Qu’importe, nous ne sommes pas là pour voir un film X mais la dernière création d’un réalisateur qui, malgré ou grâce à sa personnalité complexe et ses multiples provocations, restent passionnant à suivre. L’histoire commence avec la rencontre imprévue entre Joe, une jeune fille retrouvée battue et inconsciente en pleine rue par Seligman, un vieil homme solitaire qui la recueille chez lui pendant quelques heures. Le temps pour Joe de lui raconter son histoire, celle d’une jeune fille qui se considère elle-même comme un être mauvais, égoïste et nymphomane. Nous y voilà, car c’est là le centre névralgique du film tel que l’on nous l’a vendu, la nymphomanie et son cortège de relations sexuelles débridées. Mais est-ce bien là l’essence même du film ?
Ce qui frappe en premier au bout de ces deux premières heures, c’est, outre le talent du réalisateur plus manipulateur que jamais dans sa manière de mettre en scène les situations les plus triviales et de les raccorder à de pseudos éléments culturels, le vide absolu de Joe. Rarement un cinéaste aura décrit de façon plus criante de vérité une personnalité aussi dénuée de sentiment que le personnage incarné simultanément par Stacy Martin et Charlotte Gainsbourg. Au bout de deux heures passée en sa compagnie, et alors qu’elle est présente dans presque tous les plans, on se rend compte que l’on ne sait rien, ou presque, de cette fille et que l’on n’a développé aucun affect pour elle. Joe ne manifeste de sentiment qu’à deux moments, lorsqu’elle admet être amoureuse de Jérôme, et lors de la mort de son père. Mais même à ces moment-là, il nous est extrêmement difficile d’être en phase avec elle et d’éprouver ne serait-ce qu’un début de compassion. Joe est comme une coquille creuse qui tente de combler un vide abyssal par des expériences sexuelles à la chaine. Cette addiction aurait pu être tout autre (alcool, drogue, nourriture,…) et elle n’est que le symptôme d’un mal de vivre beaucoup plus profond.
Alors oui, le sexe est omniprésent et frontal (l’interdiction aux moins de douze ans est d’ailleurs étonnante), mais ce n’est là qu’un symptôme. Car Nymphomaniac n’est pas une exploration de la féminité comme on a pu le lire, ou un brulot provocateur de plus. C’est le portrait cru d’une personne malade qui cherche vainement dans le sexe un sens à sa vie. Lars von Trier nous démontre une fois de plus au détour de nombreuses scènes qu’il sait filmer les sentiments les plus extrêmes avec force et emmener le spectateur vers des zones d’inconfort total (la mort du père de Joe à l’hôpital est à ce titre insupportable). Il sait aussi jouer avec les images d’une façon que l’on pourra trouver virtuose ou agaçante (la scène d’ouverture sur un morceau de Rammstein ou la scène finale en split screen). Il n’en reste pas moins un artiste qui a encore des choses à dire, même si ces choses sont parfois difficiles à voir ou à entendre.
Manipulateur, génie ou provocateur ? Il est surement un peu tout cela en même temps. Attendons le second volume de Nymphomaniac pour juger de l’œuvre finale.
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