samedi 16 novembre 2019

La belle époque

Victor est un vieux con assumé, perdu dans une époque où les communautés virtuelles supplantent les contacts physiques. Il ne comprend plus sa femme, ne supporte plus son fils et passe le plus clair de son temps à fustiger ses contemporains esclaves des évolutions technologiques. Le jour où Antoine, un ami de son fils, lui propose de retrouver l’époque de son choix par le biais d’une reconstitution théâtrale, Victor choisit l’année 1974, le jour où il est tombé amoureux de sa femme dans un café lyonnais. Dés lors, les évènements vont se précipiter, passé et présent se mélangent dans un tourbillon sentimental dont tout le monde sortira changé, pour le meilleur ou pour le pire. 
Loin de l’image de suffisance et d’arrogance qu’il se plait parfois à projeter en public, force est de constater que Nicolas Bedos se révèle avec ce film comme un excellent metteur en scène. La belle époque, loin d’un constat amer sur le thème éculé du « c’était mieux avant » s’inscrit dans la droite ligne des meilleures comédies françaises, portée par des dialogues au cordeau qu’une galerie de comédiens au mieux de leur forme prennent visiblement un plaisir fou à interpréter. 
Mais c’est aussi et surtout dans le montage que le réalisateur impose sa patte et donne à son film ce petit plus indécelable qui le rend si attachant. Maniant les parallèles temporels à la manière de poupées russes s’emboitant les unes dans les autres, Nicolas Bedos impose un rythme soutenu, particulièrement dans la première partie du film comme dans cette scène très découpée des retrouvailles d’Antoine et de Margot. D’engueulades en étreintes, le metteur en scène résume en quelques secondes les relations tumultueuses d’un couple en permanence sur le film du rasoir se nourrissant de ses propres conflits pour avancer. 
Sur le modèle de Tarantino avec Il était une fois à Hollywood, Nicolas Bedos joue sur le personnage de l’acteur interprétant un acteur incarnant lui-même un personnage parfois double (voir à ce propos le rôle de Pierre Arditi) sans pour autant perdre le spectateur, où alors juste le temps de le raccrocher la scène suivante et d’enchainer vers un final profondément émouvant, donnant à Fanny Ardant la pleine mesure de son talent. 
Acerbe et drôle, touchant et déroutant, La belle époque démontre une fois de plus que l’on peut écrire des comédies intelligentes et piquantes sans sombrer dans la caricature grossière ni flatter les plus bas instincts des spectateurs. C’est suffisamment rare pour être souligné et cela fait un bien fou.

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