Film de procès, enquête et chronique des ravages du temps sur les sentiments partagés et l’urgence de la création, le nouveau long métrage de Justine Triet met à nu les relations complexes entre un homme et une femme suffisamment amoureux pour concevoir un enfant, à moins qu’ils ne chérissent à travers l’autre le reflet de leur propre vanité, un égo un peu vain dont il ne reste plus qu’un champ de ruines.
Dés la scène d’introduction la réalisatrice choisit un prisme sensitif pour raconter son histoire dont les multiples points de vue passeront forcément par une approche visuelle, tactile ou auditive. Justine Triet débute son film par une éprouvante interview interrompue par une musique agressive et tellement envahissante qu’il faudra mettre fin à l’entretien. La tension s’installe et ne nous quittera plus tout au long de ces deux heures trente de relations conflictuelles d’abord sous-jacentes, et de non-dits entre Sandra et Samuel. Et il s’agit bien de mots puisque les deux amants ne se touchent plus depuis l’accident qui a failli couter la vue à leur fils Daniel.
Des mots encore lors d’une éprouvante et spectaculaire scène de dispute retranscrite sur un enregistrement audio, des paroles qui mèneront à des actes violents, inéluctables et sans retour possible en arrière. De plaidoiries en témoignages, le film avance d’un pas dans la résolution de l’enquête et recule de deux lors de l’audition de témoins indirects puisque la seule personne présente lors du drame était Daniel dont la vue déficiente et son déchirement entre ses deux parents le cantonnent à une interprétation des faits et une nécessaire bien que douloureuse prise de position. N’oublions pas non plus la présence du chien Snoop qui, s’il n’est pas amené à témoigner, contribuera bien malgré lui à l’avancée de l’enquête.
Dissection d’un couple donc, mais aussi et surtout réflexion sur la responsabilité de nos choix (celui de Daniel, celui des jurés), Justine Triet signe un film captivant et d’une maitrise totale en jouant sur l’inversion des genres (celui qui réussit dans le couple, celui qui est violent n’est pas forcément l’homme), une bande son intelligemment travaillée et une approche singulière de la place de la caméra (les scènes vues à hauteur du chien).
Anatomie d’une chute réussit le pari de nous captiver pendant deux heures trente, de bousculer nos certitudes et nous laisse interrogateur sur le dénouement d’une affaire aux nombreuses parts d’ombre. Sans aucun doute la marque d’un grand film.
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