jeudi 29 octobre 2009

Copies (presque) conformes 4

Réalisé par George Lucas Avec Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher
Titre original : Star Wars: Episode IV - A New Hope Long-métrage américain. Genre : Science fictionDurée : 2h01 min Année de production : 1977

L’éclat lumineux projeté par Luke et Leia vêtus de blanc contraste avec la noirceur du casque de Dark Vador et l’Etoile Noire en fond, comme une menace qui emplit toute l’affiche. A la manière des illustrations d’heroïc fantasy, Tom Jung e représenté la princesse Leia presque à genoux, en tout cas à un niveau inférieur au chevalier Jedi. Luke brandit son sabre laser au dessus de lui et projette des rayons vers le haut et les cotés, ce qui structure l’affiche avec un point d’équilibre dans le tiers supérieur droit. Le vide laissé dans la partie gauche de l’affiche est comblé par une flottille de vaisseaux qui semblent surgir du casque même de Dark Vador. La fameuse phrase d’accroche en haut à gauche et la typographie du titre qui semble nous conduire vers les personnages sont depuis devenues mythiques.

Réalisé par John Milius Avec Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Max von Sydow
Titre original : Conan the Barbarian Long-métrage américain. Genre : Aventure, Fantastique Durée : 2h09 min Année de production : 1982

Le fond noir de l’affiche est comme un écrin pour l’illustration de Renato Casaro, surement influencé par le travail de Frazetta. Conan est représenté marchant vers nous, l’épée brandi vers le haut, le poing serré, en conquérant. Valéria est agenouillée devant lui, mais dans une position plus guerrière que soumise. Les deux épées forment une ligne qui scinde l’affiche verticalement. Dans le fond, un brasier atténue à peine les teintes sombres du dessin tandis que des vautours laissent présager une scène de bataille. L’accroche en haut à gauche résume tout le parcours et le destin de Conan, de son statu de voleur à celui de roi. Le titre, très graphique, est à lui seul une illustration pour le film.


Verdict : alors que 5 ans séparent la sortie de ces deux films légendaires, il est frappant de constater une certaine parenté dans la manière dont sont représentés les principaux protagonistes. L’affiche de Conan est fidèle aux personnages, elle est inspirée par les dessins de Frazetta et caractéristique de l’imaginaire de l’heroic fantasy. Celle de Star Wars est assez surprenante puisqu’elle reprend les mêmes codes, nous dévoilant un Luke aux muscles saillant et une Leia aux cuisses dénudées. La réalité est tout autre et si Star Wars puise dans de nombreux mythes, la saga reste cependant assez éloignée de l’heroic fantasy.

dimanche 25 octobre 2009

Copies (presque) conformes 3

Réalisé par Sylvester Stallone Avec Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young
Long-métrage américain. Genre : Action, Drame Durée : 1h39 min. Année de production : 1982

Chose peu courante, le titre trône fièrement en haut d’une affiche épurée et réduite à sa plus simple expression. La star du film est Rocky, il n’y a pas à s’y tromper. Les deux adversaires photographiés en noir et blanc sont face à face mais pas sur la même photo. Stallone est au premier plan légèrement de biais, tourné vers le spectateur, alors que Mister T est vu latéralement. Et en effet le film ne se résume pas à un affrontement entre les deux adversaires puisque Rocky affronte également le catcheur Hulk Hogan.





Réalisé par Ron Shelton Avec Woody Harrelson, Antonio Banderas, Robert Wagner
Titre original : Play It to the Bone Long-métrage américain. Genre : Action Durée : 2h04 min. Année de production : 1999

Le film met aussi en scène deux anciens boxeurs qui là sont directement opposés. La phrase d’accroche s’oppose au titre et résume l’intrigue. Par son affiche, le film se présente comme un combat de boxe en confrontant non pas les personnages mais les acteurs eux même. Les couleurs chaudes de l’affiche tranchent avec la froideur de la précédente.


Réalisé par Philip Atwell Avec Jason Statham, Jet Li, John Lone
Titre original : War Long-métrage américain. Genre : Action, Arts Martiaux Durée : 1h42 min. Année de production : 2007

Confrontation frontale entre Jet Li et Jason Statham sur fond de feu qui laisse présager action et bastons. Les visages des deux acteurs emplissent toute l’affiche et le potentiel d’action du film repose uniquement sur leurs filmographies respectives et leur capacité à cogner. Pas besoin d’en rajouter, l’amateur de film d’action comprendra. Une accroche aux airs de dicton asiatique nous laisse entendre qu’il est question de vengeance et qu’il n’y a pas d’issue heureuse pour les deux protagonistes.

Verdict : l’affiche de Rock 3 exploite une photo noire assez froide que l’on ne retrouvera que dans celle de Rocky Balboa (Rocky 6). Celle des Adversaires s’inspire des affiches de boxe ou de catch en confrontant frontalement les deux adversaires. Ce procédé est poussé à l’extrême avec les gros plans de Rogue qui prend le pari risqué d’illustrer un film d’action sans montrer d’armes ni de scènes de combat.

Copies (presque) conformes 2


Réalisé par Tinto Brass
Long-métrage français, italien, ouest-allemand. Genre : Drame Année de production : 1976

Des lettres d’or annoncent à la fois le titre du film et le lieu principal de l’action. La bouche d’une femme maquillée, ses ongles peints et le bâton de rouge à lèvre qu’elle porte à ses lèvres soulignent le caractère sensuel de l’ensemble. Le bâton de rouge à lèvre qui effleure la bouche s’érige comme un sexe en érection. La croix gammée replace le contexte de l’histoire (l’Allemagne nazie) et annonce les thèmes de ce film sulfureux : le pouvoir et la manipulation (la croix gammée) et le sexe (le bâton de rouge à lèvres, les lèvres écarlates et entre ouvertes).

Réalisé par Kim Henkel Avec Matthew McConaughey, Renée Zellweger, Robert Jacks
Titre original : Return of the Texas Chainsaw Massacre Long-métrage américain. Genre : Epouvante-horreur Durée : 1h35 min. Année de production : 1994

Copie presque conforme de la précédente affiche, le bâton de rouge à lèvres est ici remplacé par une lame de tronçonneuse d’où jaillissent des étincelles au contact des lèvres. Alors que l’affiche a de quoi décontenancer l’amateur des Massacres à la tronçonneuse, l'image de Leatherface, directement issu du premier opus, apparait en reflet sur le tube de rouge à lèvre, comme pour mieux nous rassurer et nous confirmer que nous ne nous sommes pas trompé de film. La similitude entre les deux affiches va jusque dans la disposition des noms des deux interprètes principaux en haut et celle du titre qui se superpose aux doigts de la femme.
Verdict : si l’affiche de Salon kitty est une très bonne illustration du film, celle de Texas Chainsaw Massacre : The next generation n’a quand à elle que peu de rapport avec l’univers du film qu’elle présente et risque de décontenancer plus d’un spectateur.

Copies (presque) conformes 1

Réalisé par John Glen Avec Roger Moore, Carole Bouquet, Lynn-Holly Johnson
Date de sortie cinéma : 22 août 1981 Titre original : For Your Eyes Only Long-métrage britannique. Genre : Policier, Espionnage Durée : 2h07 min. Année de production : 1981

Le dessin qui occupe les deux tiers supérieurs de l’affiche obéit au cahier des charges des films de la série des James Bond de l’époque. Une illustration centrale et des scènes d’actions des moments forts du film sur les cotés, délimitées par les jambes de Carole Bouquet. Ces scènes sont d’ailleurs exposées avec une logique qui suit le triangle formé par les jambes écartées. En bas à droite on commence par des voitures, puis des montagnes et enfin on prend de l’altitude avec un hélicoptère. A gauche, on passe des fonds sous marins à un bateau pour finir sur un avion. Roger Moore, dans la posture bondienne par excellence, fait face à une femme que l’on devine aussi belle (tenue légère, talons hauts) que dangereuse (l’arbalète). Aucune phrase d’accroche n’est nécessaire dans la mesure où l’on est en terrain connu (la saga des James Bond).


Réalisé par Abel Ferrara Avec Zoë Lund, Bogey, Albert Sinkys
Date de sortie cinéma : 18 août 1982
Titre original : Ms. 45 Long-métrage américain. Genre : Thriller Durée : 1h21 min. Année de production : 1981

Le texte de l’affiche occupe le quart inférieur, laissant à l’illustration toute sa place pour exprimer le message du film. L’ambiance est résolumment nocturne et urbaine, soulignée par des couleurs sombres. L’agresseur apparait replié sur lui-même, minuscule entre les jambes de la femme. La véritable menace c’est elle, symbolisée par le pistolet qu’elle cache alors que l’homme n’est armé que d’un baton. Les rôles sont clairement inversés mais l’homme n’en a pas encore conscience. L’illustration souligne les principaux thèmes du film. La robe relevée qui laisse voir les bas et le porte jarretelle symbolise l’érotisme et la séduction, un mélange de provocation et d’exposition. Le pistolet et l’iminence de l’agression véhiculent toute la violence de l’histoire, celle d’une jeune femme violée qui décide de supprimer tous les hommes qui s’en prendront à elle. Telle une mante religieuse, elle se sert de ses attraits comme d’un appat, fatal pour ceux qui s’y laisseront prendre. La phrase d’accroche porte toute la dimension sexuelle du film. Les homme sont désignés comme des mâles, agresseurs potentiels de femmes victimisées qui décident de retourner le rapport de force. Le titre du film, rouge et en biais, est comme une balafre sur l’affiche.


Réalisé par Louis Leterrier, Corey Yuen Avec Jason Statham, Amber Valletta, Alessandro Gassman
Date de sortie cinéma : 3 août 2005 Titre original : Transporter II Long-métrage français. Genre : Action Durée : 1h27 min. Année de production : 2004

Le dessin en noir et blanc épuré contraste avec le tiers inférieur de l’affiche illustré par des flammes. L’affiche emprunte aussi bien à Rien que pour vos yeux (le héros armé et en costume qui apparait entre les jambes d’Amber Valleta, les scènes d’actions qui encadrent le titre, la posture de la femme) qu’à l’Ange de la vengeance (les bas et le porte jarretelle). Ici il n’y a pas non plus de phrase d’accroche dans la mesure où c’est le second volet de la série et que nous sommes sensés connaitre le contexte. Modernité oblige (enfin 20 ans après The Killer tout de même !), les protagonistes ont une arme dans chaque main et Jason Statham s’apprête à tirer en bondissant en l’air.
Verdict : l’affiche de Rien que pour vos yeux illustre de manière originale tout en respectant son cahier des charges cette nouvelle aventure de James Bond. Celle de l’Ange de la vengeance est une superbe interprétation des films de Rape and revenge et véhicule toute l’ambiance des films de Ferrara de cette époque (New York deux heures du matin). Le transporteur 2 pompe allégrement les deux premières, sacrifiant ainsi l’originalité au profit de l’efficacité.

Suspiria

Saluons d’abord l’heureuse initiative de l’équipe du festival Court Métrange de Rennes qui nous a permis de redécouvrir le chef d’œuvre de Dario Argento sur grand écran, en présence du passionné et prolixe Alain Schlockoff, actuel rédacteur en chef de l’Ecran Fantastique et directeur du Festival du film fantastique de Paris qui se tenait au Grand Rex et au cours duquel fut projeté pour la première fois en France Suspiria.
Datant de 1977, Suspiria s’inspire d’une histoire que Daria Nicolodi, alors compagne de Dario Argento et mère d’Asia, raconta au réalisateur. Cette histoire lui fut elle-même rapportée par sa mère et concernait une académie de danse qui fut fermée pour cause de pratique de magie noire en son sein.
A partir de cette trame, Dario Argento initie son cycle des trois Mères (Mater suspiriarum, Mater tenebrarum et Mater lachrimarum) dont Suspiria qui met en scène la Mère des Soupirs est le premier épisode. Suivront Inferno en 1980 et Mother of tears en 2007.
Chaque épisode se rapportant à l’une des sorcières se situe dans une ville particulière : Fribourg pour la Mère des Soupirs, New York pour la Mère des Ténèbres et enfin Rome pour la Mère des Larmes. Dario Argento connaissait dès le début la structure de sa trilogie comme en témoigne le premier plan de Suspiria. Alors que Suzy interprétée par Jessica Harper arrive à l’aéroport, le film s’ouvre sur un plan de panneau d’affichage indiquant des vols pour New York et Rome, annonciateurs des deux épisodes qui complèteront le cycle des Mères.
Suspiria constitue le premier pas de Dario Argento vers le fantastique et l’horreur pur. Déjà réalisateur reconnu de giallo depuis 1970 (L’oiseau au plumage de cristal, Le chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris, et Les frissons de l’angoisse), Dario Argento accède avec Suspiria à une reconnaissance internationale, grâce notamment au succès rencontré en France.
L’histoire de Suspiria est relativement simple et linéaire. Suzy est une jeune danseuse américaine qui rejoint la prestigieuse académie de danse de Fribourg. Dés son arrivée, d’étranges phénomènes se produisent, les morts violentes se succèdent et tout semble indiquer que le lieu est le théâtre d’actes de sorcellerie. Le principal intérêt du film réside clairement dans la force de ses images et de sa bande son. Dés l’arrivée de la fragile Suzy à l’aéroport, Dario Argento fait preuve de tout son talent en installant un climat oppressant en quelques plans à priori banals. Les portes coulissantes de l’aéroport, la tempête qui se déchaine dehors associées à la comptine récurrente qui reviendra régulièrement tout au long du film, il n’en faut pas plus pour que Suzy, et le spectateur, ressentent une impression de danger.
Le voyage en taxi et l’arrivée à l’académie ne font que confirmer ce que l’on pressentait depuis le début. Suspiria est un conte, au même titre que les histoires d’ogres et de sorcières des frères Grimm ou de Charles Perrault. L’impressionnante bâtisse aux couloirs interminables, l’éclairage si particulier, avec une prédominance de couleur rouge dans lequel baigne le film, tout nous renvoie aux châteaux et aux forêts de notre enfance, hantés par des forces obscures. Un détail est à ce sujet frappant. Lorsque Suzy a son premier malaise ou quand elle s’approche de l’antre de la sorcière, nous pouvons remarquer que les poignées de portes sont à hauteur de sa tête. Cela la rend encore plus petite, fragile, et accentue l’impression d’être dans la maison de la sorcière.
Outre la maitrise de la mise en scène, Suspiria impressionne encore aujourd’hui par le soin apporté à chaque scène. Des décors de l’académie aux scènes extérieures, des couleurs à la bande son des Goblins, chaque élément concourt à faire de ce film un model du genre. Les scènes de meurtres sont à la fois d’une cruauté incroyable (une jeune femme est poignardée, défenestrée et finalement pendue !) et d’une beauté graphique absolue, à mille lieue des scènes de torture gratuites qui envahissent systématiquement les productions actuelles.
Plus de trente ans après sa réalisation, Suspiria reste un sommet du genre, une œuvre sublime, maitrisée et certainement l’un des plus beaux films de son réalisateur.

mardi 20 octobre 2009

Mary et Max

Mary et Max est un drôle de film, enfin façon de parler.
Entièrement tourné avec des personnages en pâte à modeler animés en stop motion, le film ne comporte que très peu de dialogues, l’histoire étant racontée en voix off. Les décors sont gris, les thèmes abordés sont graves et le ton est résolument grinçant. Pourtant, on sourit tout au long du film pour peu que l’on soit sensible à cet humour noir et désespéré qui caractérise l’ensemble des personnages.
Mary Dinkle est une fillette australienne de huit ans, pas très jolie, un peu trop enveloppée et solitaire. Alors que rien ne l’y prédisposait, elle correspond pendant plus de vingt ans avec Max Horowitz, un juif new yorkais obèse de quarante quatre ans, atteint du syndrome d'Asperger. Au fil de leur correspondance et du temps qui passe, ces deux solitudes vont apprendre à se connaitre, à s’entre aider, se soutenir mutuellement et finalement à s’aimer.
Loin de toute convention, Mary et Max ose aborder des thèmes aussi sérieux que la maladie, la différence (physique, mentale et sociale), la mort, omniprésente dans le film qui ne compte pas moins de six décès, sans compter les poissons rouges. Mais le réalisateur Adam Elliot le fait de manière tellement respectueuse et décalée qu’il en résulte un film dont on ressort heureux.
Ce qui aurait pu être une tragédie sur les destins croisés de deux individus trop différents de leurs congénères pour se fondre dans la masse devient alors un mélange de comédie grinçante, de réflexion sur le droit à la différence et sur la place que la société réserve à de tels individus, sur la fraternité.
Mary et Max est ainsi traversé par des moments magiques et plein d’émotion. Comme cette scène où Max écrit à Mary qu’il est incapable de verser des larmes. La petite fille se met alors à penser à des choses tristes, recueille ses larmes dans une bouteille et les envoie à son ami afin que celui-ci puisse enfin pleurer. Le film est également un festival de situations plus comiques les unes que les autres. Ainsi, les échanges d’idées reçues entre les deux protagonistes sur la manière dont les enfants viennent au monde. Ou les morts à répétition des poissons rouges de Max.
D’un point de vue de l’animation, des décors ou de la musique, le film est également une réussite totale, chaque élément venant servir de façon harmonieuse le projet final. S’il fallait émettre une réserve, ce serait peut être sur la longueur du film qui aurait certainement gagné à être un peu plus court. Ceci mis à part, Mary et Max reste un monument d’émotion, de drôlerie, et une réflexion sur les relations qui unissent les êtres humains.
Le fait qu’un film draine autant de choses de manière aussi belle et distrayante est suffisamment rare pour que l’on ne boude pas son plaisir.

mercredi 14 octobre 2009

La Vida Loca

La sortie de La vida loca suit de peu la tragique disparition de son réalisateur Christian Poveda tué par balles au Salvador le 2 septembre 2009. Nul doute que l’attrait suscité par le film et son impact ne s’en trouvent décuplés.
Il est alors difficile de dissocier les deux évènements et de regarder ce documentaire avec la neutralité qui devrait être de mise pour juger de son intérêt tant le prix qu’a payé son réalisateur est fort.
Christian Poveda nous propose de suivre le quotidien de certains membres de la bandilla 18, l’une des maras qui sévit au Salvador, sur le model des gangs nord américains. Ils sont pour la plupart jeunes, voire très jeunes, sans attache familiale, désœuvrés et pauvres. La mara à laquelle ils appartiennent et dont ils abordent les tatouages sur le corps et le visage leur tient lieu de famille, de cadre social et de raison de vivre. Le quotidien de ces jeunes hommes et femmes est rythmé, comme le film d’ailleurs, par les enterrements de ceux qui sont tombés sous les balles des gangs adverses.
Le réalisateur s’attache à quelques personnages que nous suivons durant des mois. Le passage devant le juge, une opération chirurgicale, les descentes de police, les enterrements, le spectateur passe de l’un à l’autre et découvre des tranches de vie.
Pour traiter son sujet, Christian Poveda choisit clairement l’immersion plutôt que l’investigation. Si ses portraits sont en effets crachant de vérité, dans les moments de joie comme de douleur, il ne fait aucun pas vers une quelconque analyse critique de la situation qu’il nous décrit. Le rôle de la police est ambigu, entre harcèlement et maintien de l’ordre. L’épisode de la boulangerie n’est pas très clair et l’on ne saura jamais si c’était une tentative de réinsertion ou une couverture. Les faits nous sont exposés de façon brute et avec trop peu d’éléments pour que nous puissions avoir une opinion critique sur ce que nous voyons.
Enfin, et c’est plus gênant, les membres de la bandilla 18 nous apparaissent au final plutôt sympathiques à force de partager durant une heure trente leur quotidien et leurs détresses. C’est un peu vite oublier que si la plupart sont les victimes d’un système pervers (absence d’autorité parentale, de valeurs morales et grande pauvreté alors que les maras leurs proposent un cadre, un sentiment d’appartenance et de l’argent facile), ces gangs font subir quotidiennement leurs violences et leurs exactions à la majorité des habitants du pays.
Il est donc dommage que face à un projet aussi passionnant et en ayant réussi se faire accepter et presque oublier par ces jeunes, Christian Poveda ne réalise pas un vrai documentaire d’investigation en prenant un peu plus de hauteur par rapport à son sujet. Seule la dernière scène qui nous laisse deviner un perpétuel recommencement apporte une dimension tragique supplémentaire à une situation qui l’est déjà beaucoup.