samedi 14 septembre 2024

Kill

Après la vague du cinéma asiatique de ces vingt dernières années, c’est au tour du cinéma indien de se frayer un chemin vers les salles hexagonales, et plus largement européennes, avec une démesure qui n’a de cesse de nous surprendre. 
Loin des films d’actions débridés et des comédies romantiques chantées et dansées emblématiques de Bollywood, ce nouvel ovni du cinéma d’action reprend des recettes largement exploitées pour dérouler un scénario réduit à sa plus simple expression et laisser libre cours à un déluge de violence non-stop. 
Un train pris en otage par des dizaines de bandits, des membres des forces spéciales parmi les passagers et c’est parti pour une heure quarante-cinq de nuques brisées, de strangulations, égorgements, et de membres fracassés. 
On aurait pu s’attendre à une énième variation autour d’un Piège de cristal indien ou d’un The raid ferroviaire, mais nous sommes à Bollywood et ça change tout.
Alors que le héros met en charpie une quarantaine d’adversaires à mains nues dans des déluges de sang, il se refuse à la moindre embrassade avec sa promise d’une chasteté des plus intransigeantes. 
Alors que les bandits font des efforts conséquents, mais vains, pour paraitre le plus méchant possible, ils semblent tous issus de la même famille, abordent de sympathiques têtes de vendeurs de naan et appellent leur chef tonton. 
En choisissant le décor confiné d’un train comme lieu unique de l’action, le réalisateur, s’il exploite plutôt intelligemment les espaces confinés pour orchestrer ses affrontements, s’épargne aussi les chorégraphies martiales exigeantes qui restent la marque de fabrique du cinéma d’action asiatique. 
Affaibli par un scénario quasi inexistant et une interprétation plus qu’approximative, Kill compense par une explosion quasi ininterrompue de violence dans sa seconde partie et le film prend alors un tour inattendu lorsque les bandits deviennent les proies terrifiées d’un vigilante ultra violent dans une inversion des rôles plutôt osée.
Excessif dans ses poussées de romantisme contrarié comme dans sa célébration d’une violence débridée, Kill demeure une curiosité à découvrir mais qui restera sur le perron du panthéon des films d’actions.

dimanche 8 septembre 2024

Beetlejuice Beetlejuice

Il aura fallu attendre 35 ans pour que Tim Buron donne une suite à son mythique Beetlejuice et 5 ans pour qu’il renoue avec le grand écran après une série de films plus ou moins inspirés. Bonne nouvelle, Beetlejuice Beetlejuice marque le grand retour du plus gothique des réalisateurs américains au meilleur de sa forme. 
Suite directe du premier opus de 1988, ce Beetlejuice nouvelle formule, s’il multiplie les références à l’épisode original, n’en oublie pas moins d’embarquer une nouvelle génération de spectateurs avec des personnages inédits parmi lesquels Jenna Ortega, déjà habituée de l’univers du réalisateur depuis la série Mercredi et dans un rôle d’ailleurs assez proche, Monica Belluci, nouvelle égérie de Tim Burton, Justin Theroux incarnant un bellâtre trop mielleux pour être honnête et Willem Dafoe qui s’amuse comme un fou avec son personnage d’acteur décédé habité par son rôle de flic dur à cuire. 
C’est d’ailleurs le maitre mot de ce Beetlejuice Beetlejuice, la joie communicative que les acteurs de la première heure, Michael Keaton, Winona Ryder et Catherine O’Hara, comme les nouveaux venus insufflent à un patchwork surréaliste qui donne lieux à une multitude de scènes tour à tour drôles, touchantes, anticonformistes ou franchement gore mais toujours habitées par cet esprit frondeur qui reste la marque de fabrique de la franchise. Parmi ces moments épiques, la renaissance de Dolores incarnée par une Monica Belluci revisitée en fiancée de Frankenstein restera l’une des plus réussie de la filmographie pourtant bien fournie du réalisateur. 
Alors que le film s’ouvre sur un long travelling rythmé par le score reconnaissable entre mille du toujours fidèle Danny Elfman, les morceaux de bravoures s’enchainent les uns après les autres pour notre plus grand plaisir, et même si les thèmes les plus familiers du réalisateurs sont passés à la loupe (les banlieues américaines, la paternité, la mort, la religion, les histoires d’amour vénéneuses et un amour inconditionnel pour les laissés pour compte), on retrouve avec une joie sincère le plaisir partagé d’un réalisateur que l’on pensait trop vieux pour ces conneries. 
Beetlejuice Beetlejuice ne révolutionne en rien l’univers de Tim Burton mais il prouve si besoin est que la créativité de son auteur est bien vivace et que son plaisir de filmer est plus communicatif que jamais.

dimanche 1 septembre 2024

La nuit se traine

Bruxelles, la nuit. Une chanson de Petula Clark, une ville en ébullition, des manifestations Black Live Matters, des flics ripoux, des gangsters sur les dents, un sac d’argent dans la nature, une rencontre fortuite et au milieu de tout cela Mady, serrurier de nuit qui ouvre la mauvaise porte à la mauvaise personne. 
Coincé par une mystérieuse jeune fille et des malfrats nerveux, Mady a une nuit pour retrouver l’argent disparu et sauver sa peau. Pendant ce temps la colère gronde dans les rues de la capitale belge. 
Calvaire, Bullhead, Alabama Monroe, … Le cinéma belge n’en finit pas de se renouveler avec une énergie communicative et cette patte unique où le quotidien se perd dans des méandres insoupçonnés et nous entraine à la suite de personnages attachants parce que profondément crédibles dans des périples dont on ne ressort pas indemnes. 
Thriller sous influences, La nuit se traine, s’il n’entend pas révolutionner le genre, s’appuie sur une réalisation soignée et une impeccable direction d’acteurs pour nous embarquer dans une course sans temps morts au coté de Jonathan Feltre, omniprésent et impressionnant de réalisme dans le rôle d’un authentique gentil entrainé malgré lui dans un monde interlope dont il ne maitrise pas les règles. 
En refusant la carte ouvertement politique, le mouvement Black Live Matters n’est qu’une toile de fond pour l’intrigue principale, le réalisateur se concentre sur son histoire dont l’intrigue nous amène vers un dénouement peut être un peu candide mais en parfaite cohérence avec la psychologie de ses personnages. 
Sans manichéisme, même les salauds ont des raisons d’agir comme ils le font, ni sensationnalisme, Michiel Blanchart marque d’une pierre blanche l’univers pourtant déjà riche du polar urbain. 
La nuit se traine mais le film ne nous lâche pas une seule seconde et le refrain de Petula Clark raisonne encore lorsque l’écran s’éteint.