Il faut le reconnaitre, le pari est de
taille. Mettre les femmes au cœur d’un film où un chef de cartel mexicain
décide de changer de sexe sur fond de comédie musicale avec une actrice elle-même
transgenre, le projet a de quoi décontenancer et pourrait verser dans le
ridicule au moindre faux pas. C’est sans compter la foi inébranlable de Jacques
Audiard dans son entreprise audacieuse et d’un casting aussi à l’aise dans le
drame que lorsqu’il faut chanter la joie de l’amour retrouvé, la révolte face
aux violences faites aux femmes ou le déchirement d’une vie perdue à jamais.
Emilia Perez est un film qui se mérite et dont la montée en puissance se fait
progressivement, par touches émotionnelles et l’entrée en scène de ses
différentes protagonistes.
Zoe Saldana d’abord seule dans une vie étriquée qui,
pour reprendre ses termes, lui laisse un goût de merde dans la bouche et dont la
destinée bascule lorsqu’elle croise le chemin de Karla Sofía Gascón dans le rôle-titre
et de Selena Gomez en pauvre petite fille riche au destin forcément tragique.
Car oui, nous sommes au Mexique, pays des cartels, des violences et des
disparitions dont les femmes sont les premières victimes d’une société encore
profondément machiste. Mais pays de la résilience où tout peut encore arriver
tant qu’il restera des gens debout contre la barbarie.
C’est sur cette dernière
image que se conclut le film, une invraisemblable reprise des Passantes, le
poème d’Antoine Pol magnifié par Georges Brassens et repris par une fanfare de
rue dans un irrésistible élan d’espoir et de ferveur populaire. Exit les personnages
principaux pour laisser place à des anonymes reprenant en cœur cette magnifique
chanson à la gloire des femmes.
A l’image de son personnage central, Emilia
Perez est un film transgenre et profondément viscéral, le réalisateur ayant compris
qu’une chanson touche le cœur aussi bien voire mieux qu’un long discours.
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