La réussite magistrale de Prisoners et sa propension à tenir le spectateur en haleine pendant deux heures trente tient dans une alchimie subtile, ce peu de choses qui font d’un film un édifice fragile propre à s’écrouler au moindre faux pas ou au contraire à s’élever à des hauteurs vertigineuses. Le scénario d’abord, construit comme un ensemble de poupées russes dont chaque histoire s’imbrique dans la suivante pour au final former un tout cohérent et redoutablement efficace. Prisoners dresse le portrait d’une Amérique rurale où les valeurs religieuses et familiales côtoient les pires perversions et le droit inaliénable à se protéger, voire à se faire sa propre justice. Avec ses personnages fouillés et profondément humains, jusque dans leurs pires travers, le film nous prend à la gorge pour le plus nous lâcher jusqu’au dénouement final. S’il ne va pas au bout de sa logique de dénonciation et opte pour quelques facilités (Keller, le père d’Anna n’a peu être pas tout à fait tort), le film ne sombre pas pour autant dans le manichéisme facile qui lui tendait les bras. La distribution est aussi un élément capital du le film.
Si Hugh Jackman incarne avec brio un père meurtri et déboussolé, c’est à coup sur Jake Gyllenhaal qui livre la plus belle partition. Avec une sobriété impressionnante, il campe un personnage de flic solitaire dont nous ne connaissons ni le passé ni la vie quotidienne. Pourtant, avec quelques détails qui pourraient être insignifiants (ses tics, ses tatouages, une allumette dans la bouche), l’acteur nous invite à imaginer les années qui l’ont conduites à cette enquête. On devine le gamin des rues qui passe de refuge en familles d’accueil, l’adolescent délinquant, l’ancien junky et l’adulte solitaire dont le travail est le seul refuge.
Filmant ses personnages au plus prés pour ne plus les lâcher, Denis Villeneuve réussit l’exploit de nous livrer un thriller implacable doublé d’un drame humain qui lorgne du coté de Mystic River. Avec son ambiance hivernale et ses personnages borderline, ses intrigues à répétition et une mise en scène parfaitement maitrisée, Prisoners constitue l’une de ces belles surprises que l’on n’attendait plus et qui participe à la magie du cinéma.
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