samedi 9 novembre 2019

Furie

Tout part d’un fait divers, peu banal il est vrai. De retour de vacances, un couple qui avait prêté sa maison à la nounou de leur fils se retrouve à la rue. Leur demeure, confisquée par les nouveaux occupants, ne leur appartient plus. Ni aux yeux de la loi, ni aux yeux d’une administration aveugle et indifférente à une situation aussi absurde qu’inexplicable. 
Ce qui pourrait passer pour un abus de pouvoir prend des proportions insoupçonnées lorsque le père de famille, un professeur d’histoire pacifique et non violent, se retrouve confronté à ses propres contradictions. Car lorsque la société se montre incapable de nous protéger contre les agressions d’autrui, que nous reste t-il sinon la force brute et primitive ? Mais combien sont capables de s’imposer par la force quand des siècles de civilisation ont gommé nos instincts guerriers et nos réactions purement animales ? 
C’est à partir de ce postulat qu’Olivier Abbou déroule sa trame, celle d’un homme incapable de lever la main sur autrui plongé dans un monde où seuls les plus forts imposent leurs lois. Et lorsque craque le vernis de la civilisation, la couleur de peau et son cortège d’à priori ressurgissent et s’embrasent comme des braises couvant depuis trop longtemps sous la cendre. Car Paul Diallo est un homme noir, trompé par sa femme et spolié de ses biens de la manière la plus brutale et injuste qui soit. Alors quand les humiliations se font trop fortes, il n’aura d’autre choix que de se battre sur le même terrain que ses agresseurs avec tout ce que cela comporte comme sacrifice. 
Porté par un pitch intéressant, Furie, malgré les apparences, se révèle d’un conservatisme étonnant. En premier lieu, la maison symbolise tout ce qui fait Paul Diallo, de sa condition sociale à sa sexualité en passant par son identité d’homme. Sa perte, puis sa reconquête, symbolise donc l’essence même de ce qui constitue ce mâle hétérosexuel attaché à ses biens matériel (mais qui ne l’est pas ?) comme à sa virilité piétinée puis retrouvée à grands coups de barre de fer dans la tête. Vient ensuite l’idée première véhiculée par le film, celle d’une société absente qui nous condamnerait à un combat à mort pour la conquête des territoires et des femmes (traitées ici comme de simples objets sexuels). Sans loi ni protection juridique, voilà ce qui arrive et ce n’est pas beau à voir. 
Passé cette idéologie, Furie reste un thriller tendu et efficace jusqu’à un final qui sombre trop souvent dans le grand guignol pour être vraiment percutant, empruntant au passage quelques idées fortes (la lutte à mort pour un logement, l’asphyxie sous film plastique) au traumatisant Dream Home de Pang Ho-cheung. 
Un effort louable du cinéma hexagonal de sortir des sentiers battus du films d’horreur, pas toujours convaincant mais offrant une vision originale de la condition de l’homme moderne, fragile et aseptisé, protégé par une société castratrice mais dont les plus bas instincts ne demandent qu’à ressurgir pour peu qu’on aille les chercher assez loin.

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