La scène d’ouverture de Babygirl donne
le ton du film. Un couple fait l’amour, la femme feint un orgasme rapidement
expédié pour mieux s’isoler devant un porno et se masturber toute seule.
Car
derrière la carrière de Romy, femme puissante et intelligente arrivée à la tête
d’une entreprise de robotique new-yorkaise à force de courage et d’abnégation,
se cache une vie trop rangée entre un mari metteur en scène débordé et deux enfants
engoncés dans leurs archétypes de fille modèle et de fille hors norme. Le
parfait modèle familial américain qui ne demande qu’à exploser sous le poids
des conventions.
L’irruption d’un stagiaire entreprenant va obliger Romy à prendre
conscience de cette mascarade tout en réveillant en elle des désirs qu’elle
pensait oubliés à jamais.
Et c’est bien de désirs féminins dont il est question
ici, désirs le plus souvent ignorés ou inassouvis, relégués au second plan d’une
vie où les conventions prennent le pas sur une sexualité que l’on rêverait plus
libre. Alors que la vie de Romy n’est que luxe et volupté, la séquence où tout
bascule avec Samuel se déroule dans une chambre d’hôtel miteuse, projection
inconsciente de ses désirs jugés trop déviants pour être exposés au grand jour.
Loin de tomber dans les méandres d’un énième thriller sulfureux avec manipulation
et chantage à la clef, la réalisatrice Halina Reijn filme au contraire ses
personnages avec une bienveillance d’abord suspect, on se demande à quel moment
Samuel ou Romy vont dévoiler leur véritable personnalité et précipiter le
drame, avant de comprendre que rien de tel se va se passer. Babygirl est d’abord
et avant tout le portrait d’une femme qui a trop longtemps ignoré ses pulsions
et qui, arrivée au sommet du pouvoir, assume enfin sa propre sexualité.
Si le
film aurait gagné en audace, la mise en danger de Nicole Kidman reste tout de
même très relative et moins spectaculaire que la mise en abime de Demi Moore dans
The substance, sans compter que les scènes de sexe demeurent assez soft pour un
film qui entend prendre le sujet du désir féminin à bras le corps, Babygirl n’en
reste pas moins un essai courageux et trop rare sur un thème encore largement
sous-exploité.
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