Nb : il vaut mieux avoir vu le film avant d'en démonter tous les mécanismes.
Une affiche multipliant les qualificatifs élogieux, un bouche à oreille dithyrambique, une tournée des festivals triomphante, un grand prix à Gérardmer, et puis quoi encore ? Et puis rien, pour une fois tout cela est amplement justifié, et puis c’est tout.
Non pas que It Follows révolutionne le genre, loin de là. Payant un large tribu à l’imagerie de Hideo Nakata (Dark Water, Ring) avec ses apparitions fantomatiques (qu’est-ce que c’est que ces critiques qui parlent de morts vivants ???) et mettant au centre du film une sexualité utilisée aussi bien comme vecteur du mal que comme seule issue possible, le film se retrouve à la croisée de chemins maints fois fréquentés. On aborde en vrac le passage à l’âge adulte, les banlieues pavillonnaires cachant un mal être derrière une façade trop parfaite pour être honnête, l’acte sexuel vécu par les jeunes protagonistes comme une malédiction (sexe -> enfant -> famille -> responsabilités -> carcan).
Réalisé et photographié avec un soin tout particulier, It Follows se démarque de la multitude des films d’horreur mettant en scène des adolescents autant par sa forme que par les thèmes qu’il aborde, et surtout la façon dont il les aborde. David Robert Mitchell soigne chacun de ses plans et oblige surtout le spectateur à une attention constante par la menace même qu’il met en scène. Que ce soit au cours de deux longs plans circulaires ou pendant d’interminables travelling, le réalisateur nous immerge dans une banlieue / une nature d’où va surgir la menace se dirigeant inexorablement vers nous. Où et quand ? Il fait à chaque fois durer le plaisir, nous mettant dans une position d’attente et de constante attention qui nous laisse sur les nerfs, épuisé à la fin du film. Et c’est bien cette empathie dont il use et abuse, ainsi qu’un vrai sens de la mise en scène de purs moment de frayeurs qui font de It Follows une vraie bonne surprise.
Porté par des interprètes qui incarnent totalement leurs personnages et les rendent immédiatement attachants, le film n’en est pas pour autant facile d’approche. Encore une fois, le réalisateur pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, oscillant sans jamais choisir son camp entre une morale judéo chrétienne (le sexe c’est mal) et son exact opposé (il faut coucher pour s’en sortir). Quasiment déserté par les adultes, It Follows traite donc principalement de ce douloureux passage de l’enfance à la maturité et du lot de terreurs que l’avenir peut réserver à ces adolescents. C’est d’ailleurs ce que représente la première apparition de la chose qui va traquer Jay. Celle-ci, attachée à son fauteuil, assiste impuissante à cette menace diffuse qui avance vers elle sans jamais pouvoir lui échapper. Qu’est-ce c’est sinon sa vie d’adulte dont le passage est symbolisé par l’acte sexuel qu’elle vient de consommer ? Et ce n’est pas sa piscine à la forme tellement ronde qu’elle renvoie directement au ventre maternel, piscine qui finira d’ailleurs éventrée, qui parviendra à la protéger de ce qui l’attend.
Multipliant les métaphores (l’eau, symbole de purification mais aussi de naissance est omniprésente, de la pluie à la mer en passant par la piscine ou l’urine qui dégouline le long des jambes de l’une des apparitions) et jouant avec les codes (le personnage qui lit Dostoïevski est aussi celui qui pète et qui mange bruyamment, l’esprit n’ayant de légitimité qu’à travers un corps), David Robert Mitchell nous prouve si besoin était que l’on peut réaliser l’un des films les plus effrayants de ces dix dernières années sans sacrifier pour autant la forme et la teneur de son propos. Alors oui, It Follows mérite toutes ces louanges, et même davantage.
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