samedi 29 juillet 2023

La main

A première vue rien ne distingue La main des productions horrifiques à base d’adolescents et d’une malédiction encombrante dont il faudra bien trouver le moyen de se débarrasser. A première vue seulement, car cette production australienne se montre beaucoup plus tordue et hargneuse que la grande majorité des films d’horreur calibrés qui envahissent nos écrans à longueur d’année. 

Après la traditionnelle scène choc d’ouverture, pour le coup réussie, la présentation des personnages principaux et quelques séquences de possession suffisamment fun pour alimenter les réseaux sociaux, survient le premier grain de sable dans l’engrenage et une descente aux enfers pour Mia, son amie Jade et surtout Riley, le petit frère de cette dernière qui, possédé par des esprits revanchards va donner lieu aux scènes les plus éprouvantes du film. 

Car les frères Philippou n’y vont pas par quatre chemins pour illustrer le calvaire d’un gosse dont le seul tort est d’avoir voulu expérimenter une expérience avec l’au-delà. 

Alors que la plupart des scénarios enchainent les séquences horrifiques et sacrifient des personnages stéréotypés avant que l’héroïne ne parvienne à rompre le cycle mortifère, La main instille un climat dérangeant, que ce soit au travers des parents (la mère de Jade complètement parano ou le père de Mia perçut dés le début comme une menace potentielle au cours d’une scène filmée en champ contre champ lourde de sous-entendus), du rapport au sexe à travers le petit ami de Jade refusant toute étreinte sous couvert de principes religieux mais au centre de scènes pour le moins perturbantes lors des possessions ou des cauchemars de Mia (au choix, une pelle baveuse roulée à un chien, une séquence onirique de léchage d’orteils) ou de la représentation d’un cas de possession avec des automutilations que n’aurait pas renié William Friedkin sur le tournage de l’Exorciste. 

Parfois maladroit dans son approche des personnages et moins pertinent que Ring ou It Follow pour illustrer la viralité du danger, ici réduit à quelques vidéos sur les réseaux sociaux, La main refuse cependant tout manichéisme et se révèle une bonne surprise dans un paysage horrifique qui a tendance à répéter à l’envie les mêmes formules convenues.

mardi 25 juillet 2023

Oppenheimer

Si ce sont les petites histoires qui font la grande, c’est bien cette dernière qui intéresse Christopher Nolan, la grande marche de l’humanité tissée de destins individuels remarquables ou méprisables, lâches ou téméraires dans toute la complexité de l’être humain et un penchant presque irrépressible pour l’autodestruction.  

Car Oppenheimer est moins un biopic sur le physicien maitre d’œuvre du projet Manhattan que le portait au long cours d’une Amérique sur le point de devenir la première puissance atomique mondiale. 

Menacés par l’Allemagne nazie, attaqués par le Japon impérial, les États Unis se jettent à corps perdu dans une course contre la montre pour brandir avant tout le monde une menace telle que plus aucun pays ne se risquera à déclarer de guerre. C’est du moins la conviction des scientifiques menés par J. Robert Oppenheimer, personnage trouble et complexe partagé entre ses sympathies communistes, sa dévotion à la physique et son attachement à un pays qui voit en la Russie sa prochaine Némésis. 

Et c’est bien cette Amérique rongée par un anticommunisme primaire qui intéresse le réalisateur, davantage qu’un homme dont en ne fait qu’entrevoir la vie privée, entre des enfants geignards, une maitresse instable et une femme alcoolique, et dont les motivations profondes restent finalement assez confuses. 

Moins labyrinthique que Tenet ou Inception, Oppenheimer lâche pourtant la main de ses spectateurs, tenus de se débrouiller par eux même entre une profusion de personnages de premier plan et des sautes chronologiques rythmées par une alternance entre couleur et noir et blanc selon le point de vue des protagonistes.

Servis par un casting de premier plan, le film aurait gagné à davantage de pédagogie pour entrer dans le cœur du réacteur, celui de la fabrication de la première bombe atomique qui modèlera à tout jamais un équilibre mondial basé sur la dissuasion au prix de plusieurs centaines de milliers de morts. Et si pour une fois les scientifiques avaient raison ?

vendredi 14 juillet 2023

Mission Impossible : Dead Reckoning Part 1

Septième opus et dernière ligne droite de la saga Mission Impossible, cette première partie de Dead Reckoning puise dans ses derniers ressorts scénaristiques pour confronter Ethan Hunt et sa bande à leur mission la plus périlleuse, une de plus. 

Exit le terrorisme climatique ou le chantage nucléaire, c’est maintenant à l’intelligence artificielle qu’est confronté l’espion le plus secret des États Unis et, puisqu’il faut bien incarner la menace de façon plus concrète, à une ombre venue du passé qui a fait de lui ce qu’il est devenu, un fantôme au service de sa propre cause. 

Car plus qu’aucune autre série, Mission Impossible se définit par rapport à sa star inconditionnelle sans laquelle elle se saurait exister. Contrairement à un James bond en butte à sa personnalité complexe (alcoolisme, brutalité, misogynie), Ethan Hunt ne présente d’autre défaut qu’une omniprésence et une obsession du contrôle qui n’est pas sans rappeler un certain Tom Cruise. 

Une fois ce préalable accepté, chaque épisode apporte son lot de cascades plus impressionnantes les unes que les autres, d’intrigues tarabiscotées et d’une générosité en termes d’action qui fait passer presque trois heures de film comme une lettre à la Poste. 

Si Dead Reckoning se veut plus méta que ses prédécesseurs (l’agent de la CIA aux trousses d’Ethan Hunt qui ne cesse de tirer sur le visage des suspects pour vérifier qu’ils ne portent pas de masques) et accorde une place plus importante aux personnages féminins, toujours dans l’ombre de sa star principale, cet avant dernier épisode reprend scrupuleusement le cahier des charges qui a fait le succès de la saga. D’une scène à l’aéroport superposant trois intrigues en simultané à une séquence finale à bord de l’Orient Express au découpage millimétré en passant par une poursuite en voiture d’une lisibilité exemplaire dans les rues de Venise, Dead Reckoning ne faillit jamais et s’impose comme l’un des blockbusters les plus attendus de l’été. 

Dans cette mécanique aux rouages parfaitement huilés, on retiendra le personnage de Paris interprétée par la franco-québécoise Pom Klementieff, une tueuse charismatique un peu sous exploitée mais que l’on risque de recroiser dans le dernier épisode de la saga. Souhaitons-lui le même succès qu’Ana de Armas qui, l’espace d’une scène mémorable, éclipsait le pourtant charismatique Daniel Graig dans Mourir peut attendre.

lundi 3 juillet 2023

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée

Copland, Walk the line, Logan, il n’existait surement pas de réalisateur plus adapté que James Mangold pour se confronter au mythe Indiana Jones et lui offrir une sortie digne de sa légende. Il faut croire que certains fantômes doivent reposer en paix et qu’il vaut mieux éviter de trop les solliciter. 

Indiana Jones et la Cadran de la Destinée débute par une scène de poursuite à bord d’un train filmée de nuit avec un éclairage approximatif et une photographie d’une laideur confondante. Du rajeunissement numérique d’Harrison Ford aux dialogues bancals on commence à ressentir une gêne qui ne se démentira jamais tout au long de ces interminables deux heures trente. 

Partagé entre le respect du mythe et une volonté louable de gagner son identité propre, le réalisateur n’arrivera jamais à produire autre chose qu’une pâle copie de la trilogie originale (passons sous silence un quatrième opus au mieux gênant). La scène de la vente des objets d’art fait écho au cabaret du Temple maudit sans en retrouver l’énergie ni l’inventivité, la séquence d’introduction louche en vain du côté de la Dernière Croisade et le très dispensable adolescent qui colle aux basques d’Helena Shaw n’est que la pauvre imitation de Demi-Lune. 

Pourtant le film comporte quelques bonnes idées dont les deux principales restent le choix de Phoebe Waller-Bridge en ersatz débridé de notre archéologue préféré et un final qui assume à fond l’argument fantastique jusque là effleuré dans les précédents opus. 

Si Harrison Ford ne démérite pas en professeur fatigué et si les principales figures du passé reviennent pour un dernier tour de piste, la magie n’opère plus et on se prend à bailler et à regarder d’un œil distrait les vaines gesticulations de nazis de pacotille et de héros qui n’y croient plus vraiment. Comme le dit si bien Indy, sa place est dans un musée.

samedi 1 juillet 2023

Farang

La vengeance peut-elle engendrer autre chose qu’une spirale de violence et de mort ? 

Dés sa sortie probatoire de prison, Sam se retrouve rattrapé par son quartier qui lui colle aux semelles comme un chewing-gum en plein cagnard. La France ne lui offrant plus aucune issue, il fuit en Thaïlande pour s’inventer une nouvelle vie. Mais une fois encore son passé resurgit en la personne de Narong, un parrain local aux ramifications tentaculaires. 

Après une courte collaboration avec Gareth Evans sur la série Gangs of London, Xavier Gens a retenu ce qui faisait la force de la nouvelle coqueluche du cinéma d’action : une chorégraphie millimétrée des scènes d’actions, des combats à mains nues, à l’arme blanche ou des fusillades à bout portant brutales et pourtant limpides dans leur déroulé, des décors exigus (un ascenseur pour l’une des séquences les plus spectaculaires du film, un hôtel de passe, un long couloir dans un entrepôt désaffecté) théâtres de confrontations plus gores les unes que les autres. 

Mais si le film monte en puissance jusqu’à un final presque surréaliste de sauvagerie, le réalisateur français n’en oublie pas pour autant d’installer ses personnages et de les faire exister au-delà de leur statu de victimes ou de bourreaux. 

Fort du constat que plus on prend le temps de s’attacher aux protagonistes, meilleur sera l’impact émotionnel de ce qui pourra advenir par la suite, Xavier Gens fait de son personnage principal un homme taiseux perdu dans une société dont les codes et la langue lui échappent, un invisible cumulant plusieurs boulots et acceptant de perdre ses matchs de boxe en échange d’une rallonge, un fantôme à la recherche d’un bonheur hypothétique qui ne cesse de lui échapper et qui semble marqué au fer rouge par un destin funeste. 

Exploitant au maximum son environnement (la prostitution infantile est glaçante et les rues de Bangkok avec ses ladyboys sont criantes de vérité), Xavier Gens réalise un polar implacable qui, s’il n’est pas d’une folle originalité dans son approche du genre, tutoies les meilleurs films d’actions de ces dix dernières années en termes de mise en scène et de chorégraphie martiale.