mercredi 18 décembre 2013

A Touch of Sin

Quatre histoires, quatre destins pour illustrer ce qu’est devenue la société chinoise aujourd’hui. Et vu le portrait sans concession que Jia Zhang-Ke dresse de la Chine, on comprend un peu mieux les réticences des autorités à lui ouvrir les salles de son propre pays. 
A Touch of Sin suit donc les destins tragiques de quatre personnages qui subissent de plein fouet le passage d’une dictature communiste à un libéralisme encore embryonnaire mais tout aussi cauchemardesque. Ici, tout est question d’argent. L’argent qui manque pour nourrir sa famille, l’argent qui sert à acheter les gens comme de vulgaires objets, l’argent détournée au profit d’une minorité de nantis. L’argent et son corollaire, la violence, psychologique ou physique, qui éclate comme une grenade et qui scelle les destinées des protagonistes de ce drame implacable. 
Construit comme un film à sketch où chaque segment est relié au suivant par un personnage ou un évènement (on pense à Pulp Fiction pour la construction narrative), A Touch of Sin bénéficie d’une magnifique photo et du talent d’un réalisateur qui ne recule devant aucune concession pour dénoncer l’état de la société chinoise telle qu’il la voit. Tour à tour western, drame, chronique sociale, voire même wu xia pian le temps d’une bref séquence (l’attaque au couteau de Xiao Yu renvoie directement à Lady Snowblood), le film ne cesse de mélanger les genres pour nous transporter dans un voyage au long cours aussi beau qu’éprouvant. 
Pour illustrer ses propos, le réalisateur s’appuie sur deux constantes qui reviennent à intervalles réguliers. La première, c’est l’attachement et l’identification de chaque personnage à sa province d’origine. Comme pour mieux symboliser l’immensité d’un pays que l’on traverse comme un continent, et donc sa diversité, Jia Zhang-Ke s’attache à ramener ses personnages à leur lieu de naissance qui les identifie au moins autant que leurs noms. 
Le deuxième élément récurrent est la présence des animaux qui apparaissent en écho aux scènes qui se déroulent devant nous. L’amante d’un homme marié voit un serpent traverser la route devant elle, tandis qu’un cheval roué de coups renvoie à cette même femme giflée à coup de billets de banque. L’interprétation est bien entendu propre à chaque culture, tout comme le rythme du film qui sera appréhendé différemment par chacun. Et c’est bien là son défaut principal. 
Traversé de plans magnifiques, de flambées de violence absolument démentes, A Touch of Sin s’étire sur deux longues heures que l’on sent passer. Avec un montage ramené à une demi-heure de moins, le film aurait sans nul doute perdu de son côté contemplatif mais gagné en intensité sans compromettre pour autant son intégrité.

dimanche 15 décembre 2013

La Désolation de Smaug

Un an après Un voyage inattendu et un an avant Histoire d’un aller et retour, voici donc le deuxième chapitre de la version du Hobbit de Tolkien vue par Peter Jackson. Autant le réalisateur illustrait de manière magistrale la saga du Seigneur des Anneaux, consacrant trois films foisonnants aux non moins volumineux livres de Tolkien, autant on peut considérer pour le Hobbit que Peter Jackson est davantage dans un exercice d’interprétation que d’adaptation. Etirer l’histoire, certes très riche, du livre fondateur de la saga en trois films demande en effet plus qu’un simple effort d’imagination. C’est le parti pris du réalisateur qui va jusqu’à inventer des personnages (l’elfe Tauriel), étirer des scènes plus que de raison, s’attarder sur des évènements ou des protagonistes à peine esquissés dans le livre original. Le résultat ? Un premier épisode qui peinait à convaincre, écartelé entre divertissement pur et saga fantastique cherchant en vain le souffle épique du seigneur des Anneaux. C’est donc avec une certaine appréhension que l’on attendait ce deuxième chapitre. Heureusement, Peter Jackson retrouve sa verve et le génie qui a fait de sa précédente trilogie un monument incontournable de l’héroïc fantasy. 
Débarrassé du passage obligé de présentation des personnages, le réalisateur consacre les deux heures cinquante de son film à des scènes d’actions toutes plus spectaculaires les unes que les autres, sans oublier la mise en scène des enjeux dramatiques qui trouveront leur dénouement dans le chapitre final. 
Résolument plus sombre que son prédécesseur, la Désolation de Smaug se veut aussi plus adulte par les thèmes qu’il aborde et la manière dont il appréhende la violence. Si le sang ne coule toujours pas, les têtes roulent et les combats gagnent en puissance, laissant espérer une bataille finale épique et brutale. 
Tout comme les Deux Tours pour le Seigneur des Anneaux ou même l’Empire Contre-attaque pour Star Wars, la Désolation de Smaug marque une rupture de ton par la noirceur de son sujet. Le roi des elfes ne se préoccupe que de la sauvegarde de son royaume, Bilbon est de plus en plus captif du pouvoir de l’anneau, Thorin laisse sa part sombre prendre peu à peu le dessus, tandis que leur inconséquence provoque le réveil de Smaug et le probable massacre de milliers de personnes. 
Tout en laissant présager l’impact que peuvent avoir l’aveuglement et la soif du pouvoir, la Désolation de Smaug n’en oublie pas pour autant d’être avant tout une formidable quête épique, une véritable chanson de gestes avec son lot de scènes inoubliables. Que ce soit dans le soin apporté aux chorégraphies de combat des elfes, à l’étourdissante descente en tonneaux ou bien entendu au réveil du dragon, Peter Jackson redresse la barre et nous offre un formidable espoir quant à la conclusion de sa deuxième trilogie.

samedi 7 décembre 2013

Zulu

Zulu démontre une fois de plus qu’il est extrêmement rare que l’adaptation d’un livre lui rende l’hommage qui lui est dû. Mise à part quelques exceptions notables (Fight Club, le Seigneur des Anneaux,…), retranscrire fidèlement à l’écran l’essence même d’un livre est prodigieusement difficile. Malheureusement, le film de Jérôme Salle ne déroge pas à la règle. Zulu reprend les principaux personnages créés par Caryl Ferey, les grandes lignes de l’intrigue et bien entendu le lieu même où se situe l’action. Mais là où le livre diffusait une atmosphère violente et vénéneuse, empreinte de perversions et de mutilations sexuelles (l’un des thèmes récurrents de l’écrivain), le réalisateur n’en garde que le vernis. L’un des intérêts du livre était de nous plonger dans la culture Zoulou, son histoire aussi bien culturelle que politique. Dans le film, cet aspect est complètement gommé au profit de l’intrigue policière, ramenée elle aussi à son plus simple argument. 
Alors bien sûr, on ne peut pas reprocher au réalisateur de faire des choix et de ne pas chercher à retranscrire mot pour mot une histoire qui d’ailleurs ne tiendrait pas dans un format de deux heures. Ce qui est plus gênant est le traitement qui est fait du matériau restant. 
Alors que le film bénéficie d’une très belle photographie reproduisant aussi bien l’ambiance des Townships de Capetown que les magnifiques paysages d’Afrique du Sud, la réalisation de Jérôme Salle est plate et purement illustrative. Le film bénéficie d’un casting solide, les différences flagrantes entre le personnage d’Ali Sokhela tel que l’a imaginé Caryl Ferey, et Forest Whitaker étant d’ailleurs un choix intéressant, celui-ci pâtit d’une direction d’acteurs visiblement réduite au strict minimum. Forest Whitaker fait preuve d’une passivité gênante tandis qu’Orlando Bloom accumule les poncifs de flics à la dérive. 
Sans parler d’un échec général, Zulu est cependant bien loin du film choral poisseux et violent que l’on était en droit d’attendre. Il reste un thriller dépaysant solidement emballé qui devrait satisfaire ceux et celles qui n’ont pas lu le livre dont il est tiré.

jeudi 28 novembre 2013

Les Garçons et Guillaume, à table !

C’est l’histoire d’un garçon qui pensait être une fille. C’est l’histoire d’un amour fusionnel entre un garçon qui tarde à grandir et sa mère. Les Garçons et Guillaume, à table !, transposition cinématographique de la pièce de théâtre de Guillaume Gallienne, c’est un peu tout ça et bien plus encore. Car outre le fait que nous avons tous une mère, le film aborde tellement de sujets de société, brasse tellement de thèmes psychologiques qu’il en devient forcement universel. Quel que soit notre environnement familial ou notre rang social, Les Garçons et Guillaume, à table ! a l’intelligence de parler à tout le monde grâce à la justesse de ses propos, des dialogues savoureux, une interprétation au cordeau et surtout un humour à la fois direct et élégant qui atteint sa cible à chaque répartie. Et c’est bien là toute la finesse de Guillaume Gallienne, tellement omniprésent qu’il aurait pu sombrer dans le nombrilisme ou la schizophrénie, de nous prendre par la main pour nous faire faire un tour dans son univers si particulier. Car cette famille, cet environnement qui semble trop exagéré pour être vrai, nous le voyons à travers les yeux d’un petit garçon qui tarde à s’émanciper, amoureux transit de sa mère et trop sensible pour être à l’aise dans une société qui a décidé pour lui quelle devait être sa place. Que ce soit le personnage du père ou les institutions (l’école, l’armée), il n’aura de cesse de se battre pour exister tel qu’il se voit. Avant de découvrir que cette image tant idolâtrée n’est peut-être pas la bonne. Que tel un miroir déformant, sa mère lui a renvoyé non pas son propre reflet, mais celui qu’elle voulait voir. Entre temps, le spectateur se sera délecté des épisodes tragico comiques, réels ou fantasmés, peu importe, qui constituèrent la vie du réalisateur interprète. Apportant un soin tout particulier à sa bande son, donnant vie à sa mère d’une manière complètement bluffante, Guillaume Gallienne signe peut être la comédie de l’année qui est en train de prendre la tête du box-office, et ce n’est que justice.

samedi 16 novembre 2013

Cartel

Première collaboration entre Ridley Scott et Cormac McCarthy, Cartel est un film choral qui s’inscrit dans la droite ligne des précédents longs métrages du réalisateur, tout en représentant une expérience nouvelle d’un point de vue scénaristique. Si le film n’est pas exempt de défauts qui pourront en agacer plus d’un, le résultat est sans conteste une belle réussite due à une alchimie savamment orchestrée entre plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est la réalisation toujours aussi léchée d’un réalisateur qui apporte le plus grand soin à ses images. Qu’il filme un couple amoureux ou un camion rempli de merde, l’image est toujours aussi élégante et la photographie étudiée. On retrouve une fois encore l’esthétisme de cet ancien publicitaire pour qui l’essence de l’histoire passe avant tout par les images. On aime ou pas, mais force est de constater que Ridley Scott est aussi à l’aise pour filmer les échanges amoureux de ses protagonistes, de longues scènes de dialogues que des scènes de fusillades ou de poursuites tout simplement scotchantes. Quand les personnages de Brad Pitt ou de Michael Fassbender marchent dans la rue en se sachant menacés, la caméra se détache régulièrement d’eux pour suivre un passant, un joggeur ou un vendeur de rue qui pourraient être autant de tueurs potentiels, et le sentiment de paranoïa qui en résulte fonctionne parfaitement. 
Au service de cette réalisation au cordeau, un casting irréprochable et une direction d’acteurs qui ne l’est pas moins. Pour ne citer qu’eux, Cruz, Fassbender, Bardem, Pitt ou Diaz sous tout simplement impressionnants, composant des personnages en proie aux pires turpitudes, prêts à tout pour faire grossir leur part du gâteau en essayant de rester en vie. Cartel nous convie à des confrontations et des numéros d’acteurs qui justifient à eux seuls la vision du film. 
Ce plaisir est aussi dû en grande partie à la présence de Cormac McCarthy dans l’équipe du film. Si l’écrivain ne convainc qu’à moitié avec un scénario souvent assez obscur et difficile à suivre, son talent prend sa pleine mesure avec des dialogues permettant aux interprètes de donner le meilleur d’eux même. L’histoire de détournement de drogue n’est qu’un prétexte pour mettre en scène une descente aux enfers d’une noirceur peu commune. Le danger est continuellement sous-jacent, souligné par une musique parfois un peu trop appuyée, mais conférant au film une atmosphère de plus en plus étouffante, jusqu’à un final nihiliste en parfaite cohérence avec les évènements qui nous ont conduits là. 
Plus qu’un état des lieux du trafic de drogue entre le Mexique et les États Unis, Cartel se veut une tragique comédie humaine, un étalage de tout ce que l’homme, ou la femme, peut compter comme péchés. Cupidité, mensonge, meurtre, trahison, terrorisme psychologique, tout y passe. Réalisateur, scénariste et acteurs mettent leur talent en commun pour un voyage somme toute assez commun au bout de l’enfer. 
Si l’on met de côté une certaine misogynie et un côté un peu poseur, Cartel nous réserve son lot de scènes incroyables, des personnages bien écrits et magistralement interprétés, des dialogues savoureux et une violence, le plus souvent racontée que montrée, elle en est d’autant plus traumatisante, qui témoigne de tout ce que l’être humain peut faire pour satisfaire ses plus bas instincts et conserver sa part de pouvoir ou sa place dans la société. Une alchimie qui fonctionne parfaitement pour un film qui sera réévalué avec le temps.

dimanche 10 novembre 2013

Snowpiercer

Drôle de projet que ce Snowpiercer, adaptation d’une bande dessinée française par un réalisateur sud coréen avec une distribution internationale. Pourtant, le choix Bong Joon Ho est parfaitement cohérent avec le matériau d’origine. Le réalisateur a prouvé, avec Host entre autre, qu’il savait marier divertissement pur et chronique sociale, qu’il maitrisait parfaitement la construction des scènes de catastrophe, et qu’il portait un intérêt tout particulier à ses personnages. Snowpiercer, le Transperceneige en français, met donc en scène une planète Terre dévastée par une nouvelle ère glaciaire. Les quelques survivants ont embarqué à bord d’un train ultra moderne qui roule sans jamais s’arrêter, faute de quoi ses passagers seraient voués à une mort certaine. A l’intérieur de cette arche de Noé moderne, la hiérarchie sociale est très stricte. Ceux qui ont embarqués avec un billet de première ou deuxième classe vivent à l’avant du train dans le luxe et l’oisiveté. Les autres sont cantonnés dans les wagons de queue et survivent sous le joug et selon le bon vouloir des classes supérieures. Mais la révolte gronde, et bientôt un groupe de rebelles se met en tête de remonter les wagons un à un jusqu’à la machine de tête où se terre Wilford, le concepteur du train. 
Le réalisateur aurait pu choisir une voie mystique pour raconter son histoire, multipliant les allégories religieuses tant le sujet s’y prêtait. Au contraire, il prend le parti d’ancrer son récit dans des considérations très terre à terre. Contrairement aux écrits bibliques, ce n’est pas pour fuir la colère divine que les survivants de l’apocalypse se sont réfugiés dans le train, mais pour échapper aux conséquences désastreuses des expériences ratées de quelques scientifiques qui pensaient pouvoir arrêter le réchauffement climatique, lui-même causé par l’activité humaine. Et à la différence de l’Arche de Noé, ce ne sont pas (seulement) des élus qui montent à bord du train, mais ceux qui ont réussi à survivre. Le thème de la sélection, naturelle ou artificielle, sera d’ailleurs au cœur des révélations du film. Enfin, le mystérieux personnage de Wilford, considéré comme un dieu vivant par nombre de ses passagers, est vite démystifié et se révèle au final un redoutable manipulateur plutôt qu’un guide spirituel. 
Mais s’il préfère à juste titre s’intéresser aux ressorts sociologiques plutôt que mystiques de son histoire (la métaphore des pauvres remontant les wagons du train comme ils graviraient de force les échelons pour accéder à un statut social supérieure est d’ailleurs évidente), Bong Joon Ho n’en oublie pas pour autant de dérouler un film captivant et surprenant à plus d’un titre. 
Convoquant un casting hétérogène, il s’entoure d’interprètes à l’unisson, tous parfaits dans leurs rôles. Si les personnages campés par Ed Harris, John Hurt et Song Kand-Ho collent parfaitement aux acteurs, nous retrouvons avec plaisir Chris Evans, Tilda Swinton ou Jamie Bell dans des compositions où on ne les attendait pas forcement. 
Maitrisant comme à son habitude sa réalisation de bout en bout, Bong Joon Ho nous offre une succession de scènes aussi surprenantes que réjouissantes au fur et à mesure que nous remontons le train en compagnie des rebelles. Citons parmi elles la séquence tout simplement incroyable du cours d’école suivie de la scène des œufs, ou encore la confrontation des héros avec des dizaines de tueurs cagoulés armés de haches. Jouant avec les ruptures de rythmes, alternant accès de violence et séquence humoristique, le réalisateur réussit le pari de nous prendre à chaque fois à contrepied sans nous perdre une seule seconde. 
Si la scène finale du film apporte un peu de lumière, le propos reste d’un cynisme et d’une noirceur que l’on avait perdu l’habitude de voir dans un film d’anticipation ces dix dernières années. Snowpiercer renoue donc avec la grande tradition des films qui allient grand spectacle et propos politiques (au sens premier du terme), qui offre au spectateur un divertissement de haute volée sans forcément le caresser dans le sens du poil. Cela devient rare et ça n’en est que meilleur.

mercredi 30 octobre 2013

Gravity


Gravity donc. Unanimement encensé par la critique tant du point de vue formel que scénaristique, force est de constater que la nouvelle montagne d’Alfonso Cuaron n’accouche pas d’une souris. Car oui, Gravity est bien un film évènement, un tournant technique autant qu’une histoire profondément humaine. Dés le début, nous sommes plongés dans le vide à plusieurs milliers de kilomètres au dessus de la Terre en compagnie du docteur Ryan Stone et de l’astronaute Matt Kowalsky. La caméra nous immerge dans un environnement encore jamais appréhendé de cette façon au cinéma, un espace où le bas et le haut n’ont aucune signification, où les sons sont inexistants. Un monde aussi beau que dangereux pour l’homme. Suite à un accident, les deux scientifiques se retrouvent séparés de leur capsule. Commence alors une longue lutte pour la survie, un voyage physique et spirituel dont ils ne reviendront pas indemnes. Et c’est là la grande force du réalisateur que de ne pas se cantonner à un spectacle déjà incroyable, magnifié par une 3D pour une fois utilisée à bon escient.
Car depuis le sous estimé Les fils de l’homme, Alfonso Cuaron ne cesse d’explorer les méandres de la condition humaine, et les thèmes abordés ici sont directement connectés à son premier long métrage. Le sacrifice bien sur, mais aussi l’espoir, le deuil, la place de l’homme dans l’univers, le combat pour la vie. En centrant son histoire autour de deux acteurs, Cuaron évite toute dispersion et se sombre jamais dans la facilité.
(SPOILERS) Témoin cette scène où dans la plupart des films actuels Sandra Bullock serait partie à la recherche de son compagnon pour aboutir à une happy end programmée. Dans Gravity, les personnages n’agissent pas en fonction d’un scénario invraisemblable brossant le spectateur dans le sens du poil, mais de manière réaliste, et donc forcement déchirante. Le réalisateur se joue d’ailleurs de ces artifices en faisant revenir Georges Clooney dans une scène surréaliste qui nous fait craindre l’espace de quelques secondes qu’il ne tombe dans le piège de l’invraisemblance au service du politiquement correct. Heureusement, nous nous réveillons en même temps que Sandra Bullock pour constater que tout ceci n’était qu’un rêve. (fin des SPOLERS).
Porté par un Georges Clooney plus cool que jamais et par une Sandra Bullock qui prouve après Collision qu’elle vaut bien mieux que les comédies alimentaires dans lesquelles elle officie depuis plusieurs années, le film ne nous lâche pas une seule seconde. Alternant plans fixes et vues subjectives, Alfonso Cuaron fait preuve du même brio qui faisait déjà des Fils de l’homme un film immense (voir le plan séquence du début ou la scène de la poursuite en voiture). Mais la vraie force de Gravity, outre le spectacle hallucinant d’un voyage dans l’espace criant de vérité, reste encore une fois dans les thèmes qu’il aborde.
Car le film ne raconte rien d’autre que la renaissance d’une femme qui a vécu ce qui pouvait lui arriver de pire, la perte de son enfant. Les épreuves qu’elle traverse la changeront à jamais et feront d’elle une autre personne, plus forte, plus apaisée aussi. Et cela, le réalisateur le montre par petites touches. Lâchée dans le vide, Ryan Stone erre dans le néant jusqu’à ce qu’elle arrive à rejoindre sa capsule. Elle quitte alors sa combinaison et se love en position fœtal en apesanteur lors d’une scène d’une sensualité inouïe.
(SPOILERS) Quand elle atterrit enfin sur Terre et qu’elle émerge de l’eau, assimilée au liquide amniotique, nous assistons à une seconde naissance. Et puis la voilà qui rejoint la terre ferme, elle se met péniblement debout et elle réapprend à marcher comme un enfant fait ses premiers pas. La voilà libre à nouveau, débarrassée de ses peurs qui l’empêchaient de vivre et qu’elle a laissé là haut (fin des SPOLERS).
Tout cela, Alfonso Cuaron nous le montre sans démonstration ostentatoire. Il nous parle de la nature humaine sans grossir le trait ni prendre de pause, à la différence d’un Terrence Malick empêtré dans un cinéma mystico contemplatif depuis La ligne rouge. C’est sans aucun doute la marque des grands réalisateurs.

samedi 19 octobre 2013

9 mois ferme


Si Albert Dupontel est loin de faire l’unanimité depuis ses débuts à la réalisation, on ne peut pas lui reprocher de manquer d’intégrité et de cohérence tout au long de sa (courte) filmographie. Depuis Bernie, il se plait à mettre en scène et interpréter des marginaux, des asociaux, ces gens que la société rejette et qu’elle fait tout pour ne pas voir. Il en résulte à chaque fois un joyeux bordel, fruit de la confrontation entre ces héros hors normes et un ordre établi. Avec 9 mois ferme, Dupontel déplace son sujet vers un autre terrain. S’il incarne toujours un repris de justice qui n’a que faire des lois, celui-ci n’entre pas en guerre contre le système. Au contraire, un concours de circonstances qui va lui faire croiser le chemin, et bien plus, d’une juge célibataire endurcie va l’amener à entrer de plein pied dans sa vie et le confronter à ses responsabilités. De plus, le personnage de Bob qu’il incarne ici n’est plus vraiment au centre de l’intrigue comme c’était le cas auparavant. La véritable héroïne de l’histoire est bien la juge Ariane Felder, brillamment portée par une Sandrine Kiberlain qui oscille constamment entre rigidité et fragilité.
Mais s’il est une chose qui ne change pas, c’est bien l’utilisation de la caméra comme un outil à part entière du langage cinématographique. Après un générique virevoltant en plan séquence, le réalisateur nous plonge directement dans les arcanes de la magistrature en nous faisant croiser des personnages caricaturaux mais surs de leur bon droit.
S’ensuivent une heure trente de scènes aussi drôles qu’émouvantes, portées par des acteurs qui s’en donnent à cœur joie et une série de caméos absolument irrésistibles. De Jean Dujardin à Terry Gilliam en passant par Jan Kounen, Gaspard Noé et les inévitables Yolande Moreau et Boulli Lanners, c’est à un vrai festival de gueules hors du commun que nous convie un directeur d’acteurs que l’on sent omniprésent et impliqué dans son projet.
Loin de toute démonstration ostentatoire, Dupontel alterne les moments de grâce (ce plan qui s’élève au dessus de Sandrine Kiberlain pour se terminer sur le bébé qui grandit dans son ventre), les scènes franchement comiques (le running gag avec le juge de Bernard qui n’arrête pas de se prendre des coups, la plaidoirie de maitre Tolos, le témoignage des vieilles à la télévision,…) et des séquences où l’émotion est à fleur de peau.
Moins frontal que Bernie, introspectif que Le créateur et cartoonesque que Enfermé dehors, 9 neuf mois ferme est une nouvelle pierre aussi solide que les autres dans l’œuvre d’un homme qui a su rester libre.

dimanche 13 octobre 2013

Machete Kills


L’une des principales forces de Robert Rodriguez, tout comme pour son pote Tarantino (tout au moins à ses débuts) est de créer des personnages hors normes, frôlant la caricature mais toujours suffisamment écrits pour que l’on y croit. A la différence d’un Eli Roth qui lui met en scène des personnes normales confrontés à des situations extraordinaires (Cabin Fever, Hostel,…), Rodriguez mise tout sur ses personnages, sans pour autant sombrer dans le syndrome Expendables qui consiste à partir d’un pitch simpliste, réunir un casting de folie et s’arrêter là. Machete représente la quintessence de ce système. Le premier opus partait d’une fausse bande annonce réalisée à l’occasion de la sortie de Boulevard de la Mort et Planète Terreur, et mettant en scène l’éternel second couteau Danny Trejo dans un rôle taillé sur mesure et inspiré de ses performances antérieures (Desperado en tête). Devant le succès du film, le réalisateur imagine une trilogie dont il nous livre ici le deuxième opus. Le risque était grand de le voir partir en roue libre, s’appuyant principalement sur son casting hors norme et ses personnages déjantés. Heureusement, Machete Kills nous réserve une excellente surprise.
Après la bande annonce jouissive du troisième épisode qui verra Machete partir dans l’espace comme Jason et James Bond avant lui, le film démarre sur les chapeaux de roues et, fidèle à son esprit pulp et politiquement incorrect, nous livre une succession de morceaux de bravoure ne laissant pas souffler le spectateur une seule seconde.
Si Danny Trejo n’est toujours pas en lice pour l’oscar du meilleur acteur, le film déroule un casting de dingue où chacun semble s’amuser comme un fou. A part quelques caméos discutables (l’apparition people de Lady Gaga, franchement pas convaincante), tous sont au diapason de cette aventure où le second degré côtoie les scènes gores et les séquences d’action les plus débridées. La palme revient sans discuter à Demian Bichir qui l’espace de quelques scènes vole la vedette à Danny Trejo avec son personnage à double face de Che Guevara mexicain / chef de cartel psychopathe, et à la belle Amber Heard qui semble prendre un plaisir fou à jouer son rôle de Miss San Antonio agent double ou triple, on ne sait plus très bien.
Car l’une des constantes de Machete, ce sont les traitrises, les revirements de situation et les méchants improbables, élément essentiel des films de séries B. Maitrisant son sujet sur le bout des doigts, Robert Rodriguez ne tombe pas dans le piège de Prédators (un sujet en or plombé par un casting -décalé et un scénario minable) et nous propose une heure trente de revival des années 70-80, époque où les films d’action n’avaient pas forcement besoin d’un contexte social ou d’un message politique pour exister. On attend la suite avec délice.

vendredi 11 octobre 2013

Prisoners


La réussite magistrale de Prisoners et sa propension à tenir le spectateur en haleine pendant deux heures trente tient dans une alchimie subtile, ce peu de choses qui font d’un film un édifice fragile propre à s’écrouler au moindre faux pas ou au contraire à s’élever à des hauteurs vertigineuses. Le scénario d’abord, construit comme un ensemble de poupées russes dont chaque histoire s’imbrique dans la suivante pour au final former un tout cohérent et redoutablement efficace. Prisoners dresse le portrait d’une Amérique rurale où les valeurs religieuses et familiales côtoient les pires perversions et le droit inaliénable à se protéger, voire à se faire sa propre justice. Avec ses personnages fouillés et profondément humains, jusque dans leurs pires travers, le film nous prend à la gorge pour le plus nous lâcher jusqu’au dénouement final. S’il ne va pas au bout de sa logique de dénonciation et opte pour quelques facilités (Keller, le père d’Anna n’a peu être pas tout à fait tort), le film ne sombre pas pour autant dans le manichéisme facile qui lui tendait les bras. La distribution est aussi un élément capital du le film.
Si Hugh Jackman incarne avec brio un père meurtri et déboussolé, c’est à coup sur Jake Gyllenhaal qui livre la plus belle partition. Avec une sobriété impressionnante, il campe un personnage de flic solitaire dont nous ne connaissons ni le passé ni la vie quotidienne. Pourtant, avec quelques détails qui pourraient être insignifiants (ses tics, ses tatouages, une allumette dans la bouche), l’acteur nous invite à imaginer les années qui l’ont conduites à cette enquête. On devine le gamin des rues qui passe de refuge en familles d’accueil, l’adolescent délinquant, l’ancien junky et l’adulte solitaire dont le travail est le seul refuge.
Filmant ses personnages au plus prés pour ne plus les lâcher, Denis Villeneuve réussit l’exploit de nous livrer un thriller implacable doublé d’un drame humain qui lorgne du coté de Mystic River. Avec son ambiance hivernale et ses personnages borderline, ses intrigues à répétition et une mise en scène parfaitement maitrisée, Prisoners constitue l’une de ces belles surprises que l’on n’attendait plus et qui participe à la magie du cinéma.

samedi 21 septembre 2013

Riddick


La logique aurait voulu que le troisième volet des aventures de Riddick narre son accession au trône à la tête des Necromongers, prolongeant ainsi le faste du deuxième épisode. Mais le relatif échec commercial des Chroniques de Riddick incite les producteurs à davantage de prudence, et c’est vers la sobriété Pitch Black que lorgne ce troisième opus. Nous retrouvons donc notre guerrier dur à cuir laissé pour mort sur une planète pour le moins hostile. Est-ce le poids des années, mais en effet les premières minutes nous montre un Riddick plus malmené que d’habitude, blessé et traqué par une faune aussi agressive qu’exotique. Préférant affronter des hordes de mercenaires plutôt que les monstres qui l’environnent, il déclenche une balise de détresse, attirant à lui une bonne dizaine de chasseurs de primes prêts à tout pour ramener sa tête dans une boite. Riddick se déroule en deux temps. La première partie du film se concentre sur l’aspect survival, confrontant Riddick à toute une série d’épreuves plus mortelles les unes que les autres. Vulnérable en temps qu’homme, il va chercher en lui sa part d’animalité pour affronter les créatures monstrueuses qui ne pensent qu’à le dévorer. Cette traversée du désert centrée sur le seul personnage de Riddick est ponctuée par des flashes back en connexion directe avec l’épisode précédent, nous apprenant pourquoi et comment il a atterri sur cette planète inhospitalière.
Viennent ensuite les mercenaires et le film suit alors plus ou moins la trame de Pitch Black, retombant dans un schéma plus classique. Opérant un salutaire retour aux sources par rapport aux Chroniques de Riddick, le film affiche de multiples influences clairement revendiquées et toutes plus honorables les unes que les autres.
Le cheminement de Riddick, guerrier quasiment invincible qui accède au trône après avoir défié tout un royaume n’est pas sans rappeler le destin de Conan. De même, les créatures aquatiques qui représentent la plus grande menace sur une planète qui n’en manque pas renvoient assez directement à Aliens, alors que les mercenaires lancés aux trousses du héros ne sont pas sans rappeler ceux d’Alien, la résurrection.
Fort de ces modèles, Riddick s’impose comme une fort sympathique série B décomplexée, n’hésitant pas à afficher quelques poitrines féminines et des effets gores du plus bel effet. Humour de caserne, répliques testostéronées, affrontements brutaux, tout est réuni pour que le spectacle soit au rendez vous. On n’en ressort pas grandi certes, mais avec l’impression d’en avoir eu pour son argent, ce qui est déjà beaucoup.

dimanche 8 septembre 2013

You're Next


Auréolé d’une réputation flatteuse glanée dans de multiples festivals, You’re Next s’avère au final plus malin que franchement original. Simon Barett qui a écrit le scénario a bien retenu les leçons des grands classiques dont il s’inspire, et c’est toute la structure du film qui en découle. Calqué sur le jeu de massacre de la Baie sanglante de Mario Bava, le film se clôt sur une pirouette tout droit sortie de la Nuit des Morts Vivants de Georges Romero. Mais entre temps, ce sont les principaux slashers des années quatre vingt qui sont passés en revu. L’histoire suit une famille qui se réunit dans une maison isolée pour un anniversaire de mariage. Alors que l’atmosphère tourne au règlement de compte entre frères et sœurs (et là on pense à Festen et à son grand déballage de rancœurs enfouies), ils sont attaqués par un groupe de psychopathes masqués qui semblent bien décidés à tous les tuer. Mais l’un des invités va se révéler plus coriace que prévu.
Illustrant encore une fois le thème du home invasion qui semble revenir en vogue, You’re Next prend le contre pied du récent American Nightmare. Ce dernier illustrait de façon assez plate un scénario aux ramifications politiques intéressantes. Ici, l’histoire ne réserve que peu de surprise pour le spectateur habitué aux films d’horreur, mais l’ensemble bénéficie d’une solide réalisation qui donne à l’histoire une vraie cohésion.
Et nous voilà parti pour une heure trente qui revisite les grandes figures des tueurs en série. Quand un tueur rode à l’extérieur ou à l’intérieur même de la maison, et qu’un masque blanc apparait dans le reflet d’une vitre, il est difficile de ne pas penser immédiatement à Halloween. De même, l’usage intensif des instruments ménagers les plus divers pour tuer son prochain ainsi que l’image d’une machette plantée en pleine tête renvoient directement à Vendredi Treize. Mais là où les tueurs en question ne cessent de mourir pour mieux revenir au détour d’un couloir obscur, les mises à morts brutales de You’re Next sont définitives, et c’est l’un des grands mérites du réalisateur de ne pas tomber dans le piège du tueur qui n’en fini pas de ne pas mourir. Quand une victime (ou un bourreau) se fait défoncer le crâne à coup de marteau, c’est définitif et sans appel. Ce souci de réalisme, si l’on peut dire, crédibilise le film et nous tient d’autant plus en haleine quand au sort des protagonistes restant en vie. Il est d’ailleurs assez remarquable de constater que les personnages de You’re Next s’en prennent plein la tête, au sens premier du terme. Adam Wingard semble prendre un malin plaisir à voir le crâne de ses protagonistes se faire exploser de façon aussi diverses que violentes. Marteau, mixer, hache, gourdin, tout y passe.
Abandonnant l’habituel groupe de victimes teenagers, le réalisateur préfère se concentrer sur la cellule familiale assaillie par une menace extérieure, et là encore l’impact n’en est que plus fort. You’re Next est intriguant dans sa première partie, un peu décevant lorsque les masques tombent, au propre comme au figuré, et que les clefs de l’intrigue nous sont révélées. Le final est prévisible mais l’ensemble est suffisamment maitrisé pour que l’on s’embarque avec plaisir dans cette partie de massacre réjouissante à plus d’un titre. D’autant plus que le personnage principal est interprété par Sharni Vinson, aussi charmante que convaincante dans un rôle qui aurait pu être casse gueule, et que le réalisateur a eu la bonne idée de confier le rôle de la mère à la grande et trop rare Barbara Crampton. Une apparition trop brève mais qui justifierait à elle seule la vision du film.

vendredi 23 août 2013

Conjuring – Les dossiers Warren


James Wan a bien compris que c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes, et qu’il n’est nul besoin de 3D ou de fond footage pour faire sursauter les spectateurs. Reprenant la même veine qu’Insidious, une épouvante à l’ancienne, il livre avec The Conjuring un film encore plus effrayant, ce qui n’est pas peu dire. Cette fois, le réalisateur opte pour une trame plus classique si l’on peut dire. Pas de monde parallèle hanté par des esprits maléfiques, mais l’une des affaires résolues par le célèbre couple Warren qu’il remet sur le devant de la scène. Ed est démonologue, Lorraine est médium. Leur métier consiste à venir en aide aux personnes confrontées à des phénomènes paranormaux. En croisant la route de la famille Perron, ils vont devoir faire face à un véritable catalogue de ce qui se fait de plus effrayant en termes de surnaturel. Maison hantée, possession, exorcisme, malédiction, sorcellerie, tout ou presque y passe sans pour autant que le film ne sombre dans l’étalage gratuit d’effets chocs.
Car au gré d’une filmographie de plus en plus impressionnante, James Wan démontre qu’il est un réalisateur maitrisant parfaitement les mécanismes de la peur.
Premièrement, il sait s’entourer d’une solide équipe d’interprètes. Vera Farmiga impose une personnalité forte avec une impressionnante économie de moyen, Patrick Wilson déjà présent dans Insidious est parfait dans le rôle du démonologue inquiet pour sa femme, quand à Lili Taylor, (SPOILER) elle passe de la mère de famille protectrice à la femme possédée par l’esprit de la sorcière avec une déconcertante facilité (fin du SPOILER).
James Wan sait aussi manier avec parcimonie les ressors les plus efficaces d’un film d’épouvante. Après un prologue qui nous met tout de suite dans le bain, il fait monter la tension en jouant sur des effets mille fois vus au cinéma (portes qui grincent, température qui chute, cadres qui se décrochent du mur, apparitions furtives,…) en gardant à l’esprit que moins on en montre et plus l’effet est réussi. Il utilise une fois encore la musique comme un élément de tension à part entière, jusqu’au score finale dont les violons grinçants nous accompagnent bien après la fin du film.
En jouant le parallèle entre les familles Warren et Perron qui se verront confrontées au même danger, le réalisateur diversifient les points de vue, plaçant toujours le spectateur au même niveau que ses personnages, décuplant ainsi l’effroi ressenti par les acteurs du drame qui se joue devant nos yeux.
Riches en scènes fortes particulièrement réussies (l’exorcisme, les apparitions des spectres), The Conjuring réussi le pari audacieux de nous flanquer une trouille monstre. C’est rare et c’est bon.

lundi 19 août 2013

Kick-Ass 2


La première adaptation du comics de John Romita Jr et Mark Millar proposait une mise en abime intéressante de la condition de super héros, doublé d’une comédie d’action au second degrés réjouissant. Ce deuxième volet fait la part belle au spectacle débridé, oubliant au passage l’aspect introspectif qui caractérisait la franchise. Certes, on retrouve le thème de la figure paternelle sacrifiée pour permettre aux adolescents d’accéder à l’âge adulte, et surtout celui de la dualité des super héros avec cette question essentielle : qui du costume ou de l’homme ou la femme qui le porte est le plus important dans le statu héroïque ? L’histoire se passe tout de suite après les évènements relatés dans le premier épisode. Kick Ass a fait des émules et ce sont désormais des dizaines de citoyens ordinaires qui revêtent le costume de super héros pour la plupart assez improbables pour faire régner l’ordre. Mais entre l’image du super héros et la réalité de la rue, il y a un pas qu’il est parfois douloureux de franchir. Et c’est bien d’image dont il est question ici, relayée par les réseaux sociaux et sans laquelle les justiciers ou super vilains ne sauraient exister.
De ce point de vue, Kick-Ass 2 est connecté à son époque, Twitter, Youtube ou Facebook remplaçant les journaux qui naguère relayaient les exploits de Spiderman ou Superman. Mais la réflexion s’arrête là. Le film prend le parti d’une comédie décomplexée ne reculant devant aucune limite (seul l’aspect sexuel n’est pas vraiment explicite) pour illustrer les exploits de ses protagonistes souvent plus ridicules que tragiques, tout en étant dangereux, pour eux même comme pour leurs proches.
Dans un paysage cinématographique souvent frileux, il est bon de voir un film assez grand public, classé PG 13 et non pas R, débiter autant d’injures et montrer une violence, certes cartoonesque, mais la plupart du temps frontale. Car les coups portent dans Kick-Ass 2, le sang gicle et les combats n’ont rien à envier aux derniers films d’actions sortis sur les écrans.
Si le personnage de Kick Ass reste central, ce sont pourtant ceux de Hit Girl et Motherfuker qui assure le spectacle. Quand Mindy enfile son costume, on est sur d’assister à une scène de baston titanesque et particulièrement bien chorégraphiée. Quand à Chris D’Amico, en passant de Red Mist à Motherfuker, il ne fait que décupler son potentiel de méchanceté qui n’a d’égal que sa bêtise et le plaisir que l’on a de le voir apparaitre à l’écran.
Ne se prenant pas au sérieux, jouant avec bonheur d’une distanciation vis-à-vis de ses personnages et d’un second degré qui reste la marque de fabrique de la série, Kick-Ass 2 est un méchant coup de pied dans les testicules des comédies actuellement en vigueur. Jusque boutiste, frôlant parfois la vulgarité sans jamais franchement y tomber, et cela jusque dans le plan post générique, le film ose être incorrect, voire irrévérencieux sans pour autant sacrifier le spectacle qu’il nous offre.
Alors certes, nous ne sommes pas dans une profonde réflexion sur la notion de justice, ni dans une introspection pour déterminer si l’habit fait le moine ou le contraire. Kick-Ass 2 est violent, drôle, efficace, grossier, en un mot jubilatoire.

samedi 17 août 2013

Elysium


On peut dire beaucoup de choses du cinéma de Neill Blomkamp, mais on ne peut pas lui reprocher de manquer de cohérence, que ce soit sur le fond ou la forme. En effet, dès les premières images, Elysium nous renvoie à District 9 avec cette esthétique si caractéristique d’une Terre dévastée, rongée par la rouille et croulant sous la crasse. D’un point de vue thématique, nous sommes aussi en terrain connu. Il n’est pas question ici d’une allégorie de l’Apartheid avec des aliens mis au banc de la société, mais de deux mondes, celui des pauvres cantonnés sur Terre et des riches réfugiés sur la station orbitale Elysium. Le réalisateur poursuit donc sa dénonciation des inégalités actuelles ou à venir avec largement plus de moyens que lors de son premier film, pour un résultat en demi teinte. La planète Terre décrite dans le film est toujours crédible, Neill Blomkamp jouant avec les codes des véhicules et des armes existantes pour mieux les détourner et créer un monde futuriste criant de réalisme. Toujours passionné par les armes les plus meurtrières, il nous fait la démonstration qu’une science fiction grand public n’a pas à systématiquement sacrifier son âme au politiquement correct comme ce fut le cas pour Oblivion.
Ici, les corps explosent sous les déflagrations de charges explosives, la chair se mêle à l’acier sous forme d’exo squelettes (la scène de l’opération est à ce titre représentative de l’ambiance du film, sale et douloureuse), les milices policières robotisées répriment aveuglément toute tentative de rébellion tandis que l’administration est représentée par des robots hermétiques au moindre échange d’opinion (belle métaphore soit dit en passant).
Bref, la Terre décrite dans le film n’est pas un havre de paix, contrairement au monde d’Elysium où tout n’est que calme, luxe et volupté. Jusqu’à ce que les rouages se grippent et que les pauvres fassent irruption chez les riches, apportant avec eux le chaos ou l’espoir, selon le coté où l’on se place. Dans sa seconde partie, Elysium n’est d‘ailleurs pas sans rappeler Demolition Man quand les chasseurs de primes se mettent en tête de prendre le contrôle de la station. Il faut voir avec quelle délectation le réalisateur leur fait balancer des grenades parmi les yuppies effarés devant tant de barbarie, c’est à une véritable catharsis qu’il nous convie, non sans y ajouter un certain humour grinçant.
Tout cela aurait pu donner un film coup de poing, dans la droite ligne de District 9. Mais vu le budget du film, Elysium ne pouvait pas non plus être un film totalement punk. Alors il y a Matt Damon, certainement trop gentil garçon pour la rugosité nécessaire à son rôle, des flash back aux couleurs sépias répétitifs, des passages obligés se voulant émouvants avec des enfants. Sans compter quelques incongruités scénaristiques, dont celle qui voit les mercenaires embarquer l’héroïne et sa fille dans leur vaisseau pour des raisons aussi obscures qu’inexpliquées, comme ce fut le cas avec Loïs Lane dans Man of Steel. Si les séquences de fusillades et de guerre urbaine sont parfaitement maitrisées, on ne peut pas en dire de même des scènes de combat au corps à corps, encore une fois peu lisibles car filmées la plupart du temps caméra à l’épaule.
Elysium n’a donc pas la force de District 9 malgré quelques milliers de dollars en plus. Il n’en demeure pas moins un film maitrisé et intéressant, et une pierre de plus dans la filmographie de Neill Blomkamp qui n’a surement pas fini de nous surprendre.

jeudi 8 août 2013

American Nightmare


Le pitch de départ d’American Nightmare est intéressant à plus d’un titre. D’un un futur (très) proche, les Etats Unis connaissent une vague de criminalité sans précédent. Pour endiguer ce flot de violence et le canaliser, le gouvernement instaure la Purge. Pendant une nuit, tous les crimes sont permis et légaux. Les plus riches se calfeutrent dans les demeures hyper sécurisées et assistent aux évènements depuis leurs postes de télévision, ou sortent chasser. Les plus pauvres sont livrés à ce déferlement de violence, victimes ou bourreaux. A partir de là, le film pourrait partir dans plusieurs directions différentes. On imagine sans peine la peur diffuse à l’origine de cette idée, celle qui verrait les laissés pour compte d’une société de plus en plus inégalitaires déferler sur les classes les plus riches, reproduisant l’espace d’une nuit la Grande Révolution dont certains rêvent depuis des années. Le scénario prend un chemin différent en mettent en scène l’élite de la société sous la forme de chasseurs autorisés à concrétiser leurs plus bas instincts (se rapprochant de la thématique d’American Psycho de Bret Easton Ellis), de voisins envieux profitant de la Purge pour régler leurs comptes, ou de petits bourgeois se cloitrant égoïstement dans leur maison en attendant que la tempête passe.
C’est à travers une famille de ce type que nous allons suivre les évènements tragiques de cette longue nuit. Le père a fait fortune dans des systèmes de sécurité, la Purge est pour lui un moyen de se faire de l’argent autant qu’un mal nécessaire pour la stabilité du monde dans lequel il vit. Avec sa femme et ses deux enfants, il entend bien se cloitrer dans sa maison sécurisée et rester aveugle et sourd aux drames qui se déroulent à l’extérieur.
L’allégorie avec les classes favorisées qui vivent de plus en plus recluses dans des quartiers éloignées des citées pauvres, et donc par essence dangereuses, côtoyant sans le voir et encore moins le connaitre un monde parallèle fait de faits divers qu’ils ne voient qu’à travers le prisme des informations télévisées est évident. Le scénario portait en lui les germes d’un film social fort et dérangeant, encore eut il fallu qu’il y ait un John Carpenter derrière la caméra. C’est loin d’être le cas et le résultat s’en ressent douloureusement.
Illustrant de façon assez maladroite le thème du home invasion, American Nightmare accumule les maladresses. Première scorie, les personnages principaux sont mal caractérisés. Entre la mère sensée représenter la caution morale de la famille et dont la réticence devant ce système est à peine ébauchée, le fils geek à moitié autiste et la fille en pleine crise d’adolescence tardive, on a le plus grand mal à s’attacher aux personnages principaux. L’action ensuite est brouillonne, le moindre combat est filmé de façon illisible, la faute à une caméra virevoltante et un éclairage quasi inexistant. L’aspect social se réduit à l’apparition d’un SDF, noir de surcroit, pourchassé par de méchants gosses de riches en mal de sensations fortes. Enfin, les retournements de situations à répétition qui voient les personnages sauvés au dernier moment par l’apparition d’une tierce personne qui exécute l’agresseur d’une balle dans le dos finit par lasser et retire toute crédibilité à un scénario qui se délite au fil de l’histoire.
C’est dommage vu le potentiel de l’intrigue, et on ne peut que rêver de ce qu’aurait donné le film avec un réalisateur digne de ce nom derrière la caméra.

mercredi 24 juillet 2013

Pacific Rim


Lors du générique de fin, Guillermo del Toro rend hommage à Ray Harryhausen et Inoshiro Honda, deux figures incontournables du film de monstres. Et c’est bien cet amour des monstres de toute nature qui anime une fois de plus le réalisateur du Labyrinthe de Pan et des Hellboy. Peter Jackson avait fait sa déclaration d’amour au genre avec sa magnifique version de King Kong, c’est au tour de Guillermo del Toro de rendre hommage au cinéma d’animation avec Pacific Rim. Car ne nous y trompons pas, les vrais figures légendaires du film sont bien les Kaiju, ces monstres gigantesques surgit d’une autre dimension qui veulent coloniser notre planète. Les Jaegers, formidables machines de guerre conçues pour les combattre, ne sont que des coquilles vides et inopérantes sans les hommes et femmes qui les manipulent de l’intérieur. Et ce sont eux qui leur donnent leur personnalité. Le Jaeger russe reflète l’aspect massif de son couple de pilote, alors que le robot japonais à trois bras n’est qu’une extension des triplés qui le mène au combat. Et s’il n’est plus question du danger de l’arme atomique comme lors du premier Godzilla en 1954, le propos reste le même puisque c’est la pollution et le trou qui perce la couche d’ozone qui permettent aux Kaijus d’envisager de vivre sur Terre à notre place.
Evincé du plateau du Hobbit et délaissé, pour un temps, de son projet d’adaptation des Montains of Madness, le réalisateur se rattrape en mettant encore une fois en scène des monstres tentaculaires qui pourraient tout à fait sortir de l’imagination de H.P. Lovecraft.
Pacific Rim débute par un prologue qui résume en quelques minutes les premières attaques des Kaiju et l’apparition des Jaegers. Guillermo del Toro démontre une fois de plus son extraordinaire capacité à raconter des histoires en condensant de façon crédible ce qui aurait pu être un film à part entière. Et ce n’est que le début.
Pacific Rim enchaine les scènes de bravoure, chaque apparition des titans de chair ou d’acier étant filmée avec un sens aigu de la mise en scène. Il suffit d’un infime détail, un oiseau, un hélicoptère ou un paquebot utilisé comme gourdin, pour rendre compte sans en rajouter de la puissance et de l’immensité des combattants. Que ce soit sur terre, sous la mer ou dans les airs, chaque combat est parfaitement chorégraphié et doté d’un potentiel dramatique qui fait défaut à la plupart des films se situant sur le même créneau (voir à ce sujet la bataille finale de Man of Steel).
Pacific Rim pourrait se limiter à être un spectacle grandiose, mais ce serait mal connaitre le génial mexicain. Fidèle à lui-même, il n’oublie pas que les enjeux sont avant tout humains. Et l’histoire est construite autour d’une multitude de personnages et d’enjeux dramatiques qui font du film une réussite majeure. Alliant la forme au fond, le réalisateur fait encore une fois preuve d’un soin tout particulier apporté aux décors et à l’esthétique de son film. La scène du souvenir de Mako est ainsi traitée comme un conte de fées où la petite fille est poursuivie par un dragon de légende avant qu’un preux chevalier monté, non pas sur son destrier, mais sur son robot, ne vienne la sauver. Et cette petite chaussure rouge qu’elle ne lâche pas, c’est son cœur que son père adoptif lui rendra à la toute fin, lui permettant ainsi de se libérer d’une vengeance qui l’aliène. Le personnage de Mako est associé à une palette de couleurs froides qui reflète son état d’esprit, du moins jusqu’à la dernière scène, alors que Raleigh est environné de couleurs chaudes. Ce sont ces détails que nous percevons sans toujours parvenir à les expliquer qui nous entrainent dans une histoire qui aurait pu se contenter d’enchainer les lieux communs.
Alors certes, il y a bien quelques petits raccourcis (qu’est devenu le Jeager japonais à trosi bras et son équipage après l’attaque ?), Guillermo del Toro concède quelques passages obligés (le sacrifice des soldats, le jeune homme turbulent et effronté qui se rachète au dernier moment, la chute puis la renaissance du héros), mais on lui est reconnaissant de ne pas alourdir son propos plus qu’il ne le faut, par exemple en ne faisant qu’esquisser une histoire d’amour naissante qui aurait pu plomber le film.
Mélant humour, spectacle démesuré et humanité, Guillermo del Toro prouve une fois de plus que l’on peut faire des films à grand spectacle sans prendre les spectateurs pour des demeurés, et s’impose de plus en plus dans le panthéon des plus grands réalisateurs de films fantastiques.

jeudi 18 juillet 2013

Monstres Academy


Le film commence par le plan d’un pigeon vu de profil dans une banlieue américaine typique. L’oiseau se tourne vers le spectateur et l’on se rend compte que c’est un monstre bicéphale plutôt agressif. Monstres Academy suivra la ligne directrice de cette première scène : rendre cohérent un monde peuplé de monstres de toutes sortes, de telle sorte que c’est celui des humains qui fait office de bizarrerie. L’histoire est une préquelle du premier opus et commence avec le tout jeune Bob Razowski qui ne rêve que d’une chose, devenir une Terreur et intégrer la prestigieuse Monstres Academy. Le film ne tire clairement pas sa force d’un scénario assez convenu qui fait la part belle à l’entre aide plutôt qu’à l’individualisme, au courage, à la probité et à l’amitié. Rien de bien nouveau sous le soleil de Pixar de ce coté là donc. Ce qui fait tout l’attrait de Monstres Academy, ce sont ses personnages et la façon dont ils interagissent entre eux dans un monde complètement crédible. Alors que Monstres et compagnie explorait l’univers professionnel, c’est ici le campus et tout ce que cela implique de communautés, de laissés pour compte et de stars qui est mis à l’honneur. Et une fois encore, on ne peut que se laisser porter par une animation au sommet de son art, tout en faisant abstraction d’une 3D qui, une fois encore, n’est là que pour pomper encore un peu plus d’argent au spectateur sans apporter quoi que ce soit à un film qui n’en a pas besoin.
La genèse du personnage de Bob Razowski est intéressante à plus d’un point. Outre le fait qu’il croise le chemin de nombre de monstres qu’il retrouvera quelques années plus tard dans Monstres et Compagnie, il représente également l’essence même du spectacle. Sa volonté d’être sous le feu des projecteurs se heurtent à de multiples épreuves qu’il lui faudra traverser pour comprendre que sa place est davantage derrière la caméra que sur la scène.
Alors que Monstres et Compagnie jouait aussi la carte des sentiments avec le personnage de la petite fille Bouh qui ne quittait pas Sulli et Bob, sa préquelle mise tout sur l’action et le divertissement. Le film alterne les scènes franchement drôles (la première épreuve de poursuite au milieu de jouets radioactifs), ou carrément effrayantes. Comme la bibliothécaire qui semble sortie tout droit d’un roman de Lovecraft, ou encore la séquence de la maison envahie par les policiers où sont piégés nos deux héros. Pour s’en sortir, ils décident d’effrayer les agents humains, et l’on se croirait dans une scène de Silent Hill tellement le climat de peur tout en suggestion est réussi.
Monstres Academy, s’il ne se hisse pas au niveau du premier épisode, démontre une fois encore l’hégémonie de l’écurie Pixar sur le monde de l’animation. D’un point de vue technique certes, mais aussi et surtout grâce à un don précieux pour parler aux enfants, les vrais et ceux qui sont en nous, de manière intelligente et respectueuse.

jeudi 27 juin 2013

Man of Steel


Il y avait pourtant beaucoup de bonnes fées penchées sur le berceau de cette nouvelle adaptation de Superman. Zack Snyder aux commandes, Christopher Nolan à la production, une distribution prestigieuse, Hans Zimmer pour la musique, des effets spéciaux à couper le souffle et une vague porteuse pour les films de super héros. Alors que s’est il passé en route ? Non pas que Man of Steel soit complètement raté, loin de là. Mais réunir autant de compétences pour accoucher d’un film aussi bancal est tout simplement incompréhensible. Commençons par le meilleur. Le film débute sur Krypton et nous convie à une première partie époustouflante. La planète est menacée, par une guerre civile autant que par l’anéantissement. Dans ce chaos nait un bébé qui sera envoyé sur Terre par ses parents avant la destruction totale de Krypton. Zack Snyder fait à nouveau la démonstration de sa parfaite maitrise du spectacle de haut vol en filmant une planète mourante et un peuple qui se déchire. Nous retrouvons ensuite Clark Kent devenu un solide jeune homme errant sur les routes. Et les choses se gâtent à partir de la scène se déroulant sur la banquise, lors de la découverte d’un vaisseau extra terrestre et de l’apparition de Lois Lane.
A partir de ce moment là, l’histoire accumule les incohérences et les dialogues idiots, comme s’il n’y avait plus de scénariste à bord. Un exemple parmi tant d’autre, lorsque le général Zod embarque Superman à bord de son vaisseau et demande à ce que Lois Lane l’accompagne. Pour quelle raison s’embarrasserait il d’une terrienne ? Aucune si ce n’est justifier la suite de l’histoire. De même, le réalisateur aborde sans trop y toucher une analogie entre le super héros et le Christ lui-même. Son père adoptif Jonathan Kent ne cesse de lui parler de miracle et de sacrifice, son père biologique Jor-El lui prédit qu’il sera un dieu pour les hommes, et nous apprenons même que Clark Kent a trente trois ans au moment où se déroule l’histoire, l’âge du christ quand il fut crucifié. Pourquoi pas, l’idée est intéressante, alors pourquoi ne pas l’exploiter jusqu’au bout ?
Et le film ne souffre pas seulement d’un manque flagrant d’écriture. Il faut voir le réalisateur se prendre pour Terrence Malick quand il filme la nature et la ferme des époux Kent. Ou la démesure de la bataille finale entre Clark Kent et Zod, dont l’objectif semble être de démolir le plus de buildings possible, sans trop s’éloigner de Lois Lane si possible. Et quand il n’y a plus rien sur Terre qui tienne encore debout, ils s’envolent dans l’espace pour se jeter un satellite à la figure. Henry Cavill, qui était royal dans la série les Tudors, se contente ici du strict minimum, dégageant autant de charisme qu’une endive.
Ces manques sont d’autant plus pénibles que le film comporte des moments de bravoure intelligemment mis en scène. Les vingt premières minutes sur Krypton laissaient présager du meilleur. De même, l’affrontement entre Superman et Faora-Ul avec l’armée entre les deux est magistralement mise en scène.
Alors certes, Superman n’est pas un super héros comme les autres. C’est un extra terrestre qui se déguise pour se fondre parmi les humains, alors que ses semblables, Batman en tête, sont des hommes, ou des femmes, qui se déguisent pour combattre le crime. La démarche est donc inverse et peut être plus difficile à exploiter. Il est plus facile de s’identifier à un humain, même déguisé, qu’à un être quasiment invincible et dépourvu de ces failles qui font tout l’intérêt que l’on porte aux justiciers masqués. Cela explique t’il les deux dernières adaptions déplorables de l’homme de fer ?
Il y aura bien des erreurs à corriger avant d’envisager une suite ou une adaptation de la Justice League sur grand écran. Les Vengeurs ont encore de beaux jours devant eux.

mercredi 26 juin 2013

Shokuzai - Celles qui voulaient oublier

Alors que le premier volet du film de Kioshi Kurosawa était axé sur le souvenir et la culpabilité, cette seconde partie traite de la vengeance et de la rédemption. Une vengeance incarnée par le personnage de la mère d’Emili, confrontée à ses propres démons et à ses responsabilités dans le dernier segment. 
Nous retrouvons donc Akkiko et Yuka, les deux autres fillettes témoins du drame, devenues des femmes elles aussi, toutes aussi perturbées que Sae et Maki, et dont le destin sera aussi funeste. D’une jeune fille enfermée dans son monde à une arriviste prête à tout pour arriver à ses fins, la malédiction d’Asako n’épargnera personne, et surtout pas elle. Car le dénouement incroyable de l’histoire lui fera porter une responsabilité énorme dans la mort de sa fille. L’épilogue est d’ailleurs si tortueux que l’on peut y voir l’intervention des défunts dans les rencontres des personnages, leurs errances et les hasards qui vont les amener à commettre l’irréparable. Le film bascule alors dans un fantastique cher à la culture japonaise, les fantômes ne se manifestant que par l’intermédiaire des vivants dont ils orientent les actes. 
Que reste-t-il de Shokuzai après plus de quatre heures trente de drame et de pathos ? Des plans de toute beauté, le réalisateur apportant un soin tout particulier à ses décors et à la façon dont il met en scène chaque détail, chaque personnage au sein d’un environnement de plus en plus épuré. Chaque plan ressemble à une photographie artistique qui témoigne de la souffrance et de l’errance des protagonistes. Une plongée dans l’inconscient de la société japonaise, faite de culpabilité et de refoulement, de désir de vengeance et du prix à payer pour racheter ses fautes. Une interprétation au cordeau et une réalisation parfaitement maitrisée. Une belle démonstration de la complexité des sentiments féminins alors que les hommes ne servent que de faire valoir et incarnent ce qu’il y a de plus bas chez l’être humain. Un voyage lent et hypnotique, à peine troublé par une utilisation décalée, pour ne pas dire complétement inappropriée de la musique en total désaccord avec les scènes qu’elles sont censées illustrer. 
Shokuzai est une expérience qui se mérite de par sa durée et son rythme, et un voyage inoubliable pour ceux qui voudront bien se laisser embarquer.

mercredi 12 juin 2013

Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir

Quatre petites filles voient arriver dans leur école une nouvelle venue, Emili. Elles ont à peine le temps de sympathiser que cette dernière se fait assassiner. Toutes ont vu le visage du tueur, mais aucune ne semble pouvoir (vouloir ?) s’en souvenir. Folle de chagrin, la mère d’Emili leur promet qu’elles ne trouveront pas le repos avant que l’affaire ne soit résolue. Quinze ans plus tard, nous retrouvons deux d’entre elles devenues adultes. Des adultes qui semblent en effet porter leur fardeau comme une malédiction. 
Initialement prévu pour la télévision japonaise, Shokuzai sort en salle en deux segments. Celles qui voulaient se souvenir suit donc le destin de Sae et Maki. Au risque d’aller à l’encontre de la presque totalité des critiques qui crient au chef d’œuvre, le premier segment qui conte l’histoire de Sae se fait sentir par sa longueur. Il renvoie au Guilty of romance de Sono Sion dans sa représentation de l’aliénation de l’épouse japonaise réduite à une fonction au mieux décorative par son mari. Sauf qu’il est aussi question de folie, une folie qui finira par emporter le mari et la femme vers un destin tragique. L’histoire de Maki, plus dynamique, est tout aussi tragique dans son déroulé. Les deux femmes réagissent différemment au traumatisme qu’elles ont vécu, mais aussi violemment l’une que l’autre. Alors que Sae refuse inconsciemment d’avoir des enfants et d’assumer son corps de femme, Maki devenue enseignante se montre d’une exigence maladive avec ses élèves. Deux façon de protéger les enfants du monde extérieur et de racheter leur faute ou ce qu’ils considèrent comme tel, n’avoir pas su empêcher le meurtre de la petite Emili. 
Kiyoshi Kurosawa traite du souvenir et de la culpabilité, le mélange des deux aboutissant à un refoulement tragique. Avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les adultes en devenir que sont ces quatre petites filles représentant autant de facettes de la société japonaise. 
Essentiellement féminin, les hommes sont dérangés, agressif ou pleutres, ce premier segment de Shokuzai n’est pas exempte de défauts, mais il nous donne suffisamment de pistes à explorer pour que l’on se précipite sur la seconde partie.

dimanche 9 juin 2013

Only God forgives


Deux ans après Drive, Nicolas Winding Refn renoue avec ce qui avait fait le succès mérité de son précédent long métrage : son interprète principal Ryan Gosling et cette atmosphère si particulière faite de lenteur et d’explosions de violence qui atteint ici des sommets. Only God forgives se présente de prime abord comme une classique histoire de vengeance. Mais dès les premières images du film, nous comprenons que nous allons être embarqués dans un voyage bien plus complexe. L’histoire met en scène un triangle vénéneux qui s’affronte et n’aura de cesse de se détruire. Vénéneux est bien ce qui caractérise le mieux le personnage de Crystal, interprétée avec délectation par une Kristin Scott Thomas toujours impeccable. Et il faut tout son talent pour proférer tant d’atrocités avec autant de classe. Ryan Gosling campe Julian, son fils, un personnage désincarné qui entretient des relations troubles avec les femmes et qui traverse le film comme une âme en peine, un fantôme errant au milieu de nulle part. Son chemin va croiser un étrange policier magistralement incarné par Vithaya Pansringarm.
Ce qui caractérise le plus le film, outre une photographie soignée et une lenteur calculée, est sans conteste la noirceur des personnages et leur désir d’auto destruction.
Alors que Chang semble être le personnage le plus humain, notamment dans les relations qu’il entretien avec celle que l’on suppose être sa fille, il se montre d’une brutalité monstrueuse dés lors qu’il s’agit de faire parler des suspects, sans parler de sa conception toute personnelle de la justice. Il incarne un ange exterminateur que rien ne semble pouvoir atteindre. Son combat de boxe thaï avec Julian est à ce point impressionnant de sobriété et d’efficacité.
Julian lui, apparait comme un être complexe, presque passif qui ne semble pas avoir sa place dans ce monde. Quand il glisse sa main entre les cuisses de sa fiancée, ou dans le ventre du cadavre de sa mère, il semble revivre un retour dans le ventre maternel d’où, d’après sa mère, il n’aurait jamais dû sortir.
Crystal enfin est une femme autoritaire pour ne pas dire despotique qui entretient des relations troubles avec ses fils. Il faut la voir comparer le sexe de ses deux garçons à table ou caresser langoureusement le bras de Julian pour se faire une idée assez précise de sa conception de l’amour maternel.
Mise à part une affiche hideuse, il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce film qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse. Nicolas Winding Refn refuse encore une fois d’emprunter les sentiers battus de la narration classique et livre un film qui se vit comme un rêve tortueux, un voyage glacial peuplé d’anti héros, une quête onirique dont on ne comprend pas toujours le sens. On peut rester à la porte mais si on accepte de l’y accompagner, le voyage en vaut le détour.

samedi 18 mai 2013

Mama


Premier film d’Andres Muschietti, Mama porte indéniablement la marque de son producteur Guillermo del Toro. L’histoire met en scène deux petites filles abandonnées pendant cinq ans dans une maison isolée au fin fond d’une forêt à la suite d’un drame familial. Quand une équipe de recherche financée par leur oncle les retrouve, elles sont adoptées par ce dernier et sa femme qui ne se sent pas du tout prête à ce nouveau rôle de mère de substitution. Mais il semble qu’elles ne sont pas seules et qu’une entité veille sur elle. Mama est avant tout porté par une distribution au cordeau, à commencé par les deux petites filles qui incarnent à merveille ces enfants sauvages. La petite Lilly est particulièrement impressionnante dans son personnage qui oscille entre sauvageonne attachante et inquiétante. Dans le rôle de la tante malgré elle, Jessica Chastain campe un personnage hors norme de chanteuse de rock qui se soucie comme de sa première guitare d’être une mère exemplaire. L’histoire n’est pas d’une originalité folle et fait écho à Ring et nombre de films de revenants avec les apparitions de Mama et son dénouement tragique, mais la vraie force du film tient dans ses personnages particulièrement bien écrits et qui sortent des sentiers battus. Les enfants, et plus particulièrement la plus jeune d’entre elles, restent à l’état sauvage, les parents d’adoption sont des artistes peu préparés à leurs rôles de parents.
Pourtant le film n’évite pas certain clichés, comme par exemple (SPOiLER) le personnage du docteur qui enquête et qui trouve une mort brutale à l’approche de la vérité. Ou celui de la tante qui s’introduit de nuit dans la maison et qui connait elle aussi un sort peu enviable. (FIN DU SPOILER).
Si Mama réserve de beaux moments de frayeurs, on peut aussi regretter que le réalisateur ait choisi de montrer le fantôme de façon aussi évidente, désamorçant ainsi une partie du potentiel horrifique du film.
Malgré tout cela, Mama est une belle réussite, un film marqué par l’ombre de son producteur tant l’ambiance sonore rappelle celle de Mimic (les cliquetis de mandibules d’insectes). Certaines scènes renvoient directement aux films précédents de Guillermo del Toro, comme de vol des papillons qui rappelle la petite fée du Labyrinthe de Pan, ou le rôle central des enfants qui se réfugient dans un monde imaginaire. Belle surprise donc que ce film dans un paysage cinématographique qui n’en compte pas tant que cela.

mercredi 8 mai 2013

Stoker



Stoker marque les débuts du sud coréen Park Chan wook aux Etats Unis. Avant lui, un certain nombre de cinéastes asiatiques ont suivi le même chemin, John Woo et Ringo Lam en tête, avec plus ou moins de bonheur. Bonne nouvelle, en traversant l’Atlantique, le cinéaste virtuose n’a rien perdu de son talent et reste fidèle à ses thèmes de prédilection. Si Stoker n’emprunte pas les chemins de la violence frontale qui caractérisait Old Boy, le film n’en reste pas moins délicieusement trouble et pervers. La première chose qui frappe à la vision de Stoker, c’est le soin tout particulier que le cinéaste apporte à chaque plan. Que ce soit au niveau visuel ou auditif, Park Chan wook cisèle ses scènes comme des tableaux où chaque détail, chaque mouvement de caméra semble pensé avec soin. Le film est visuellement parfait, trop peut être, comme ces œuvres d’art que l’on n’ose pas toucher tellement elles sont imposantes. Ce parti pris se ressent jusque dans les personnages qui ressemblent plus à des poupées de cires qu’à des acteurs en chair et en os.
L’histoire met en scène India, une jeune fille renfermée sur elle-même qui doit faire face à la perte accidentelle de son père, et à l’irruption d’un oncle dont elle ne connaissait jusqu’alors pas l’existence. Commence alors un jeu du chat et de la souris entre India, sa mère et l’oncle Charles, dont l’issue sera forcement tragique.
Comme à son habitude, le réalisateur nous convie à un voyage hors normes et nous propose plusieurs niveaux de lecture de son histoire. Les premières images du film nous présentent India comme une enfant solitaire. L’apparition de son oncle va la faire passer de l’enfance à l’âge adulte, passage symbolisé entre autre par des escarpins de femme qui viennent remplacer le modèle de chaussures qu’elle portait depuis son plus jeune âge. Mais cet oncle si parfait qu’il en devient vite inquiétant pourrait tout aussi bien ne pas exister ailleurs que dans l’imagination de la jeune fille. Il surgit à point nommé pour la sauver des griffes d’un amant trop entreprenant, ne mange jamais et remplace peu à peu son père dans le lit de sa mère. Charles est il un manipulateur démoniaque ou représente-t’il que la part d’ombre d’India qui ne demande qu’à s’exprimer ? Libre au spectateur de se faire sa propre opinion, le réalisateur est trop malin pour nous imposer une lecture définitive de son histoire.
Si l’ombre d’Alfred Hitchcock plane en permanence sur le film, Stoker n’en possède pas moins sa propre identité, habile alchimie entre une beauté glacée et des personnages vénéneux qui s’entrainent mutuellement dans une danse macabre. Fétichisme, éveil à la sexualité, folie héréditaire, usurpation d’identité, poids des conventions sociales, les thèmes brassés par le film sont légions et se mêlent adroitement pour former un tout aussi cohérent que troublant.
Si Park Chan wook n’avait pas placé la barre si haut pour l’esthétisme de son film, risquant au passage de laisser quelques spectateurs à la porte au lieu de les embarquer avec lui corps et âme, Stoker aurait gagné en intensité. Il n’en reste pas moins un film envoutant qui demande à son public de construire sa propre interprétation des faits sans rien lui imposer. C’est la marque des grands cinéastes.