Comme nombre de réalisateurs français de genre, Pascal Laugier part aux Etats Unis réaliser son nouveau film. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne fait aucune concession et livre une histoire conforme à sa vision, sans adopter l’attitude béate du fan aveuglé par les lumières américaines. Alors que le film est vendu aux Etats Unis comme une énième histoire d’épouvante, The Secret est pourtant loin d’être aussi simple que cela. Tout comme Martyrs, le film possède différents niveaux de lectures et une narration complexe qui demande des efforts aux spectateurs. Et comme pour Martyrs, on en sort en se demandant si on aime ou on déteste ce que l’on vient de voir. Le film est composé de quatre parties et le passage de l’une à l’autre par le biais de révélations successives change complètement notre point de vue à chaque fois. L’histoire débute à Cold rock, petite ville rurale américaine sur laquelle semble planer une malédiction accompagnant la décrépitude économique de la ville et de ses habitants. Depuis quelque temps, des enfants disparaissent sans laisser aucune trace. Très vite, les habitants parlent du Tall Man, un mystérieux croquemitaine qui viendrait enlever les enfants pour les emmener là où on ne les reverra jamais.
Après un très beau générique, le réalisateur installe une ambiance inquiétante et pose toutes les règles du fantastique. Nous découvrons ces évènements inquiétants à travers les yeux de Julia interprétée par une Jessica Biel impressionnante dans son rôle de veuve qui élève seule son enfant. La musique, la photographie, la réalisation, tout concours avec brio à une atmosphère envoutante, un peu triste et vraiment anxiogène. L’histoire s’accélère quand son fils est à son tour enlevé et qu’elle se lance à la poursuite du ravisseur.
Un premier retournement de situation nous oblige alors à porter un regard différent sur tout ce que l’on vient de voir, et le film sort du domaine du fantastique. Une deuxième révélation, quand le Tall Man frappe à nouveau en enlevant Jenny, nous replonge dans le surnaturel, jusqu’au troisième retournement (la révélation du visage du Tall Man) qui oriente définitivement le film dans un autre registre et expulse tout élément fantastique pour ne plus jamais y revenir.
Pascal Laugier compose un travail intéressant sur la subjectivité et les interprétations que l’on peut faire de ce que l’on nous montre. Témoin la scène du prologue que l‘on revoit ensuite et qui, à la lumière de ce que l’on apprend, prend un tout autre sens. Le problème, déjà rencontré dans Martyrs, vient du dénouement qu’il nous propose.
(attention, spoiler)
Il pose une question cruciale en terme de déontologie et de sociologie en mettant en scène un groupe de personnes qui enlèvent les enfants pauvres condamnés à suivre les traces de leurs parents pour les faire adopter par des familles riches et leur offrir ainsi un meilleur avenir. La question n’est pas tranchée comme en témoigne le questionnement que Jenny adresse aux spectateurs à la fin du film, mais l’on peut trouver douteux l’idée même du scénario, d’autant plus qu’elle est légitimée par le réalisateur (Jenny retrouve la parole grâce aux soins prodigués par sa nouvelle mère d’adoption). Tant qu’à investir de l’énergie et de l’argent pour aider ces enfants, on pourrait aussi suggérer de le faire au niveau des familles en question plutôt que de se poser en juge au nom du déterminisme social et de décider de priver une mère de ses enfants.
(fin du spoiler)
Fidèle à sa fascination pour les figures sacrificielles féminines, Pascal Laugier se sert du fantastique plus qu’il ne le sert. C’est son droit le plus strict mais on peut aussi trouver cela agaçant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire