De Terminator Renaissance en passant par La route, dont l’univers est très similaire à celui du Livre d’Eli, et en attendant Fury Road, la désolation post nucléaire occupe une bonne partie des écrans, avec plus ou moins de bonheur.
Pourtant, ce Livre d’Eli ne se contente pas d’être un simple film d’action mais propose une approche inédite de ce type d’histoire.
A la confluence de multiples influences, anticipation donc mais aussi western et quête initiatique, le film des frères Hughes dénote aussi bien par le traitement de l’image que par les thèmes abordés.
Dès le premier plan, nous sommes plongés dans un monde ravagé par le biais d’une photographie magnifique aux tons délavés. Les couleurs oscillent entre le marron et le gris, et de multiples plans larges nous font découvrir d’immenses paysages dévastés jonchés de carcasses de voitures abandonnées, de villes désertées depuis des années. Les réalisateurs nous font suivre les pas d’Eli, un homme taciturne qui marche vers l’Ouest. Guerrier accompli et au demeurant indifférent au sort de ses semblables, il constitue un improbable croisement entre le Pale Rider de Clint Eastwood et le Mad Max de Georges Miller. Eli transporte un livre mystérieux vite convoité par Carnegie qui règne d’une poigne de fer sur un semblant de ville reconstituée et peuplée d’une faune peu recommandable.
Car, et c’est une constante dans ce type de film, en l’absence de règle, d’autorité et de tout ce qui constitue une société, l’homme redevient, au sens propre comme au figuré, un prédateur pour son semblable. Au milieu de cette violence, Eli marche inexorablement vers ce qui semble être sa destinée, animé par une volonté et une force quasi divine.
La démarche des frères Hughes de mettre le religieux au cœur de leur histoire est risquée. Il est tentant de voir en Eli un intégriste ne reculant devant aucun sacrifice pour remplir à bien sa mission. Sobrement interprété par un Denzel Washington pourtant peu habitué à ce type de personnage, Eli est investi d’une mission sacrée, celle de protéger et de transmettre la parole de Dieu. Les athées se demanderont si une telle chose est bien souhaitable et s’il ne serait pas plus sage de repartir de zéro. Carnegie ne s’y trompe pas, lui qui voit dans la Bible une arme de manipulation extrêmement puissante. Alors qu’il réussit enfin à s’en emparer, il découvre horrifié qu’il ne peut le lire, tout comme les non croyants ne peuvent voir Dieu.
Les références bibliques sont d’ailleurs nombreuses et l’ont peut voir l’apocalypse nucléaire comme une allégorie du jugement dernier. L’Enfer est désormais sur Terre et Eli est l’un des derniers prophètes qui protège la parole divine.
Formellement, le film est une réussite. Les réalisateurs montrent une réelle maitrise lors des scènes d’actions et de combat, notamment lors de l’attaque de la maison durant laquelle ils nous offrent des plans acrobatiques tout en gardant une parfaite lisibilité de l’action. La rencontre d’Eli et de Solara avec les habitants de la maison est d’ailleurs un model du genre. On passe en quelques minutes du comique à l’horreur lorsque les deux voyageurs découvrent leur secret, puis à l’action pure quand débarque Carnegie et ses sbires.
Il ne manque donc pas grand-chose pour que le Livre d’Eli soit une réussite majeure. Le seul point faible du film est surement le personnage de Solara interprétée par Mila Kunis. Ses vêtements branchés et sa démarche pimpante dénotent dans cet univers de poussière et de sang. On l’imaginerait plus volontiers dans une comédie romantique ou dans un épisode de Sex and the city. La reprise du flambeau à la fin du film est d’ailleurs peu crédible.
On peut aussi déplorer que le potentiel de méchanceté et de folie de Gary Oldman et de Ray Stevenson n’ait pas été plus exploité.
Ceci étant, le livre d’Eli reste un film qui ose s’aventurer dans des voies inédites, quitte à provoquer la controverse, tout en nous offrant un spectacle de qualité, ce qui est déjà beaucoup.
1 commentaire:
J'ai vu le film il y a peu de temps et j'ai très surpris de découvrir un film d'une telle qualité. En effet, en voyant la bande-annonce, je pensais voir un film stéréotype avec des héros et méchants bourrés de testostérone accompagnés d'un scénario tenant sur un timbre. Les scènes de combat sont tout simplement excellentes, l'univers apocalyptique est superbement retranscrit et la fin m'a beaucoup surpris. Bref à voir !
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