dimanche 25 août 2024

Emilia Perez

Il faut le reconnaitre, le pari est de taille. Mettre les femmes au cœur d’un film où un chef de cartel mexicain décide de changer de sexe sur fond de comédie musicale avec une actrice elle-même transgenre, le projet a de quoi décontenancer et pourrait verser dans le ridicule au moindre faux pas. C’est sans compter la foi inébranlable de Jacques Audiard dans son entreprise audacieuse et d’un casting aussi à l’aise dans le drame que lorsqu’il faut chanter la joie de l’amour retrouvé, la révolte face aux violences faites aux femmes ou le déchirement d’une vie perdue à jamais. 
Emilia Perez est un film qui se mérite et dont la montée en puissance se fait progressivement, par touches émotionnelles et l’entrée en scène de ses différentes protagonistes. 
Zoe Saldana d’abord seule dans une vie étriquée qui, pour reprendre ses termes, lui laisse un goût de merde dans la bouche et dont la destinée bascule lorsqu’elle croise le chemin de Karla Sofía Gascón dans le rôle-titre et de Selena Gomez en pauvre petite fille riche au destin forcément tragique.
Car oui, nous sommes au Mexique, pays des cartels, des violences et des disparitions dont les femmes sont les premières victimes d’une société encore profondément machiste. Mais pays de la résilience où tout peut encore arriver tant qu’il restera des gens debout contre la barbarie. 
C’est sur cette dernière image que se conclut le film, une invraisemblable reprise des Passantes, le poème d’Antoine Pol magnifié par Georges Brassens et repris par une fanfare de rue dans un irrésistible élan d’espoir et de ferveur populaire. Exit les personnages principaux pour laisser place à des anonymes reprenant en cœur cette magnifique chanson à la gloire des femmes. 
A l’image de son personnage central, Emilia Perez est un film transgenre et profondément viscéral, le réalisateur ayant compris qu’une chanson touche le cœur aussi bien voire mieux qu’un long discours.

jeudi 15 août 2024

Alien : Romulus

Après un remake en demi-teinte du mythique Evil Dead de Sam Raimi en 2013, Fede Alvarez s’attaque à un autre monument du cinéma d’horreur avec un résultat similaire pour des raisons toutes aussi identiques. 
Idéalement situé entre Alien de Ridley Scott et Aliens de James Cameron, cet Alien Romulus suit l’exploration d’un vaisseau spatial à la dérive par un groupe de jeunes adultes prisonniers de leur condition d’ouvriers et promus à une mort certaine au fond des mines à l’atmosphère viciée des colonies terriennes. Bien entendu le vaisseau en question n’est pas à proprement parlé désert et faute de caissons pour quitter leur planète nos jeunes pionniers vont tomber sur une forme de vie plutôt agressive. 
Alors que la version d’Evil Dead de Fede Alvarez oscillait entre idées originales et hommage servile à son modèle original tout en souffrant d’un manque de caractérisation des personnages principaux, on pourrait reprocher exactement les mêmes travers à ce nouvel Alien. Dés les premières images deux évidences s’imposent rapidement : des choix esthétiques méticuleux pour reproduire une atmosphère poussiéreuse et déliquescente, que ce soit sur la planète minière ou à l’intérieur des vaisseaux, et l’écriture plus qu’approximative des personnages qui frôlent tous la caricature. 
Si le garçon antipathique fait des efforts louables pour paraitre détestable puis rapidement insupportable, avec le pathos qui va de pair, il est systématiquement contrebalancé par le bon apôtre bien sous tous les rapports et accessoirement petit ami non déclaré de l’héroïne. Pour le reste, entre la sœur enceinte et la pilote à l’allure masculine, on reste dans les seconds rôles obligés qui disparaitront plus ou moins rapidement au fil d’un jeu de massacre couru d’avance. 
Pour son opus fondateur, Ridley Scott jouait la carte du château hanté et misait tout sur un alien unique pratiquement invisible pendant la plus grande partie du film. Avec sa suite testostéronée, James Cameron poussait les curseurs à fond en balançant des centaines de monstres face à une escouade de militaires hargneux et armés jusqu’aux dents. Coincé entre ses deux modèles, Fede Alavarez choisit la demi-mesure : une dizaine de créatures, quelques fusillades tardives et un face à face final avec un hybride inspiré du final d’Alien, la résurrection de notre Jean Pierre Jeunet national. 
Bien qu’il maitrise sa mise en scène et propose son lot de bonnes idées (les flux d’acide en apesanteur), le réalisateur oscille constamment entre hommage contrit qui sombre de le fan service servile et vain dans sa deuxième partie et volonté évidente d’y apposer sa propre patte. 
Moins cryptique que Prometheus et Alien Covenant, mais dénué de la touche personnelle et des univers propres aux réalisateurs d’Alien 3 et Alien, la résurrection, ce nouvel opus, loin d’être honteux, n’arrive pourtant que rarement à s’affranchir de ses glorieux modèles. Peut être est il temps de laisser tomber les suites-reboot-remakes et de créer de nouveaux mythes ?