Un accident de voiture doublement traumatisant (c’est papa au
volant), une plaque de titane vissée sur le crâne, il n’en faut pas plus (mais
pas moins) pour transformer une horripilante gamine en danseuse mutique et
tueuse en série à ses heures perdues. Alors lorsqu’elle croise le chemin d’un
père à la recherche de son fils disparu depuis dix ans, les choses prennent une
tournure pour le moins inattendue.
Qui trop embrasse mal étreint. On connaissait
les qualités de mise en scène et les références au cinéma de genre de Julia
Ducournau depuis son premier film, Grave, l’histoire limpide, certains diront
simpliste, du réveil à la sexualité d’une jeune fille dont la vraie nature issue
d’une longue tradition familiale s’avère pour le moins complexe à gérer. Des
références, Titane en regorge. On y croise pèle mêle Crash pour la symbiose
entre la chair et le métal, Baby Blood pour la grossesse monstrueuse, Martyrs
pour le massacre collectif et le giallo en général pour les meurtres à l’arme
blanche et son gout prononcé pour les lumières colorées. Pour ce qui est de la
lisibilité de la trame, c’est une autre histoire.
Passant d’une piste à l’autre
et multipliant les directions narratives, la réalisatrice s’amuse à mélanger
les genres (hyper féminisée au début, Alexia se voit progressivement dépouillée
de tous ses attributs féminins, au sens figuré comme au sens propre) et les
représentations sexuelles (des femmes alanguies nettoyant des voitures en
maillot de bain devant le regard bovin des mâles hétéros jusqu’à l’imagerie
porno gay du bal des pompiers et la dance lascive d’Alexia redevenue femme sous
les regards désapprobateurs de ses camarades de caserne).
Bourré d’allégories et
d’interprétations possibles que l’on se fera un plaisir de commenter un verre
de Spritz à la main, Titane n’a de cesse de dérouter. Formellement maitrisé et impeccablement
filmé malgré une musique beaucoup trop démonstrative, alors que l’usage des
chansons illustre parfaitement le propos du film, Titane explore trop de pistes
qu’il laisse en chemin en compagnie d’un spectateur rapidement perdu. Alors oui
les scènes pensées pour être choquantes le sont, mais on est loin de la
dépravation morale et physique d’un Golden Glove ou Henry, portait d’un serial
killer pour ne citer qu’eux.
Julia Ducournau n’est pas David Cronenberg et,
outre le mérite de sortir un film comme celui-ci en France et de se faire
reconnaitre par ses pairs, force est de constater que la magie n’opère pas. Grand
film malade ou exercice de style un peu vain et poseur, le temps fera son œuvre
d’oubli ou de réhabilitation. Mais quoiqu’il en soit on sera là pour le prochain
film de Julia Ducournau.