Ils n’auraient jamais dû se
rencontrer, et s’aimer encore moins. Elle avec le deuil de sa mère en
bandoulière, élève appliquée au caractère bien trempé enfermée avec son père
dans une solitude de survivants. Lui et son sourire frondeur, les poings en
avant pour frapper avant d’avoir mal, élevé à coups de taloches et du mépris
des institutions.
Entre les docks prolétaires et l’effervescence du lycée, les
arrangements minables et les coups foireux, entre le confort d’une vie
bourgeoise et les années de taule, Jackie et Clotaire vont se reconnaitre, s’aimer,
se perdre et, peut-être, se retrouver.
L’Amour ouf appartient à ces films généreux
et foutraques, vibrant d’un amour sincère du cinéma et mangeant à tous les râteliers,
débordant d’une énergie folle et parfois épuisante, mais tellement enthousiasmant
qu’on leur pardonne leurs maladresses, au point de se demander si elles ne font
pas partie intégrante de la réussite du projet.
Il n’est pas si courant de sentir
vibrer une telle énergie dans une salle de cinéma et, disons-le, encore moins en
France. Mariage presque miraculeux entre une réalisation inventive et
particulièrement léchée, une bande son délicieusement nostalgique, une distribution
absolument impeccable servie par des dialogues au cordeau et une galerie de
seconds rôles tout simplement parfaits, le deuxième film de Gilles Lellouche,
pourtant adapté d’un roman de Neville Thompson, ressemble à s’y méprendre à la
version filmique de l’univers du romancier Nicolas Mathieu.
On pense notamment
à Leurs enfants après eux dans cette chronique d’une adolescence un peu zonarde,
Aux animaux la guerre et sa délinquance de province, Connemara, et ce désir toujours
prégnant de dépasser sa condition sociale.
De ce maëlstrom de violence et d’amour
entremêlées ressort au final l’espoir d’une vie qui ne se résume pas (seulement)
à des aspirations matérielles et cette envie irrépressible de (re)tomber
amoureux.