Dans un futur peut-être pas aussi lointain que cela, la terre se meurt et devient peu à peu inhospitalière pour des humains qui en ont pompé toutes les ressources. Le seul espoir de l’humanité réside alors dans la conquête spatiale et la colonisation de nouveaux mondes. Plus facile à dire qu’à faire quand cela se traduit par des voyages de plusieurs centaines, voire milliers d’années.
Avec son nouveau film, Christopher Nolan ne se contente pas de jouer avec l’infiniment grand et un espace que l’on devine infini, il s’amuse aussi avec la dimension temporelle. Car Interstellar multiplie les regards et les thèmes abordés, de la cellule familiale à l’humanité entière, de la survie de l’individu à celui de l’espèce, d’un certain message écologiste à une vision toute particulière de l’humanisme selon Nolan.
Formellement irréprochable, le film bénéficie du talent de Hoyte Van Hoytema, le directeur de la photographie qui avait déjà magnifié Her de Spike Jonze, d’un casting solide, si l’on excepte une Anne Hathaway plus crédible en Catwoman qu’en scientifique de la NASA, d’effets spéciaux aussi sobres qu’impressionnants (les vagues gigantesques ou l’environnement futuriste) et comme d’habitude d’une réalisation au cordeau d’un cinéaste qui utilise les sauts temporels aussi bien comme sujets scénaristiques (la scène du retour dans la station de Cooper et Brand après leur excursion sur la planète recouverte d’eau est d’un impact et d’une dimension tragique incroyables) que comme élément de langage cinématographique. Il faut voir Matthew McConaughey au volant de sa camionnette pendant que le compte à rebours de la navette qu’il va piloter quelques mois plus tard s’égrène pour comprendre ce qu’un plan de transition réussi signifie. Mais comme à son habitude, et comme il l’a toujours fait tout au long de sa filmographie, Christopher Nolan privilégie la science-fiction au pur fantastique.
(SPOILER) Là où un James Cameron (Abyss, Avatar) nous aurait proposé une rencontre avec une intelligence extra-terrestre, Christopher Nolan lui est catégorique. Fidèle à l’adage « aide toi, le ciel t’aidera », il nous confirme qu’une aide ne pourra venir que de nous, c’est-à-dire les humains quelques milliers d’années plus tard. Les Autres sont nos enfants qui ont évolués et qui sont capables de nous tendre la main depuis le futur. Certes, mais alors comme à chaque fois que l’on aborde les boucles temporelles, se posent des questions de cohérence. Où donc sont passés ces humains ? Pas sur la Terre qui devient mortelle pour la race humaine. Sur l’un des mondes découverts par les missions Lazare ? Pourquoi alors ne les voient on pas ? Et comment ont-ils réussis à développer une telle technologie, et donc à quitter la Terre, dans la mesure où ce sont eux qui nous donnent la clef pour justement partir de notre planète devenue inhospitalière ? (fin du SPOILER)
Une fois ces questions résolues, il n’en reste pas moins une vision très particulière de l’humanité. Déjà, on peut être un peu sceptique devant l’admiration du réalisateur suscitée par les pilotes de la NASA et le dédain avec lequel il traite les agriculteurs qui sont devenus, les pieds dans la boue, le seul rempart de la population contre des famines massives. Mais prenons un peu de hauteur par rapport aux autres sujets abordés.
Si la question entre la survie de l’individu et celui de l’espèce est passionnante, elle devient vite caduque si l’on considère que l’espèce humaine n’est rien d’autre qu’un ensemble d’individualités avec leur instinct de survie et de protection de leurs proches, réflexes grégaires qui font de nous des animaux dits civilisés et sociaux. Oscillant constamment entre deux visions de l’humanité (l’Homme est capable d’atomiser des populations affamées, de détruire les ressources naturelles sur lesquelles il est assis pour assouvir des besoins sans cesse croissants, mais il est aussi capable de conquérir l’espace et de se sacrifier pour la survie de la race), Christopher Nolan conclue par une vision qui se veut optimiste mais qui n’en reste pas moins effrayante.
Nous sommes seuls dans l’univers, seuls face à nous-même et nous n’avons d’aide à attendre de personne. Une question se pose alors : combien d’années faudra-t-il aux nouveaux colons pour épuiser leur nouvelle planète d’adoption ?
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