynie latente, des équipements et des véhicules qui apparaissent comme par enchantement dans les endroits les plus reculés de la planète, une escouade de soldats et un tank anéantis par un seul homme (Chuck Norris certes, mais quand même), des situations désespérées qui se résolvent avec l’apparition d’une sauveur inattendu (par les personnages, car le spectateur lui le voit venir de loin), la jeune recrue qui veut se retirer et dont c’est la dernière mission avant de rejoindre sa fiancée, et qui évidemment meurt en premier (à ce niveau là ce n’est plus un spoiler), la liste est longue et en devient pénible au bout d’une demi heure.
La vieille garde est toujours là et on retrouve avec plaisir ces vieilles trognes pourtant marquées par les années, mais pour ce second épisode, le réalisateur se met en pilote automatique et ne livre que le strict minimum. Jet Li disparait dès le début au profit d’une femme, asiatique elle aussi, Dolph Lundgren fait le comique de service, Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger multiplient les clins d’œil à leurs filmographies respectives, quand à Sylvester Stallone, il frôle en permanence la caricature. Encore une fois, seul Jason Statham sauve la mise.
Quand aux nouveaux venus, ce n’est pas mieux. Chuck Norris fait une apparition paresseuse, et Jean Claude Van Damme cabotine comme jamais. Jusqu’à son nom, Vilain, au cas où on ne comprendrait pas son rôle dans l’histoire.
Vendu comme un film d’action, Expendables 2 est en fait davantage une comédie qui caricature le genre qu’un renouveau du film de commando. Pour cela on préférera se tourner du coté de l’Asie et revoir par exemple The Raid. Il reste à savoir si la démarche est volontaire ou non. Quoiqu’il en soit, je passe pour mon tour pour le troisième épisode.

vendredi 31 août 2012

Kill List

Le film s’ouvre sur une violente dispute opposant Jay, un ancien soldat traumatisé par ses années de guerre, et sa femme Shen. Une dispute à propos de leurs problèmes d’argent, problèmes qui pourraient être résolus par un travail que lui propose Gal, son meilleur ami lui aussi ancien soldat. La situation commence à déraper quand on se rend compte que ce travail consiste en une série d’assassinats et que la femme de Jay, non contente d’être au courant de la situation, le pousse même dans cette voie. En acceptant cette mission, Jay commence une lente descente aux enfers dont il ne ressortira pas indemne. Kill List ressemble à un voyage aux confins de l’horreur, l’une de ces expériences où le voyage a plus d’importance que la destination en elle-même. Car à la fin du film, on ne sait plus vraiment où l’on en est, on n’est plus sur de la réalité des évènements qui se sont déroulés sous nos yeux. En cela, Kill List est une expérience unique, l’un de ces films coup de poing que l’on reçoit en pleine face et dont on a du mal à se remettre.
Comme Take Shleter, Guilty of romance ou Bullhead cette année, Kill List fait d’abord appelle à nos sens avant notre intellect, et ce n’est qu’à la sortie du film que l’on se met à réfléchir à ce que l’on vient de voir. Alternant choc visuel (le meurtre au marteau) ou laissant à notre imagination le soin de mettre des images sur l’innommable (les cassettes vidéos conservées par l’Archiviste), le réalisateur Ben Wheatley mêle les genres et s’amuse à brouiller les pistes, perdant le spectateur pour mieux le retrouver là où on ne l’attendait plus. Le film commence comme un drame social avant de bifurquer vers le polar puis de sombrer dans le fantastique et l’épouvante. Confronté à une secte païenne qui pratique des sacrifices humains, Jay, et nous avec, s’enfonce peu à peu dans un monde parallèle où tout peut arriver, et particulièrement le pire.
Le film regorge de pistes offertes au spectateur comme autant d’interprétations possibles d’une histoire pourtant assez linéaire. Ainsi, la liste des personnes que doivent éliminer les deux tueurs comporte quatre noms. Le Prêtre qui représente la religion, l’Archiviste qui incarne le savoir, le Député symbole de la politique et enfin le Bossu dont le dénouement nous révèlera la vraie et terrible nature, et qui représente finalement la famille. Quatre figures du pouvoir sous ses formes les plus diverses, quatre symboles que Jay doit tuer pour accomplir son destin.
Kill List mêle donc les genres et aligne des scènes d’anthologie, allant de la comédie (la confrontation avec les catholiques au restaurant), à la violence la plus frontale et traumatisante (du bon usage d’un marteau pour faire parler les gens) en passant par l’épouvante (la poursuite dans la forêt puis dans le tunnel par une horde de fanatiques). Ces scènes restent graver dans la mémoire du spectateur longtemps après la projection, mais elles participent surtout à la cohérence de cette terrible descente aux enfers.
On pourrait croire que tout commence lorsque la compagne de Gal marque la maison de Jay par un signe cabalistique. Pourtant, l’une des premières scènes du film qui voit ce dernier jouer au chevalier avec son fils à cheval sur les épaules de sa mère, Gal faisant mine de tuer sa femme avec une épée en plastique, trouve son écho dans la scène finale qui la reproduit presque à l’identique, avec un retentissement autrement plus grave.
Doit-on en conclure que c’est le destin de Gal que d’être l’Elu ? Ou qu’il a était choisi par la secte à cause de ses poussées d’ultra violence ou que finalement tout ceci n’est que le fruit d’un délire paranoïaque ?
Porté par des acteurs absolument impeccables et une réalisation inspirée, Kill List transcende son statu de film et nous convie à un voyage dont on ne revient pas indemne. C’est suffisamment rare pour être souligné.

mercredi 15 août 2012

Rebelle

Première incursion de Pixar dans le film de princesse, Rebelle met en scène une jeune fille écossaise qui justement refuse de devenir une princesse. Mais bien plus qu’un conte, Rebelle est avant tout un film sur l’adolescence comme son titre français l’indique. Le film traite en effet du passage de l’enfance au monde adulte en invoquant les théories freudiennes les plus basiques, habillées des légendes et du fantastique celtiques. Merida est une jeune fille libre et insouciante, choyée par son père et en conflit avec sa mère qui rêve pour elle d’un destin tout tracé passant par le mariage et les responsabilités dues à son rang, comme elle l’a elle-même vécue quand elle avait le même âge. Le début du film voit l’affrontement du père avec un ours monstrueux qui lui dévore une jambe. Fergus, qui est à la fois roi et père, acquiert alors la réputation d’un redoutable tueur d’ours qui n’a de cesse de retrouver Mordu, l’animal qui l’a privé de son intégrité physique. Quand Merida, à la suite d’une violente dispute avec sa mère, rencontre une sorcière qui n’est autre que l’incarnation de son subconscient, elle lui demande, inconsciemment, de la transformer en ours.
La jeune fille en devenir qu’elle est souhaite clairement la mort de sa mère par le bras de son propre père afin de prendre sa place et, inconsciemment toujours, et symboliquement, de coucher avec lui. Alors que sa mère est prisonnière de sa forme d’ours, privée de son humanité, Merida parvient enfin à communiquer avec elle. La reine est en effet à la merci de sa fille qui doit lui apprendre comment se nourrir et la protéger. Les rôles sont inversés, la fille a pris la place de la mère qui se trouve refoulée à sa nature animale.
Rebelle est le premier film Pixar à être coréalisé par une femme, Brenda Chapman. Est-ce un hasard, mais il est notable que tous les personnages d’hommes sont quasiment insignifiants. Les chefs de clans sont des brutes qui ne pensent qu’à boire, manger et à se battre, leurs fils sont des abrutis congénitaux, quand au roi, il est incapable de prendre une décision ou de prononcer un discours sans l’aide de sa femme. L’histoire se concentre en fait autour de deux personnages, Merida et Elinor, la fille et sa mère, la sorcière n’étant que la concrétisation des désirs les plus secrets et inavouables de l’adolescente.
Bien entendu, tout cela se terminera bien, chacun faisant des concessions pour respecter l’autre en tant que personne et non plus comme le symbole de l’autorité ou d’un certain rang social. Comme d’habitude, l’animation est parfaite, la 3D parfaitement dispensable et les personnages bien écrits. Pourtant, les ficelles sont plus grosses que d’habitude. L’esprit frondeur qui faisait tout le piquant des chefs d’œuvre passés, de Monstres et Compagnie aux Indestructibles, la poésie qui imprégnait Wall E sont ici absents. L’influence de Disney semble plus pesante et le coup d’essai des studios Pixar dans le conte de fées n’est pas aussi concluant que l’on pourrait l’espérer. Vivement la suite de Monstres et Compagnie !

jeudi 2 août 2012

Guilty of romance

Premier film de Sono Sion à sortir dans les salles françaises, Guilty of romance brasse tellement de thèmes, aborde de si nombreux genres qu’une seule vision ne suffit pas pour en appréhender toute la complexité et la richesse. Porté par une superbe photo qui semble parfois aller chercher son inspiration chez Dario Argento, le film parle d’abord des femmes, de la société japonaise et des femmes dans la société japonaise. La femme chez Sono Sion est multiple et complexe. La mère, l’épouse, la pute, la femme professionnellement active. Le film débute par une succession de scènes de la vie ordinaire d’Izumi, l’épouse effacée d’un écrivain célèbre. Son existence semble se cantonner à attendre son mari et à prévenir le moindre de ses désirs domestiques. A ce titre, Izumi incarne une certaine idée de la femme au Japon, inféodée à son mari, ou plus généralement à sa famille, et totalement soumise. Jusqu’à ce qu’un concours de circonstance l’amène à rencontrer Mitzuko, une professeur d’université le jour qui vend son corps la nuit. Ivre de liberté et de sensualité retrouvée, mais également rongée par la culpabilité de l’adultère, Izumi se laisse entrainer dans un jeu dangereux qui va la changer à jamais.
La mère est celle de Mitzuko, une vieille femme pleine d’amertume et de haine qui incarne un personnage d’une méchanceté jusque là peu vu à l’écran, notamment au travers d’une scène de thé particulièrement venimeuse. La femme c’est enfin l’inspecteur Kazuko qui enquête sur des meurtres perpétrés dans le quartier des Love Hotels et qui pourraient bien avoir un lien avec les différents protagonistes de l’histoire.
Cette version de Guilty of romance diffusée en Europe est tronquée de plusieurs minutes par rapport à celle distribuée au Japon, et c’est principalement le personnage de l’inspecteur qui en pâtit. L’enquête apparait en effet comme un film conducteur un peu décousu et on reste frustré de ne pas en apprendre davantage sur le personnage de Kazuko. Malgré cela, ou plutôt à cause de ces scènes coupées, le film se concentre davantage sur les personnages de Mitzuko et d’Izumi, deux femmes écrasées par une société encore largement dominée par les hommes et qui, chacune à leur manière, décident de s’en échapper.
Mais si la femme est au cœur du film, Sono Sion embrasse de nombreux autres thèmes, comme par exemple le rapport aux mots, et à la poésie. Les mots ont un rôle central dans le film, que ce soit les litanies répétées par Izumi pour vendre ses saucisses, et plus tard son corps aux passants, les lectures publiques de son mari au travers desquelles Izumi vit par procuration une existence qu’elle rêve mais que son compagnon est incapable de lui offrir. Le sens des mots enfin revêt une importance particulière pour Mitzuko qui initie Izumi à cette notion, notamment par le biais de la poésie et un extrait du texte de Ryuichi Tamura « On My Way Home » qui revient comme un leitmotiv tout au long du film. Guilty of romance est une œuvre protéiforme qui touche à peu prés tous les genres, du film érotique dans la grande tradition des romans pornos japonais au drame et passant par la slasher et l’étude sociétale.
Film envoutant et parfois déconcertant, Guilty of romance est enfin porté par la présence lumineuse de la belle Megumi Kagurazaka, ancienne modèle photo devenue actrice et accessoirement compagne du réalisateur. Qu’elle soit épouse rangée ou prostituée provocante, soumise ou affranchie du poids des conventions sociales qui la broient, elle illumine l’écran par sa présence et sa plastique de rêve.
Guilty of romance est distribué dans une dizaine de salles en France, dans une version raccourcie. Ce n’est pas un film facile d’accès, à tous les sens du terme, mais c’est un voyage unique qui donne furieusement envie de découvrir les autres films de Sono Sion.

mercredi 25 juillet 2012

The Dark Knight Rises

Il apparait de plus en plus clairement avec cet ultime épisode qui clôt la trilogie consacrée au Chevalier Noir que Christopher Nolan n’est pas un grand fan de super héros. Preuve en est par exemple la façon dont il expédie Bane, ignore le personnage de Catwoman au profit de Selina Kyle ou comment il ré écrit l’histoire de Batman dans Batman Begins. Sans parler des combats, correctement filmés mais sans l’héroïsme que l’on pourrait en attendre. Ces figures héroïques et torturées ne sont pour lui que le moyen de parler de l’Amérique d’aujourd’hui, comprendre post onze septembre, et d’aborder des thèmes aussi important que le prix à payer pour assurer sa sécurité au prix de sa liberté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ses films font hurler les fans purs et durs des personnages de l’écurie DC Comics. Alors que le précédent épisode trouvait ses références dans le thriller urbain, Michael Mann en tête, c’est au film de guerre que fait ouvertement référence ce Dark Knight Rises. Gotham City est en état de siège et son seul et unique justicier est dans l’incapacité, d’abord psychologique puis physique, de sauver la ville et ses habitants.
Le réalisateur déclare s’être inspiré de la Révolution française pour illustrer la seconde partie de son film, et il est vrai que l’on ne peut s’empêcher de penser à la Terreur en voyant les ouvriers, les employés, les prisonniers se soulever et prendre violement à partie l’élite richissime de la ville. Les tribunaux expéditifs renvoient aux heures les plus sombres de notre histoire et la figure de Robespierre plane sur le personnage de Bane. Personnage on ne peut plus ambigu qui se présente comme un révolutionnaire alors qu’il n’est qu’un mercenaire au service d’une vengeance qui n’est même pas la sienne. Mais même si les habitants de Gotham sont manipulés, c’est bien de lutte des classes dont il est question, une frustration qui couve depuis trop longtemps et qui éclate en une anarchie que n’aurait pas renié le Jocker.
The Dark Knight Rises n’est pas exempte de défauts, à commencer par des longueurs, des personnages féminins insuffisamment développés, des méchants qui meurent presque dans l’indifférence générale et une fin qui refuse la noirceur qui pointait pourtant depuis le début de la trilogie. Il aurait été courageux de conclure sur le visage en larmes d’Alfred plutôt que nous offrir un épilogue lumineux qui dénote avec la tonalité générale du film.
Mais Christopher Nolan prouve une fois de plus que l’on peut marier grand spectacle et réflexion et démontre à nouveau qu’il est un réalisateur de grand talent, que l’on partage son propos ou non. Car si le traitement du personnage de Batman peut être sujet à controverse, il n’en est pas de même pour les personnages secondaires sur qui repose l’architecture principale de l’histoire. La plus belle surprise est sans nul doute Anne Hathaway qui campe une Selina Kyle plus féline que jamais, au point de se hisser au niveau de la performance de Michelle Pfeifer dans Batman le Défi de Tim Burton. Il faut la voir enfourcher la moto de Batman pour en être convaincu à jamais. Le réalisateur convoque pour ce dernier épisode la presque totalité des personnages qui entourent le justicier. Le commissaire Gordon, Harvey Dent, Alfred, l’Epouvantail, tous ou presque sont là, vivants ou morts, et toujours interprétés avec une justesse bienvenue. Jusqu’à la naissance de Robin qui est esquissée par l’intermédiaire de l’excellent Joseph Gordon Levitt. Il ne manque que le Jocker, figure mythique du Dark Knight dont on n’est pas prêt d’oublier l’interprétation magistrale du regretté Heath Ledger.
Quand au personnage de Bane, dont Christopher Nolan ré interprète aussi les origines, il est campé par un Tom Hardy une fois de plus impressionnant de force brute. Dommage qu’il ne soit au final que le reflet d’une légende dont on ne connaitra la vrai nature qu’au terme d’un final décevant.
The Dark Knight Rises n’est donc pas le grand film de super héros que tout le monde attendait, c’est un film qui prend le risque de bousculer les convenances pour servir le discours d’un réalisateur hyper talentueux mais qu’il serait bon de ne pas statufier trop vite.

samedi 7 juillet 2012

Le Grand soir

Les deux anarchistes du cinéma français Gustave Kervern et Benoit Delépine invitent dans leur nouveau film les deux acteurs les plus déjantés du paysage cinématographique hexagonal, Benoit Poelvoorde et Albert Dupontel. Le résultat aurait dû être explosif, hélas il nous laisse un peu sur notre faim. Non pas que Le Grand soir soit un mauvais film, loin de là, mais il pâtit évidemment de la comparaison avec leur précédent long métrage. Or, Le Grand soir n’a ni l’esprit frondeur, ni la poésie et encore moins la puissance de Mammuth qui reste une perle rare dans la production actuelle. C’est d’ailleurs un comble qu’un film mettant en scène des punks se révèle au final beaucoup moins subversif que Mammuth dont la charge social était pour le coup moins voyante mais d’une toute autre force. Comme à leur habitude, les deux réalisateurs filment un voyage initiatique ponctué de rencontres invraisemblables. Ce qui donne lieu à des scènes magiques, hélas trop peu nombreuses. Comme cette apparition de Depardieu en diseur de bonne aventure, le suicide d’un inconnu ou encore le moment où Not prend le micro pour faire son annonce dans la grande surface.
A coté de cela, il y a des erreurs de casting qui plombent le film alors que la construction filmique des réalisateurs tient justement sur ces personnages secondaires. Brigitte Fontaine fait du Brigitte Fontaine, ce qui est vite restrictif, quand aux trop rares Yolande Moreau ou Miss Ming, elles sont cantonnées à des figurations éclair.
C’est dommage, la rencontre de ces deux grands acteurs pouvait faire des étincelles, mais il ne suffit pas de mettre en scène des punks ou un concert des Wampas pour le devenir. L’esprit punk ne se décrète pas, il surgit où on l’attend le moins. Head On de Fatih Akin ou encore une fois Mammuth sont de vrais films punks, Le Grand soir ne l’est pas.

samedi 9 juin 2012

Prometheus

Attendu comme le messie par tous les fans d’Alien et de science fiction en général, le nouveau film de Ridley Scott est une œuvre pour le moins déconcertante. Sublime dans la forme, affligeant sur le fond, on se demande par quel processus le réalisateur est parvenu à générer un film aussi bancal.
Clairement annoncé comme un prequel d’Alien, Prometheus tient en cela toutes ses promesses. Les fans de la première heure ne seront pas déçus, Ridley Scott nous invite à un voyage au cœur même du mythe, retrouvant avec délectation les décors organiques du premier opus, et nous proposant même de découvrir la genèse du monstre. De ce point de vue, Prometheus est donc une vraie réussite, tout comme pour son utilisation brillante de la 3D, des séquences chocs qui parsèment le film et qui à elles seules en justifient l’existence. A ce titre, la scène d’ouverture qui expose tout simplement la genèse de l’être humain, et la scène finale qui lui fait écho en nous montrant la naissance de l’Alien tel que l’affrontera Ripley quelques années plus tard, sont tout simplement renversantes. Des scènes aussi fortes, le film en regorge (la séquence d’auto avortement, le combat entre l’Ingénieur et la créature tentaculaire, vision hallucinante que n’auraient pas reniée Moebius ou Lovecraft).
Le problème, c’est la cohérence de l’ensemble et l’histoire en elle même. Inexplicablement pour un projet de cette envergure, le scénario de Prometheus semble avoir été écrit pour une série Z, et les incohérences dignes des plus mauvais films d’horreur pullulent. Le biologiste et l’archéologue bloqués par une tempête dans le vaisseau extra terrestre ne trouvent pas de meilleure idée que de se réfugier dans la salle des œufs où se concentre tout le danger. Ce même archéologue revient quelque temps plus tard sous la forme d’un mort vivant quasi indestructible, on ne saura jamais pourquoi. Tout comme on ne comprend pas vraiment d’où viennent ces hologrammes qui nous montrent ce qu’ont vécu les Ingénieurs des siècles plus tôt.
Si l’ensemble des interprètes sont plutôt de bonne tenue, les personnages sont quand à eux à peine esquissés ou franchement caricaturaux. On hésite constamment entre le fait de penser que Promotheus a été pensé comme un film de quatre heures coupé n’importe comment au montage, ou écrit et réécrit n’importe comment, Ridley Scott trouvant plus intéressant de s’intéresser à l’aspect visuel qu’à ses personnages.
C’est vraiment dommage car de par son propos (rien de moins que l’explication de la création de l’humanité par une entité extra terrestre, puis sa tentative d’extinction par une arme de destruction massive que sont les Aliens) est ambitieux, les décors nous replongent avec délice dans la genèse d’Alien, la technologie 3D est pour une fois parfaitement maitrisée et intelligemment exploitée, les effets spéciaux et l’animation des différentes sortes d’Aliens sont bluffant.
Difficile d’en vouloir au réalisateur tellement le plaisir pris à se replonger dans ce monde dont il nous livre les clefs est grand. Mais Promotheus nous rappelle cruellement qu’un film peut être visuellement réussi, bénéficier de moyens technologiques énormes et des plus grands techniciens, sans histoire et personnages dignes de ce nom, le château s’effondre. C’est une belle leçon que Ridley Scott devra retenir pour la suite que le final de Prometheus annonce clairement.

samedi 2 juin 2012

The Raid

Passons sur le doublage français qui frôle parfois le ridicule, les dialogues réduits à leur plus simple expression, le scénario simplissime et l’endurance surréelle des combattants. Tout comme les films pornographiques, les films d’action pure souffrent la plupart du temps d’une carence scénaristique dommageable qui les cantonne à une suite de scènes de combat ou de sexe au détriment des personnages et de l’histoire.            Si l’on accepte ces limites, The Raid représente une nouvelle page dans le film d’action dont il place la barre très très haut. Le pitch est d’une simplicité désarmante : un groupe de policiers indonésien investit un immeuble pour capturer un baron de la drogue. Au fur et à mesure qu’ils progressent d’étages en étages, ils se font décimer par les hommes du trafiquant. Au final, seul un petit groupe d’homme affrontera le chef et ses hommes de main.   Réalisé par Gareth Evans, un gallois exilé en Indonésie, The Raid met en scène des combats spectaculaires tels que l’on n’en avait pas vus depuis Ong Bak. Les combattants ne pratiquent pas le muay thaï mais le silat, un art martial d’origine indonésienne d’une redoutable efficacité. Alternant les fusillades et les combats à main nue, le film déroule des scènes incroyables où les policiers et les trafiquants s’affrontent avec une sauvagerie peu commune. Que ce soit des combats pied poing, avec des couteaux, des haches ou même un néon (…), on cogne sec et violemment. Les impacts de balles, les blessures à l’arme blanche et les coups font gicler des gerbes de sang et le tout acquiert un réalisme particulièrement impressionnant.
Le ton du film est d’ailleurs donné dés le début lors d’une scène d’exécution de prisonniers par Tama, le baron de la drogue, d’une violence très crue. Mariage improbable entre le premier Die Hard et Ong Bak, The Raid marque un tournant dans le film d’action, de part sa sauvagerie, ses chorégraphies et sa maitrise. Car le réalisateur a toujours à cœur de filmer ses combats à distance respectable, ne laissant d’autre choix aux cascadeurs que d’accomplir des prouesses physiques exceptionnelles. L’exact contraire de ce que filmait Stallone sur Expendables.
Si les personnages sont souvent assez stéréotypés, il en est un qui ressort du lot. Mad Dog, l’un des lieutenants de Tama est non seulement un combattant remarquable, mais il prend à contrepied l’image du méchant traditionnel. Alors qu’il tient en joue le chef de l’expédition qui le dépasse d’une bonne tête, il choisit de le combattre à mains nues pour avoir le plaisir de le tuer de ses propres mains, déclarant que tuer quelqu’un avec une arme à feu, c’est comme aller au fast food, c’est fade ! Plus déconcertant encore ce combat final entre Mad Dog, Rama le personnage principal et Andi (attention spoiler) qui se révèlera être son frère. Alors que Mad Dog est en train de torturer Andi et que survient Rama, il détache celui-ci et choisit de combattre les deux hommes de front. Véritable sens de l’honneur ou pur psychopathe ? Il n’en reste pas moins que le personnage restera longtemps dans nos mémoires.
The Raid démontre une fois de plus l’incroyable capacité du cinéma asiatique à nous offrir des films qui repoussent chaque jour les limites du possible en termes de combats et de cascades. Il sera difficile d’apprécier les prochains films d’action après une telle claque.

dimanche 20 mai 2012

De rouille et d'os

La belle, c’est Stéphanie, une dresseuse d’orques à Antibes à qui tout réussit, du moins nous le laisse t’on deviner. La bête, c’est Ali, un homme paumé qui vient du Nord avec son fils Sam dont il ne sait pas s’occuper. Peu de temps après leur rencontre dans une boite de nuit, Stéphanie est victime d’un terrible accident. Amputée des deux jambes, elle se tourne vers Ali qui, un peu malgré lui, lui redonne goût à la vie.
 Après avoir signé avec Un prophète un film magnifique, Jacques Audiard se tourne vers le mélo. S’il a l’intelligence de choisir les interprètes adéquates pour incarner ses personnages, il n’évite malheureusement pas les écueils propres à ce genre souvent risqué.
De rouille et d’os est un bon film, magnifiquement interprété et maitrisé. Pourtant on est loin de la fulgurance qui caractérisait son précédent long métrage. La faute à un scénario qui pêche à trois endroits. Premièrement le personnage d’Ali, un homme irresponsable autant dans ses relations avec les femmes, son fils que par ses actes professionnels. Alors que son histoire devrait susciter l’empathie, on a du mal à réprimer une sorte d’agacement devant tant d’insouciance. Si cet état de fait permet à Stéphanie de se sentir considérée comme une personne normale et non pas une handicapée, témoin la scène de la plage où il la laisse nager sans ses soucier d’elle et va dormir en attendant qu’elle revienne, cette même attitude a des conséquences désastreuses sur son fils de cinq ans qu’il blesse en le cognant contre une table, qu’il laisse regarder des combats de free fight sur internet ou dont il provoque involontairement l’accident par négligence.
La seconde faiblesse du film tient à l’exposition trop brève du personnage de Stéphanie avant que ne survienne l’accident. Contrairement au personnage d’Ali que l’on découvre bien avant son arrivée à Antibes, on ne sait pas grand-chose de cette jeune femme avant qu’elle ne soit amputée. On aurait aimé la voir telle qu’elle été avant l’accident, sure d’elle, surement égocentrique, pour mieux comprendre celle qu’elle devient par la suite. De plus, même si son parcours est émaillé de moments douloureux, comme par exemple l’excellente scène de la boite de nuit où Marion Cotillard fait passer toute sa frustration et sa détresse sans pratiquement dire un mot, force est de constater que son parcours se passe relativement facilement. Les prothèses, la réadaptation à la marche, l’insertion dans le milieu fermé des paris clandestins, tout semble plus ou moins couler de source et se passe finalement très vite.
Enfin, le dernier personnage laissant à désirer est celui de Sam, le fils d’Ali. Il est présent sans vraiment avoir de consistance, ne prononce quasiment pas une parole et on a avec lui aussi du mal à créer une relation qui suscite un quelconque intérêt.
Sans aller jusqu’à comparer le film de Jacques Audiard avec le Dancer in the Dark de Lars von Trier comme beaucoup de critiques l’on fait à sa sortie, le film d’Audiard est nettement moins grossier et manipulateur, il est dommage que le réalisateur ait sacrifié son histoire à quelques facilités scénaristiques en usant plus que nécessaire d’un pathos qui devient au final assez pesant (l’accident de Stéphanie, la trahison d’Ali vis-à-vis de sa sœur, l’accident de Sam). Il reste que le film permet à Marion Cotillard d’incarner avec brio l’un des personnages les plus forts de sa carrière, bien plus intéressant que sa prestation dans la Môme par exemple. Mathias Schoenaerts quand à lui reprend un rôle au final peu éloigné de celui qu’il tenait dans Bullhead, celui d’un gosse enfermé dans le corps d’un homme. Mais l’acteur, même s’il est très bon, est à mille lieus de la performance, il est vrai impressionnante, du personnage d’éleveur bovin qu’il livrait dans son précédent film.
Au final, il reste un film intéressant, de très belles performances d’acteurs, des scènes magnifiques. Dommage que l’ensemble manque de ce quelque chose d’imperceptible qui fait les chefs d’œuvre.

jeudi 17 mai 2012

Dark Shadows



Alice au Pays des Merveilles, dernière adaptation en date de Tim Burton laissait présager le pire sur la carrière d’un cinéaste que l’on sentait arrivé au bout de son univers, écrasé par les studios et bien loin de la fulgurance de ses premiers films. Dark Shadows dément catégoriquement un éventuel essoufflement du cinéaste qui revient avec succès à ses thèmes de prédilection.   En adaptant la  série télé créée par dan Curtis qui n’est pas sans rapport avec l’univers de la Famille Adams, Tim Burton réalise un film en tout point réussi, brassant avec bonheur la comédie pure, l’hommage aux films de vampire tout en conservant son sens critique et une bonne dose d’humour noir. Car si Dark Shadows est avant tout une comédie, le réalisateur y insère quelques scènes d’une cruauté et d’une audace bienvenues. Témoin cette réunion de baba cools tous plus niais les uns que les autres qui se termine dans un bain de sang, ou cette fellation (certes hors champ, il ne faut pas exagérer non plus !) pratiquée par Helena Bonham Carter sur un Johnny Depp aussi étonné que les spectateurs de cette audace.
Comme à son habitude, le réalisateur s’entoure de comédiens habitués à son univers, et introduit quelques nouveaux venus dont Eva Green qui incarne au passage l’un des plus beaux personnages du réalisateur. Avec grâce et talent, la comédienne campe la sorcière Angélique Bouchard, éprise autant qu’ennemie mortelle de Barnabas Collins. Que ce soit au travers d’une amoureuse éconduite, d’une femme fatale ou d’une poupée de porcelaine désarticulée, Eva Green donne à cette femme tragique une âme tragique qui restera dans les mémoires. La première incongruité du film est d’ailleurs le fait que Barnabas Collins reste de glace devant tant de beauté et de sensualité…
Face à elle, Johnny Depp est servi par des dialogues savoureux, les scénaristes jouant à fond, et avec succès, la carte pourtant connue du décalage temporel. Perdu une époque qui lui est complètement inconnue, le vampire Barnabas Collins enchaine les situations loufoques sans se départir une seconde d’un sérieux inébranlable. Que ce soit le M de Mac Donald associé à Méphistophélès, Madame Alice Cooper ou les anachronismes de son langage, pratiquement chacune de ses apparitions provoque le rire. Malgré une apparition en clin du grand Christopher Lee, l’aspect du vampire incarné par Johnny Depp doit autant au Nosferatus de Murnau, notamment pour ses longues mains griffues croisées sur son torse, que du Dracula de Terence Fischer.
Epaulé par la musique du fidèle Danny Elfman, Tim Burton recréé à merveille les années 70, plus particulièrement l’année 1972 où se déroule l’histoire. C’est l’année de sortie de Délivrance et de Superfly dont les affiches ornent les cinémas de la ville de Collinsport, la fin de la guerre du Viet Nam est proche et le mouvement hippie bat son plein. Tout cela forme pour Barnabas un monde incompréhensible où la télévision est une incarnation du diable et la libération des femmes une incongruité.
Après un magnifique prologue qui condense en quelques minutes les origines de la malédiction qui frappe la famille Collins et une brillante première partie qui présente chacun des personnages, le film souffre d’une légère baisse de rythme, jusqu’à la folle bataille finale qui met en scène un vampire, une sorcière, un loup garou, un fantôme, des statues qui prennent vie et une Michelle Pfeiffer armée d’un fusil à pompe qui n’a rien à envier à Ripley. On sent bien que Tim Burton se fait plaisir et cherche par la même occasion à combler le spectateur. C’est chose faite, pour le plus grand bonheur de tous.

mercredi 9 mai 2012

Avengers

Réaliser un bon film de super héros est une vraie gageure, les adaptations dignes de ce nom se comptent sur les doigts d’une main. Mais mettre en scène un film choral avec toute une équipe de justiciers devient vite un parcours du combattant pour le réalisateur le plus chevronné. Les références en la matière étaient jusque là les X Men de Brian Singer ainsi que le récent X Men : First Class de Matthew Vaughn.  Bonne nouvelle, Avengers se hisse au niveau de ses glorieux prédécesseurs.  Après plusieurs films plus ou moins réussis mettant en scène les différents membres du groupe, le réalisateur Joss Whedon hérite de la lourde tâche de réunir l’une des plus fameuses équipe de super héros pour la première fois à l’écran.  Que ce soit au niveau des personnages eux même comme de leurs interprètes, il fallait avoir la maitrise nécessaire pour équilibrer les égos de chacun et livrer un film qui comble à la fois les fans de la première heure et les néophytes. Le pari est gagné haut la main.  Le réalisateur arrive en effet à faire exister chaque membre du groupe sans en sacrifier un seul, avant de les réunir pour un titanesque mais néanmoins lisible combat final. Chaque caractère, chaque individualité est parfaitement rendu à l’écran. Le coté play boy et frondeur de Tony Stark, la rigidité morale et le décalage de Captain América, la schizophrénie du docteur Banner et la rage destructrice et incontrôlable de Hulk, la divinité de Thor, le coté manipulateur de la Veuve Noire. Même Loki est doté d’une épaisseur et d’une personnalité que les comics ne laissaient pas vraiment transparaitre. Seul le personnage d’Œil de faucon, qui n’est d’ailleurs jamais nommé dans le film, est un peu sacrifié. C’est d’ailleurs le seul également à qui on n’a pas gardé son costume de combat.
Ceci étant, le film est interprété par un casting de choc, chacun rivalisant de bons mots sans jamais chercher à tirer la couverture à soi. Et des bons mots, les dialogues en regorgent, jouant avec délectation d’un second degré salutaire. Car contrairement à la noirceur de Batman ou à la maturité, voire parfois la gravité des X Men, les Avengers ont toujours été les héros d’aventures plus divertissantes que franchement tragiques.
Avengers reprend donc des moments clefs des comics originaux, comme l’affrontement entre Thor et Hulk, la rivalité latente entre Iron Man et Captain América qui renvoie sans vraiment le dire à Civil War, et même une certaine duplicité chez Nick Fury dont les motivations et les moyens employés pour parvenir à ses fins ne sont pas toujours très clairs.
Alors bien sur, le film se veut tout public et les envahisseurs extra terrestres apparaissent à la fois comme des êtres de chair et de sang et comme des robots. Ce qui exclut toute trace de sang justement, et toute violence trop explicite. La scène finale qui voit l’invasion de notre planète par des créatures lovecratiennes qu’aurait pu combattre Hellboy s’étend un peu en longueur mais on ne s’ennuie pas un seul instant et le réalisateur parvient même à ne pas perdre le spectateur malgré une action foisonnante. Mieux que cela, il s’offre même le luxe de plans osés en filmant un personnage à travers une vitre brisée ou en jouant constamment sur les jeux de miroirs, chose peu commune dans un blockbuster.
En dépit d’une 3D qui une fois de plus n’apporte pas grand-chose mais qui ne gâche pas non plus la vision du film, Avengers est donc une franche réussite et laisse présager une suite imminente. Prions pour qu’elle soit  aussi bonne.

dimanche 6 mai 2012

Miss Bala

Laura est une jeune mexicaine de Tijuana qui n’a qu’un rêve, participer au concours de Miss Baja qui désignera la gagnante du concours de beauté de Basse Californie. Un soir dans une boite de nuit avec son amie Uzu, elle est le témoin d’une tuerie orchestrée par Nino, le chef d’un cartel de la drogue plus ou moins politisé, l’Etoile. A partir de là, son destin sera inexorablement lié aux agissements de cette bande mafieuse jusqu'au dénouement final, forcement dramatique.                 Miss Bala colle au plus prés de Laura, magnifiquement interprétée par la belle Stéphanie Sigman dont on entendra surement parler la suite. Le film, entre action et quasi documentaire, est un témoignage à charge d’une certaine réalité du Mexique actuel, entre trafic de drogue, corruption généralisée et civils victimes collatérales d’un quasi état de guerre. De ce point de vue, le film tient ses promesses en évitant les écueils caractéristiques de ces deux genres.            Miss Bala n’est pas un pur film de divertissement comme en témoigne cette approche sociale de la vie quotidienne de ces mexicains pris entre deux feux, celui des narcotrafiquants et des forces de police gouvernementales, chacune abusant de son pouvoir pour parvenir à ses fins. Mais le réalisateur nous offre de vrais moments d’actions, comme cette fusillade tournée en plan séquence entre les trafiquants et la police, d’une redoutable efficacité.
Pourtant on a du mal à adhérer complètement à son propos. La faute à un scénario parfois un peu décousu, notamment au niveau de l’intrigue liée au groupe armé l’Etoile. Entre les trahisons, les trafics d’armes et les assassinats commandités, on a parfois du mal à suivre le fil de l’histoire et savoir qui trahit qui. Mais le principal point faible du film vient de l’attitude de victimes passive imputée à Laura. Gerardo Naranjo filme souvent son actrice de dos et confère à son personnage une passivité devant les évènements qui l’accablent qui nous éloigne peu à peu d’elle alors que l’on aimerait adhérer au destin de cette fille ordinaire qui se trouve plongée au cœur d’évènements qui la dépassent. Laura subit plus qu’elle n’agit et son rôle se réduit à celui d’une marionnette aux mains de Nino qui abuse d’elle, au propre comme au figuré, selon ses intérêts et son bon vouloir. Manipulée par les trafiquants comme par la police, violée, battue, humiliée et finalement
abandonnée, Laura ne relève jamais la tête et ne prend presque aucune initiative. Cela ne facilité pas l’empathie et c’est dommage car Miss bala, de part son sujet et son traitement avait tout pour être un film plus impactant.

mercredi 4 avril 2012

Bellflower

La photo est soignée, l’interprétation est juste, l’ambiance atypique. Au début on se laisse volontiers embarquer à la suite de ces deux amis glandeurs et fêtards qui vénèrent Mad Max 2 et qui semblent attendre l’apocalypse nucléaire pour enfin trouver un sens à leur vie.
Le problème c’est qu’au bout de presque deux heures de film le voyage n’aboutit nulle part.
Bellflower cumule l’essentiel des tics d’un premier film à l’esthétique un peu branchée. Tout y passe : l’ordre chronologique inversé, la photo saturée, les ralentis, le chapitrage, la fin alternative, c’est un vrai catalogue du film arty. Mais en privilégiant la forme sur le fond, le réalisateur, également acteur, Evan Glodell, prend le risque de laisser le spectateur au bord du chemin.
Pourtant, les interprètes sont vraiment attachants, surement davantage que les personnages qu’ils incarnent à l’écran d’ailleurs. Cette génération de jeunes adultes désœuvrés qui ressemblent aux gamins de Larry Clark qui auraient pris quelques années au compteur ne semble pas avoir de meilleures occupations que de picoler ou de délirer autour d’un lance flamme, quand ils ne se consument pas dans des relations sans lendemain qui tournent court.
Le film regorge d’idées intéressantes (attention, spoiler) comme cette insistance qu’à Milly à faire porter la barbe à un Woodrow totalement réticent. Cette pilosité qui le vieillit incarne d’une certaine manière le passage à l’âge adulte qu’il refuse de franchir. Quand il décide de raser ces poils, se libérant ainsi de l’emprise de la femme castratrice, Milly ira jusqu’à lui faire carrément tatouer une barbe sur le visage, marquant de façon indélébile son emprise sur lui. Défiguré et sans retour possible en arrière, Woodrow n’a d’autre choix que d’aller au bout de ses phantasmes les plus sombres.
C’est dans ce pseudo final apocalyptique justement que Courtney se tire une balle dans la tête. Pourquoi ? On n’en saura jamais rien, si ce n’est pas justifier un final anarchique où tout le monde doit mourir. Final qui ne se révèlera qu’un mauvais rêve, une voix alternative que les deux héros du film ne prendront pas. C’est ce genre de facilité scénaristique, sans parler de points de détail (Woodrow explique à Milly son adoration pour Mad Max alors que tout le film se réfère à Mad Max 2) qui agace et qui empêche le spectateur de complètement adhérer aux errements de ces personnages qui oscillent entre geeks et paumés.
Bellflower n’est certainement pas la bombe annoncée. Le film se veut iconique, il n’est que maniéré. C’est d’autant plus dommage que tous les ingrédients sont là pour en faire un film réellement explosif.