dimanche 4 novembre 2012

Looper


Le problème avec les films traitant des voyages temporels est que l’on peut passer davantage de temps à chercher une explication à ce qui se passe sur l’écran qu’à profiter pleinement du spectacle. Looper n’échappe pas à la règle car le film cumule deux paramètres à priori difficiles à intégrer pour le spectateur. Premièrement, la machine à remonter le temps a été inventée. Jusque là tout va bien, c’est le concept de base de nombreux films dont la série des Terminator. Là où les choses se corsent, c’est quand l’histoire nous propose de confronter le même individu à deux âges différents. Le principe est passionnant, mais il pose tout de même bon nombre de questions. Les looper (boucleurs en français) sont des tueurs que les mafias qui possèdent la fameuse machine à remonter le temps envoient dans le passé en même temps que certains témoins gênants qu’ils sont chargés de faire disparaitre. Il arrive qu’un boucleur boucle la boucle quand les mafias décident de mettre un terme à leur contrat. Dans ce cas, c’est eux même avec trente ans de plus qu’ils tuent. Il ne leur reste plus alors que trente ans à vivre, trente ans dont ils profitent au maximum grâce à leur dernière paie. Partant de cette hypothèse, on peut imaginer deux cas de figures.
Le premier consiste à considérer que la vie d’un homme est une trajectoire qui se déroule de façon linéaire. Il parait alors impossible d’imaginer qu’une même personne puisse se retrouver face à elle-même avec trente ans de plus car elle ne peut être dans deux états à la fois.
Mais on peut aussi considérer que le temps n’est pas linéaire et que la vie d’un homme est constituée de trajectoires qui pourraient éventuellement se croiser. Dans ce cas, le boucleur âgé de trente ans tue son autre moi âgé de soixante ans. Il sait alors qu’il ne lui reste plus que trente ans à vivre. Arrivé au bout de ces années, on va le ramener dans le passé où son moi âgé de trente ans va l’éliminer. Ce dernier va vivre encore trente ans jusqu’à son exécution, et ainsi de suite. On entre alors dans une boucle dont il est impossible de sortir, ce qui n’est jamais fait mention dans le film.
Looper par donc d’un postulat encore une fois excitant en confrontant un homme jeune et son autre moi plus vieux, chacun se battant pour préserver ce qu’il considère comme sa vie propre, passée ou à venir, alors que ce sera au final la même existence. Mais à trop vouloir tirer sur la corde de la boucle temporelle, le scénario se prend les pieds dans le tapis au risque de perdre le spectateur qui essaie de comprendre comment les choses en arrivent à ce qu’elles sont.
C’est frustrant car le film est bien réalisé, se permettant même des scènes très dures et sans concession comme celle où Bruce Willis (Joe âgé) exécute un enfant, ou lorsque le petit Cid explose littéralement un looper grâce à ses pouvoirs psychiques. On a droit à des séquences impressionnantes comme quand un looper âgé qui a échappé à son exécution voit son corps amputé progressivement de ses membres pendant qu’au même moment les portes flingues de Abe torture son autre moi plus jeune trente ans avant.
Bruce Willis retrouve un rôle à la mesure de son talent face à un Joseph Gordon Lewitt qui accède enfin à des rôles de premier plan. Ce dernier fait d’ailleurs davantage penser à Robert de Niro jeune qu’à Bruce Willis dont il est sensé incarner le personnage avec trente ans de moins. Le mélange entre anticipation et ambiance de film noir est réussi et malgré un final tragique mais assez convenu (l’acte de Joe suffira t’il à empêcher l’avènement du Maitre des pluies ?), le film constitue un solide divertissement.
Il est dommage qu’il soit victime de ses ambitions en utilisant le principe des boucles temporelles sans en assumer pleinement toutes les conséquences.

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