samedi 28 juin 2025

13 jours 13 nuits

Les petites histoires qui font la Grande. Alors que les troupes américaines évacuent l’Afghanistan en 2021, les Talibans envahissent Kaboul et sèment la terreur parmi les habitants. Dans ce chaos ambiant, l’ambassade de France demeure l’un des derniers refuges pour des Afghans menacés de mort. Face à cet afflux de réfugiés, le commandant Mohamed Bida va devoir composer avec sa hiérarchie et son propre sens de l’honneur. 
Pour adapter ce fait réel, lui-même retranscrit par le principal intéressé dans ses mémoires, le réalisateur Martin Bourboulon ne cherche pas à concurrencer les films d’actions américains sur leur propre terrain de jeu (La chute du Faucon Noir pour n’en citer qu’un) mais joue bien au contraire la carte de la sobriété. 
Pas d’iconisation héroïque ni de fétichisme militaire mais une course contre la montre filmée au plus près de ses personnages, militaires, journalistes, réfugiés ou activistes plongés dans une réalité qui les dépasse. Et c’est bien au travers cette galerie de portraits parfois à peine esquissés mais toujours justes (l’américaine Nicole Gee est particulièrement touchante) que né l’émotion. 
Film humaniste dans le sens où les décisions des personnages sont dictées par les valeurs humaines plutôt que par le respect des ordres ou l’intérêt personnel, 13 jours 13 nuits n’en oublie pas pour autant une tension permanente culminant lors des scènes de déplacement (l’exfiltration du commandant Afghan ou l’évacuation des réfugiés et du personnel de l’ambassade) où l’exiguïté des véhicules renforce le sentiment d’urgence et de danger permanant. 
Si l’on peut questionner la vision patriotique de cet épisode Afghan du point de vue français et l’écriture un peu trop caricaturale de certains personnages (Eva incarnée par Lyna Khoudri entre autres), le film de Martin Bourboulon porté par un Roschdy Zem impérial n’en demeure pas moins une franche réussite entre film de guerre et hommage au courage d’hommes et de femmes qui font passer leurs exigences morales avant toute chose.

samedi 21 juin 2025

28 ans plus tard

En 2003, le réalisateur Danny Boyle, déjà épaulé par Alex Garland au scénario, électrise les morts vivants chers à George A. Romero avec 28 jours plus tard et ses infectés aussi affamés que mortellement rapides. 
Quatre ans plus tard l’espagnol Juan Carlos Fresnadillo livre une suite plus orientée action avec un clin d’œil appuyé au Jour des morts-vivants et ses militaires aussi dangereux que les contaminés qu’ils combattent. 
Il faudra donc attendre plus de vingt ans pour retrouver le duo Boyle - Garland et un monde plus déliquescent que jamais. Car c’est bien dans la veine postapocalyptique que s’inscrit ce 28 ans plus tard, film hybride aux multiples références avec pour toile de fond une fascination évidente pour la mort. 
Si Danny Boyle n’a rien perdu de son sens de la mise en scène et sa direction d’acteurs, c’est bien la patte du scénariste qui s’imprime à chaque plan. De Annihilation à Civil War en passant par Men, Alex Garland passé depuis derrière la caméra n’a eu de cesse d’explorer les multiples faces du deuil et de notre approche de la mort sous toute ses formes. 
[Attention POILER] Alors que Jamie incite (oblige ?) son fils à exécuter des infectés à l’arme blanche pour son rite de passage à l’âge adulte, c’est pourtant le décès de sa mère (et l’inversion des rôles qui le précède quand elle l’appelle papa ou qu’elle lui confie le bébé) qui va véritablement l’obliger à s’émanciper de sa condition d’enfant pour enfin voler de ses propres ailes et partir explorer le monde [fin du SPOILER]
Alternant des scènes de poursuites tendues à l’extrême et des moments de calme tout aussi réussis (la rencontre avec Eric, les échanges entre Jamie et sa mère), le réalisateur parsème son film de touches d’humour particulièrement bien sentis et parvient à un équilibre salutaire entre l’intime et l’horreur. 
Mais si le film parvient à se sortir de situations extrêmes qui pourraient parfois le faire basculer dans le ridicule, c’est avant tout grâce à une distribution d’acteurs tous aussi bons les uns que les autres. On ne s’étonnera plus de la justesse du jeu de Jodie Cormer toujours impeccable, et Alfie Williams dans le rôle du jeune Spike reste une vraie découverte. 
Alors que le film se termine par une scène absolument WTF sortie d’un film de zombie italiens des années soixante-dix et annonçant clairement une suite, 28 ans plus tard réussit sur deux tableaux, celui de prolonger efficacement une saga passionnante entamée vingt ans plus tôt et d’y apporter une vision suffisamment différente pour explorer de nouvelles multiples.

samedi 7 juin 2025

Ballerina

Avec le personnage de Paloma dans Mourir peut attendre en 2021, Ana de Armas braque littéralement la meilleure scène du film, allant même jusqu’à volet la vedette à un James Bond lui aussi sous le charme. 
Alors quand l’annonce d’un spin off de l’univers John Wick tombe peu de temps après, l’attente est à la hauteur des espérances : énorme pour les fans d’une série dont la réalisation et la chorégraphie martiale transcendent les codes du cinéma d’action et imposent une mythologie à la fois cohérente et diablement jouissive. 
L’arrivée de Len Wiseman à la réalisation ainsi que le temps écoulé entre l’annonce du projet et les premières images suscitent les premières inquiétudes, bien vite confirmées lors de l’arrivée de Ballerina en salle. 
Malgré de bonnes idées de mises en scène, dont les combats à la grenade et le duel au lance flamme qui fera date, le film s’étire sur deux heures interminables en se reposant paresseusement sur des lauriers trop grands pour lui. 
Passons l’histoire cousue de fil blanc, l’intérêt de la saga n’a jamais résidé dans l’écriture scénaristique mais bien dans son interprétation et l’inventivité visuelle de son univers. Plombé par une réalisation paresseuse et des personnages sans grande envergure, Bellerina se contente de capitaliser sur l’univers de John Wick sans jamais prendre son envol. 
Malgré tous ses efforts et son investissement, Ana de Armas parait bien pâle à coté d’un Keanu Reeves toujours aussi minimaliste, les nouveaux venus ne brillent pas par leur présence et le reste de la distribution se contentent de rejouer indéfiniment le même rôle. 
Là où la réalisation de Chad Stahelski transpirait l’amour des combats chorégraphiés et de la série B de qualité, Len Wiseman livre le minimum syndical et se nourrit sur le dos de la bête sans apporter une goutte de sang neuf à l’univers étendu du redoutable Baba Yaga. 
Reste Ana de Armas, moins convaincante en deux heures de John Wick qu’en dix minutes de James Bond.

samedi 24 mai 2025

Mission : Impossible – The Final Reckoning

Tout ça pour en arriver là. Après presque vingt ans d’une franchise qui a redéfini les codes du blockbuster d’action, Ethan Hunt et son équipe, ou du moins ce qu’il en reste, reviennent pour un baroud d’honneur qui, s’il reprend à la lettre les codes de la saga, en demeure l’un de ses épisodes les plus faibles. 
Pensé comme une rétrospective introspective, The Final Reckoning souffre tout d’abord de l’absence d’un méchant digne de ce nom. Entre une entité informatique qui emprunte à la fois au virus et à l’intelligence artificielle et un cyber terroriste des plus commun, Ethan Hunt semble davantage lutter contre les éléments (la pression des profondeurs ou la gravité) que contre sa propre némésis. 
Trop long, trop bavard, trop sérieux (les rares séquences d’humour tombent à plat), ce huitième opus coche toutes les cases du cahier des charges Mission Impossible (les masques, la paranoïa ambiante, les cascades) sans retrouver le souffle épique des précédents épisodes. 
Déchiré entre l’esprit d’équipe et la solitude de l’élu qui renvoie à plus d’un titre au Néo de Matrix en guerre contre les machines, Ethan porte sur ses épaules le poids d’un monde au bord de l’apocalypse nucléaire et les multiples flash-backs de ses exploits passés sonnent comme l’annonce d’une retraite bien méritée. 
Il n’en demeure pas moins que The Final Reckoning nous réserve encore de belles surprises comme une séquence bien claustrophobique à bord d’un sous-marin échoué ou une tension paranoïaque croissante au sein de l’Etat major des armées américaines. 
Partagé entre la nécessité de boucler la saga, un cahier des charges toujours aussi exigeant dans le spectaculaire et une dimension humaine qui peine à convaincre, Tom Cruise et son alter ego Christopher McQuarrie ont l’intelligence d’arrêter la série avant le film de trop et malgré ses faiblesses, le dernier opus de Mission Impossible referme dignement la porte d’une saga qui aura porté haut et forts les valeurs d’un cinéma populaire exigeant et divertissant.

samedi 10 mai 2025

Destination finale : Bloodlines

La saga Destination Finale a ceci d’original qu’elle met en scène le tueur de slasher ultime, la Mort elle-même. En résultent des mises en situation plus invraisemblables les unes que les autres pour précipiter les malheureux protagonistes dans des morts atroces, avec une prédilection pour les accidents domestiques et routiers. 
Sixième volet de la série, ce Destination Finale Bloddlines (les liens du sang en français, ce qui a son importance dans le déroulé du scénario) pousse tous les curseurs à fond. 
Enchainement d’incidents anodins, fausses pistes et scènes gores parfaitement réussies dans leur volonté d’aller toujours plus loin, mais également scénario cousu de fil blanc, représentation artificielle de la famille américaine et personnages tellement fades que l’on attend avec une impatience à peine cachée leurs décès de toute façon inéluctables. 
Les réalisateurs semblent avoir oublié qu’un bon film d’horreur ne se limite pas à ses débordements sanglants mais passe avant tout par ses protagonistes, d’autant plus quand le grand méchant demeure invisible bien qu’omniprésent. 
Usant et abusant des fausses pistes qui sont depuis toujours la marque de fabrique de la saga (plans fixes et insistants sur un râteau ou un éclat de verre alors que le danger vient d’ailleurs), faisant preuve d’imagination pour mettre en scène des morts toujours plus impressionnantes, Zach Lipovsky et Adam B. Stein se contentent pourtant d’une galerie de personnages fades et interchangeables dont les actes demeurent la plupart du temps incompréhensibles (la mère de Stéfani revient après vingt ans d’absence comme si elle était partie chercher du pain la veille). 
Malgré une montée en tension spectaculaire dans la séquence d’introduction et un véritable soin apporté aux séquences de mises à mort, Destination finale : Bloodlines ne parvient pas à se démarquer des productions horrifiques produites à la chaine par les studios américains et ne constitue certainement pas l’épisode le plus réussi de la saga.

dimanche 4 mai 2025

L’amour c’est surcoté

L’amour c’est surcoté, c’est du moins ce que ne cesse de se répéter Anis, trentenaire en galère avec les filles, coincé entre ses potes, ses parents et un trauma qu’il n’arrive pas à surpasser, la perte de son meilleur ami Isma trois ans auparavant. La rencontre avec Madeleine pourrait bien changer les choses si ces deux-là arrivent à s’apprivoiser. 
En adaptant son propre roman, Mourad Winter débarque dans le paysage bien balisé de la comédie française avec une énergie et un culot qui forcent le respect. 
Entouré d’une troupe de comédiens aussi à l’aise dans l’émotion que dans la déconne, le film déroule des dialogues cultes avec un sens inné des scènes de groupe et réussit à créer cette alchimie rare, entre éclats de rire et larmes d’émotion sans jamais sombrer dans le pathos. 
Le réalisateur prend ce qu’il y a de meilleur chez les stand-upeurs français en évitant la succession de sketches trop téléphonés ou les personnalités castratrices qui ne laissent pas de place aux autres. Inutile de citer les interprètes au risque d’en oublier, ils sont tous parfaits (mention spéciale à Benjamin Tranié, hilarant dans le rôle casse gueule du pote raciste et antisémite) autour du tandem Hakim Jemili-Laura Felpin à fleur de peau. 
On ressort de la salle le sourire aux lèvres et la larme à l’œil, trop content de rejouer les dialogues du film avec ses potes. Tout est dit.

vendredi 25 avril 2025

Sinners

Black Power. De Creed à Black Panther, le duo Ryan Coogler - Michael B. Jordan a toujours revendiqué un cinéma de divertissement étroitement liée à la culture afro-américaine. Sinners qui marque leur sixième collaboration ne fait pas exception à la règle. 
En mêlant film de vampire et ode musical sur fond de ségrégation noire dans le sud des Etats Unis des années Trente, le réalisateur ose un pari risqué qu’il remporte haut la main grâce à un sens aigu de la mise en scène, la double présence d’un Michael B. Jordan toujours aussi charismatique entouré d’un casting impeccable, une bande son envoutante et des références à la pelle. 
Croisement improbable entre 30 jours de nuits, Une nuit en enfer, le western, les films de gangsters et les comédies musicales, Sinners nous offre quelques scènes mémorables comme ce morceau de blues transgénérationnel auquel répond une danse irlandaise endiablée des vampires. 
La parabole politique aurait pu tourner court et sombrer dans la facilité avec une confrontation entre les vampires blancs racistes et les résistants noirs mais Ryan Coogler déjoue tous les pièges du manichéisme en ne perdant jamais de vue la portée symbolique de ses personnages. 
Visuellement somptueux et réjouissant dans son mélange des genres, Sinners est surtout un bel hommage à cette musique du diable née dans les champs de coton qui a su traverser les générations pour porter haut et fort la douleur, la révolte et l’espoir.

samedi 8 mars 2025

Mickey 17

It’s time to die. 
A la manière d’un Tom Cruise condamné à mourir à répétition dans Edge of Tomorrow, Robert Pattinson incarne Mickey Barnes dans le nouveau film du réalisateur césarisé Bong Joon Ho. 
Mais il n’est pas question ici de boucle temporelle puisqu’à chacune de ses morts pour faire avancer la science, Mickey Barnes est réimprimé en trois dimensions et sa mémoire injectée dans un corps fabriqué à partir de déchets organiques. 
Cette condition fait de lui un Remplaçable, un être humain corvéable à merci réduit à son enveloppe charnelle duplicable à l’infini et dont la mort se trouve dédramatisée par la perspective de renaitre, encore et toujours. Jusqu’à ce qu’un grain de sable fasse dérailler la machine. 
Du mélange des genres au thème de la lutte des classes jusqu’à la présence de monstres improbables sur une planète gelée, Mickey 17 représente à lui tout seul un condensé de la filmographie de Bong Joon Ho. 
De Parasites à Snowpiercer en passant par The Host, les thèmes chers au réalisateur coréens se retrouvent tous dans ce dernier opus qui oscille en permanence entre comédie noire et science-fiction assumée avec un contexte social omniprésent. 
Entre influences et clin d’œil assumés, on pense notamment à Alien et Starship Troopers, Mickey 17 réussit néanmoins à trouver sa voie grâce à une distribution au cordeau (quel plaisir de retrouver Anamaria Vartolomei) et un subtil numéro d’équilibriste entre film de genre et satire sociale dont Bong Joon Ho a le secret.
Insuffler un ton aussi politique et acerbe dans une production de cette ampleur n’était pas gagné et s’il ne révolutionne pas le genre, Mickey 17 réussit à divertir tout en nous donnant à réfléchir sur le rapport de pouvoir et de domination entre classes sociales avant d’y mettre un terme aussi définitif que délicieusement naïf.

dimanche 9 février 2025

5 septembre

La fabrique de l’information. 
A partir d’un fait divers archiconnu, la prise d’otages des athlètes israéliens par un commando de terroristes palestiniens lors des Jeux Olympiques de Munich en 1972 et son issue tragique, le réalisateur Tim Fehlbaum nous propose de suivre les évènements en temps réels depuis un studio de télévision à quelques centaines de mètres des lieux du drame, décortiquant ainsi la façon dont le producteur Geoff va présenter les faits à des millions de téléspectateurs. 
Car outre le rappel douloureux de l’un des épisodes les plus marquants du conflit israélo-palestinien et une mise en perspective pertinente (le fait que le drame se déroule dans une Allemagne encore traumatisée par les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale est essentiel dans la compréhension du déroulé des évènements), 5 septembre nous invite dans les coulisses de la fabrication de l’information et de la manière de s’en faire écho sans tomber dans le sensationnalisme ni dans le voyeurisme. 
Bati presque essentiellement sur son montage sec et nerveux, à l’image des reportages réalisés en temps réel par l’équipe du directeur de télévision Roone Arledge, le film de Tim Fehlbaum nous embarque dans un thriller haletant, d’autant plus surprenant que l’on connait l’issu du drame, dans les pas de journalistes, caméramen et preneurs de son spectateurs et témoins d’une série d’évènements qui vont tenir en haleine le monde entier. 
Suffisamment ramassé sur une durée d’une heure trente cinq et porté par un casting crédible de bout en bout, 5 septembre se double d’une réflexion bienvenue sur la responsabilité éditoriale et la manière de présenter et recevoir une information. 
Un sujet plus que jamais d’actualité à l’heure de la mondialisation et des combats permanents pour préserver l’intégrité des groupes de presse.  

samedi 1 février 2025

babygirl

La scène d’ouverture de Babygirl donne le ton du film. Un couple fait l’amour, la femme feint un orgasme rapidement expédié pour mieux s’isoler devant un porno et se masturber toute seule. 
Car derrière la carrière de Romy, femme puissante et intelligente arrivée à la tête d’une entreprise de robotique new-yorkaise à force de courage et d’abnégation, se cache une vie trop rangée entre un mari metteur en scène débordé et deux enfants engoncés dans leurs archétypes de fille modèle et de fille hors norme. Le parfait modèle familial américain qui ne demande qu’à exploser sous le poids des conventions. 
L’irruption d’un stagiaire entreprenant va obliger Romy à prendre conscience de cette mascarade tout en réveillant en elle des désirs qu’elle pensait oubliés à jamais. 
Et c’est bien de désirs féminins dont il est question ici, désirs le plus souvent ignorés ou inassouvis, relégués au second plan d’une vie où les conventions prennent le pas sur une sexualité que l’on rêverait plus libre. Alors que la vie de Romy n’est que luxe et volupté, la séquence où tout bascule avec Samuel se déroule dans une chambre d’hôtel miteuse, projection inconsciente de ses désirs jugés trop déviants pour être exposés au grand jour. 
Loin de tomber dans les méandres d’un énième thriller sulfureux avec manipulation et chantage à la clef, la réalisatrice Halina Reijn filme au contraire ses personnages avec une bienveillance d’abord suspect, on se demande à quel moment Samuel ou Romy vont dévoiler leur véritable personnalité et précipiter le drame, avant de comprendre que rien de tel se va se passer. Babygirl est d’abord et avant tout le portrait d’une femme qui a trop longtemps ignoré ses pulsions et qui, arrivée au sommet du pouvoir, assume enfin sa propre sexualité. 
Si le film aurait gagné en audace, la mise en danger de Nicole Kidman reste tout de même très relative et moins spectaculaire que la mise en abime de Demi Moore dans The substance, sans compter que les scènes de sexe demeurent assez soft pour un film qui entend prendre le sujet du désir féminin à bras le corps, Babygirl n’en reste pas moins un essai courageux et trop rare sur un thème encore largement sous-exploité.

samedi 25 janvier 2025

Le dossier Maldoror

Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi. C’est que qui arrive à Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste confronté au milieu des années quatre-vingt-dix à la disparition de deux jeunes filles en Belgique. Ce n’est que le début d’une longue série et d’une spirale obsessionnelle où il entrainera à son corps défendant sa famille, ses amis et perdra sa propre identité. 
Librement inspiré par l’affaire Dutroux qui traumatisa la société belge en 1996, Fabrice Du Welz délaisse son formalisme habituel pour coller durant plus de deux heures trente à ce gendarme sous pression interprété par Anthony Bajon dont le physique presque enfantin contraste singulièrement avec la noirceur qui l’habite. 
Aussi à l’aise dans ses pas de côté, comment ne pas penser au Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino durant la scène du mariage, qu’en plein cœur de l’enquête pour laquelle il suit les traces du David Fincher de Zodiac, le réalisateur belge oscille entre cinéma de genre et catharsis pour illustrer le dysfonctionnement de la justice belge, les erreurs de jugement dues à la rivalité larvée entre la gendarmerie belge, la police judiciaire et la police communale et la manière de se confronter au mal dans tout ce qu’il a de plus commun et d’abject. 
Passionnant dans sa reconstitution presque documentaire des faits, parfaitement maitrisé en termes de mise en scène, Le dossier Maldoror aurait gagné à explorer plus en profondeur la piste du réseau pédophile aux ramifications insoupçonnées sur laquelle le film s’arrête de façon trop abrupte. 
Regarder le mal en face sans tomber dans la surenchère et le voyeurisme et embarquer le spectateur pendant deux heures trente cinq sans une once d’ennui, pari gagné pour Fabrice Du Welz qui ajoute une pièce maitresse à une filmographie déjà bien fournie.