Passé la première heure de film, une question vient immédiatement à l’esprit, celle de la représentation d’une certaine réalité historique à l’écran. On dit que l’Histoire est écrite par les vainqueurs, c’est souvent faux. Preuve en est la vague de films américains sur la guerre du Viet Nam qui a fleuri sur les écrans dans les années 80 et 90. Ce sont les américains, pourtant militairement vaincus, qui ont imposés leur vision de ce conflit au travers de films partiaux ou au contraire très engagés. La même chose se produit aujourd’hui avec le conflit afghan. Quelle serait la version des faits (l’opération Red Wings qui avait pour but d’éliminer un chef de guerre taliban) qui nous est donné à voir aujourd’hui si c’était un cinéaste afghan qui était derrière la caméra ?
La première partie du film de Peter Berg, maitrisé et efficace en diable, nous plonge donc dans le quotidien puis la mission en territoire ennemi de quatre Navy Seals. L’histoire vue du côté américain avec son lot de passages obligés (camaraderie virile, rites initiatiques, fiancée restée au pays, projets d’avenir quand tout cela sera fini,…) est forcément partiale et nous conduit tout droit vers un final héroïque à la gloire des soldats américains piégés par des talibans nécessairement sauvages et sanguinaires. Heureusement il n’en est rien.
Le réalisateur fait basculer son film dans la dernière demi-heure, rendant hommage à l’honneur d’un peuple plus complexe que l’on veut bien nous le présenter, et évitant ainsi le piège grossier de la caricature. Alors que les personnages afghans qui interviennent dans cette dernière partie auraient pu faire l’objet d’un passage éclair justifiant à peine leur présence à l’écran, Peter Berg prend au contraire le temps de nous les faire connaitre, légitimant leurs actions futures qui changeront le cours de l’histoire. Il en résulte que Du sang et des larmes parvient à nous immerger dans la violence des combats rapprochés sans pour autant nous assener un trop lourd couplet patriotique que l’on aurait de toute façon eu du mal à avaler.
Nous sommes encore loin de la finesse et de la maitrise de La bête de guerre, chef d’œuvre injustement méconnu réalisé par Kevin Reynolds en 1988, mettant justement en scène l’affrontement entre les russes cette fois, et les rebelles afghans en 1981. Ces mêmes rebelles dont les enfants, en partie radicalisés, affronteront les soldats américains trente ans plus tard.
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