lundi 21 octobre 2024

L'Amour ouf

Ils n’auraient jamais dû se rencontrer, et s’aimer encore moins. Elle avec le deuil de sa mère en bandoulière, élève appliquée au caractère bien trempé enfermée avec son père dans une solitude de survivants. Lui et son sourire frondeur, les poings en avant pour frapper avant d’avoir mal, élevé à coups de taloches et du mépris des institutions. 
Entre les docks prolétaires et l’effervescence du lycée, les arrangements minables et les coups foireux, entre le confort d’une vie bourgeoise et les années de taule, Jackie et Clotaire vont se reconnaitre, s’aimer, se perdre et, peut-être, se retrouver. 
L’Amour ouf appartient à ces films généreux et foutraques, vibrant d’un amour sincère du cinéma et mangeant à tous les râteliers, débordant d’une énergie folle et parfois épuisante, mais tellement enthousiasmant qu’on leur pardonne leurs maladresses, au point de se demander si elles ne font pas partie intégrante de la réussite du projet. 
Il n’est pas si courant de sentir vibrer une telle énergie dans une salle de cinéma et, disons-le, encore moins en France. Mariage presque miraculeux entre une réalisation inventive et particulièrement léchée, une bande son délicieusement nostalgique, une distribution absolument impeccable servie par des dialogues au cordeau et une galerie de seconds rôles tout simplement parfaits, le deuxième film de Gilles Lellouche, pourtant adapté d’un roman de Neville Thompson, ressemble à s’y méprendre à la version filmique de l’univers du romancier Nicolas Mathieu. 
On pense notamment à Leurs enfants après eux dans cette chronique d’une adolescence un peu zonarde, Aux animaux la guerre et sa délinquance de province, Connemara, et ce désir toujours prégnant de dépasser sa condition sociale. 
De ce maëlstrom de violence et d’amour entremêlées ressort au final l’espoir d’une vie qui ne se résume pas (seulement) à des aspirations matérielles et cette envie irrépressible de (re)tomber amoureux.

dimanche 20 octobre 2024

Smile 2

De Ring à It Follows, le thème d’une malédiction se propageant de corps en corps a, par son caractère inéluctable et profondément intime, engendré quelques-uns des films les plus effrayants de ces dernières années. Deux ans après le premier opus mis en scène par David Robert Mitchell, le réalisateur Parker Finn reprend une formule identique transposée dans le monde du show-business. 
La psychiatre Rose Cotter traumatisée par le suicide de sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant est ici remplacée par la pop star et ancienne junkie Skye Riley à peine remise d’un accident de voiture qui a couté la vie à son fiancé. Troubles psychologiques, drogue et pression médiatique, le terrain idéal pour que le cauchemar recommence. 
Engagé sur le chemin balisé de l’épisode précédent fait de jump scares et d’une tension permanente plutôt efficace, cette suite indirecte trouve son propre ton en explorant la face cachée d’une Taylor Swift version névrosée, incapable de différencier ses hallucinations d’un quotidien de plus en plus oppressant. 
Campée par une Naomi Scott diablement convaincante dans un rôle casse gueule, cette star médiatique sous pression constante et constamment soumise aux regards des autres est le parfait réceptacle d’une malédiction basée sur la folie et l’altération de la réalité. 
En dépit d’un final qui frôle la sortie de route avec une créature en CGI sortie de nulle part et de quelques faiblesse scénaristiques (mais où est donc passé le personnage de Morris après l’épisode de la chambre froide ?), Smile 2 s’acquitte à merveille de son statut de film d’épouvante, sans révolutionner les codes du genre mais avec une application qui force le respect.

samedi 12 octobre 2024

Terrifier 3

Le plus terrifiant dans l’épopée sanglante de Art Le Clown, outre sa propension à la mutilation et aux meurtres les plus déviants, est sans aucun doute l’absence totale de mobile et une mythologie réduite à sa plus simple expression. 
A la différence de ses glorieux prédécesseurs, de Jason à Freddy en passant par Michaël et Chucky, rien ou presque ne vient ici expliquer ou à défaut contextualiser ses débordements. 
Mise à part une vague histoire de démon à la recherche d’une porte pour investir notre dimension, Art Le Clown agit de la manière la plus atroce, gratuite et imprévisible qui soit, le mal à l’état pur sans règle ni morale si ce n’est la mise en scène grand guignolesque de mises à mort de plus en plus barrées. Et en matière de gore et de perversion ce troisième opus n’est pas en reste.
D’une séquence de démembrement à la tronçonneuse en passant par une séance de torture médiévale avec l’assistance involontaire de malheureux rats, Terrifier 3 ne recule devant rien et s’en prend même aux enfants avec une jubilation rarement vue sur grand écran. 
L’introduction d’une comparse au grand clown muet constitue la principale nouveauté de ce nouvel épisode, à tel point qu’elle aurait pu occulter le personnage principal si un montage erratique lui en avait laissé le temps. Vicieuse, craspec et complètement folle, cette version trash d’une Harley Quinn morte vivante aurait mérité un temps d’écran plus long pour exprimer pleinement son incroyable morbidité. 
Souffrant d’un montage hasardeux durant lequel le spectateur se retrouve projeté d’une scène à l’autre sans aucune transition, et d’un scénario réduit à sa plus simple expression, Terrifier 3 joue à fond la carte de la surenchère et du nihilisme, allant jusqu’à trucider la quasi-totalité de son casting pour laisser place à une fin aussi expédiée qu’ouverte et un retour que l’on pressent imminent pour le clown le plus pervers du panthéon horrifique.