jeudi 2 août 2012

Guilty of romance

Premier film de Sono Sion à sortir dans les salles françaises, Guilty of romance brasse tellement de thèmes, aborde de si nombreux genres qu’une seule vision ne suffit pas pour en appréhender toute la complexité et la richesse. Porté par une superbe photo qui semble parfois aller chercher son inspiration chez Dario Argento, le film parle d’abord des femmes, de la société japonaise et des femmes dans la société japonaise. La femme chez Sono Sion est multiple et complexe. La mère, l’épouse, la pute, la femme professionnellement active. Le film débute par une succession de scènes de la vie ordinaire d’Izumi, l’épouse effacée d’un écrivain célèbre. Son existence semble se cantonner à attendre son mari et à prévenir le moindre de ses désirs domestiques. A ce titre, Izumi incarne une certaine idée de la femme au Japon, inféodée à son mari, ou plus généralement à sa famille, et totalement soumise. Jusqu’à ce qu’un concours de circonstance l’amène à rencontrer Mitzuko, une professeur d’université le jour qui vend son corps la nuit. Ivre de liberté et de sensualité retrouvée, mais également rongée par la culpabilité de l’adultère, Izumi se laisse entrainer dans un jeu dangereux qui va la changer à jamais.
La mère est celle de Mitzuko, une vieille femme pleine d’amertume et de haine qui incarne un personnage d’une méchanceté jusque là peu vu à l’écran, notamment au travers d’une scène de thé particulièrement venimeuse. La femme c’est enfin l’inspecteur Kazuko qui enquête sur des meurtres perpétrés dans le quartier des Love Hotels et qui pourraient bien avoir un lien avec les différents protagonistes de l’histoire.
Cette version de Guilty of romance diffusée en Europe est tronquée de plusieurs minutes par rapport à celle distribuée au Japon, et c’est principalement le personnage de l’inspecteur qui en pâtit. L’enquête apparait en effet comme un film conducteur un peu décousu et on reste frustré de ne pas en apprendre davantage sur le personnage de Kazuko. Malgré cela, ou plutôt à cause de ces scènes coupées, le film se concentre davantage sur les personnages de Mitzuko et d’Izumi, deux femmes écrasées par une société encore largement dominée par les hommes et qui, chacune à leur manière, décident de s’en échapper.
Mais si la femme est au cœur du film, Sono Sion embrasse de nombreux autres thèmes, comme par exemple le rapport aux mots, et à la poésie. Les mots ont un rôle central dans le film, que ce soit les litanies répétées par Izumi pour vendre ses saucisses, et plus tard son corps aux passants, les lectures publiques de son mari au travers desquelles Izumi vit par procuration une existence qu’elle rêve mais que son compagnon est incapable de lui offrir. Le sens des mots enfin revêt une importance particulière pour Mitzuko qui initie Izumi à cette notion, notamment par le biais de la poésie et un extrait du texte de Ryuichi Tamura « On My Way Home » qui revient comme un leitmotiv tout au long du film. Guilty of romance est une œuvre protéiforme qui touche à peu prés tous les genres, du film érotique dans la grande tradition des romans pornos japonais au drame et passant par la slasher et l’étude sociétale.
Film envoutant et parfois déconcertant, Guilty of romance est enfin porté par la présence lumineuse de la belle Megumi Kagurazaka, ancienne modèle photo devenue actrice et accessoirement compagne du réalisateur. Qu’elle soit épouse rangée ou prostituée provocante, soumise ou affranchie du poids des conventions sociales qui la broient, elle illumine l’écran par sa présence et sa plastique de rêve.
Guilty of romance est distribué dans une dizaine de salles en France, dans une version raccourcie. Ce n’est pas un film facile d’accès, à tous les sens du terme, mais c’est un voyage unique qui donne furieusement envie de découvrir les autres films de Sono Sion.

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