samedi 3 février 2018

Sparring

La boxe comme métaphore de la vie. 
L’approche n’est pas nouvelle, le noble art ayant inspiré le cinéma depuis de nombreuses années, pour le meilleur et parfois pour le pire. Comment alors se faire une place dans le panthéon des films de boxe, entre Rocky, Raging Bull et Million Dollar Baby quand on signe son premier long métrage en France ? Avec une sincérité et une justesse de ton à toute épreuve. 
Et c’est bien ce qui définit le mieux Sparring, la justesse. Justesse d’un scénario au cordeau évitant tous les pièges du misérabilisme, justesse des dialogues, des personnages portés par une pléiade d’interprètes en parfaite osmose les uns avec les autres. Justesse enfin d’une réalisation à hauteur d’hommes, et de femmes, pour servir cette histoire, non pas de rédemption, mais de combats ordinaires menés sur le ring ou ailleurs. 
Habité par la fausse nonchalance d’un Mathieu Kassovitz rarement aussi bon que dans ce rôle d’un boxeur quarantenaire, Steve Landry est un prolétaire du ring, un combattant ayant plus de défaites que de victoires à son palmarès, un boxeur qui revient malgré les ko et les humiliations. Mari et père de famille, Steve rêve comme tout un chacun d’un avenir meilleur pour ses enfants. Au point d’accepter de jouer le sparring pour un champion en passe de disputer un match décisif pour les championnats d’Europe. 
Si la boxe joue un rôle central dans le film, Samuel Jouy décide pourtant dès le début de changer son point de vue. A quoi bon se frotter aux plus grands films de boxe alors que tout ou presque à déjà été montré en matière de combat ? Non, le vrai combat, Samuel Jouy va le traquer en dehors du ring, dans le quotidien de cette famille extraordinairement proche de nous, dans ses difficultés quotidiennes ou ses relations avec leurs enfants. Preuve en est l’incroyable impasse faite sur le match du champion à la fin du film. Le principal se trouve ailleurs, dans la combativité de Steve et cette détermination sans faille qui lui fera enfin frôler le boxeur qu’il aurait pu être. 
Sensible et pudique à la fois, le film acquiert une dimension d’autant plus universelle qu’une fois encore le réalisateur contextualise son histoire dans le milieu de la boxe sans pour autant se focaliser sur ce qui en temps normal constitue le point d’orgue de l’intrigue, à savoir le combat final. 
Alors que la professeure de piano de sa fille lui fait remarquer que la musique et la boxe sont deux choses bien différentes lorsque Steve lui demande si elle a le « truc » (Rocky aurait parlé de l’œil du tigre), le dernier plan du film vient contredire cette réflexion à l’emporte-pièce en assimilant chaque épreuve à un combat. Steve vient à deux reprises dans la chambre de ses enfants après ses matchs, et à deux reprises sa fille lui demande s’il a gagné. Sa première réponse (« presque ») résume à elle seule sa vie entière. Sa deuxième réponse muette éclaire cette même vie d’une lumière salvatrice.
Alors oui, Sparring fait la part belle aux perdants. Une victoire tient souvent à peu de choses et au final les deux adversaires ont sué sang et eau sur le même ring pendant leur combat. Tarek, le champion entrainé par Steve lui demande pourquoi il continue après trois ans sans une seule victoire. Sa réponse est sans appel. « Pour que des mecs comme toi puissent exister il faut aussi des mecs comme moi ». 
Sparring magnifie ces perdants qui, à défaut de talent ou de moyens, se battent jusqu’au bout pour garder la tête haute et faire briller le regard de leurs enfants. Sparring est un bien joli film.

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