mercredi 13 août 2014

Colt 45

L’intrusion du réalisateur de Calvaire dans l’univers ultra codifié du polar ne pouvait que susciter au minimum une curiosité légitime doublée d’une forte envie de découvrir ce que ce réalisateur atypique pouvait faire dans ce domaine. 
L’histoire prend place en pleine guerre des polices, un conflit latent opposant deux hommes et deux services. D’un côté le commandant Chavez de la BRB, de l’autre, le commandant Denard de la BRI. Au centre, Vincent Milès, orphelin protégé par les deux hommes, armurier et instructeur de tir à la Police Nationale, et jeune prodige en tir de combat. Sa rencontre avec Milo Cardena, un flic étrange sorti de nulle part, va l’entrainer dans une spirale de violence dont personne ne ressortira indemne. 
A première vue, avec son scénario linéaire, ses personnages taillés à la serpe et son intrigue ramassée sur moins d’une heure trente (un exploit vue la durée moyenne des films actuels), Colt 45 s’apparente à un polar efficace mais classique et balisé. En apparence seulement. Car derrière sa violence sèche et son final cynique, le film s’inscrit dans la continuité des thèmes chers à Fabrice Du Welz. 
En effet, Colt 45 reprend, à quelques détails près, une trame similaire à celle de Calvaire. Un jeune homme innocent et un peu candide (chanteur de variété dans Calvaire ou armurier dans Colt 45) se retrouve plongé dans un monde de violence et de perversion qui va le transformer de façon irréversible. L’univers des deux films est essentiellement masculin, le seul personnage féminin que nos deux héros vont croiser étant amené à disparaitre rapidement, au sens propre ou au sens figuré. Brigitte Lahaie qui symbolise la maitresse dans Calvaire se superposant à Alice Taglioni en mère de substitution dans Colt 45. Car si Calvaire n’était autre qu’une histoire d’amour pervertie et extrême, le thème récurrent de Colt 45 demeure la recherche du père. Un père par défaut symbolisé tour à tour par les personnages de Gérard Lanvin et Simon Abkarian, voire même de Joey Starr. Un père qu’il faudra tuer inconsciemment pour accéder au monde adulte et renaitre sous une autre forme. Et de fait, le personnage interprété par l’excellent Ymanol Perset est physiquement et psychologiquement différent au début et à la fin du film. 
Fabrice Du Welz réussi donc à livrer un film d’action efficace en s’entourant d’une solide distribution. Du trop rare Simon Abkarian aux inoxydables Philippe Nahon et Jo Prestia, le réalisateur sait comme personne peupler ses films de vrais gueules et donner corps à des personnages dotés de véritables personnalités. Collant au plus près à la réalité du terrain (les assauts sont orchestrés par la BRI, les hommes de la BRB n’intervenant qu’après, la solidarité ou les rivalités entre les différents services), filmant des personnages qui sont loin d’être binaires (le commandant Chavez préfère fuir devant les hommes de Denard plutôt que de provoquer une autre bavure), Fabrice Du Welz réussit son intrusion dans un genre qu’il n’avait jusque-là jamais abordé sans pour autant se renier.

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