jeudi 30 novembre 2023

Thanksgiving

Le gore c’est bien, le gore avec un scénario malin et des personnages bien écrits c’est encore mieux. 

Pour accompagner la sortie du double programme Grindhouse (Boulevard de la Mort et Planète Terreur) de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez en 2007, une poignée de réalisateurs se prêtent à l’exercice des fausses bandes annonces dont fait partie Thanksgiving, exercice tellement réjouissant que deux d’entre elles, Machete de Robert Rodriguez et Hobo with a Shotgun de Jason Eisener, seront développées en longs métrages foutraques, excessifs, violents, déjantés et donc forcément sympathiques. 

De cette expérience Eli Roth n’a conservé que le gore qui, s’il représente un ingrédient indispensable à l’esprit frondeur de ces films d’exploitations, n'en reste pas pour autant suffisant à produire un bon film. 

A partir d’un concept déjà vu mille fois, le réalisateur déroule un récit convenu, on devine l’identité du tueur par élimination dés le dernier tiers du film, où déambulent des personnages tellement caricaturaux, convenus et antipathiques que l’on guette avec une impatience un peu coupable leur élimination prochaine. 

Et c’est bien là l’intérêt principal du film, une généreuse inventivité dans la mise à mort de protagonistes qui semblent attendre leur tour tout au long d’une enquête qui piétine (et pour cause…), et une abondance d’effets gore qui viennent à peine masquer la paresse de la réalisation. 

S’il ne marquera pas les annales du slasher déjà bien pourvu en nanars de toutes sortes, Thanksgiving se laisse regarder d’un œil distrait, sauvé du néant par une scène d’ouverture bien méchante où le délire consumériste vient supplanter la cruauté du tueur en devenir. 

Divertissant dans ses excès et son mauvais goût assumé mais paresseux dans son écriture et la caractérisation de ses personnages, Thanksgiving n’aura jamais autant tenu ses promesses que sous forme de bande annonce Grindhouse.

mardi 28 novembre 2023

Napoléon

Derrière chaque grand homme se cache une femme. C’est sans aucun doute cette maxime qu’avait en tête Ridley Scott quand il filma son Napoléon en amoureux transi d’une Joséphine de Beauharnais qu’il épousera et répudiera tout aussi soudainement au nom de l’intérêt supérieur, celui de la France et surtout de sa légende. 

Car c’est bien un homme enivré de son propre destin que nous décrit le réalisateur des Duellistes, tour à tour visionnaire dans sa volonté grandiloquente d’unir les pays d’Europe sous une même bannière, la sienne, d’une froideur inhumaine quand il fait tirer au canon sur la foule parisienne, tacticien hors pair quand il tient tête aux anglais, aux russes et aux prussiens sur les champs de bataille et faible et geignard devant les femmes qu’il ne peut soumettre, sa mère et sa première épouse. 

Étonnamment centré sur les relations maritales de l’empereur et son rapport ambigu de domination-soumission avec Joséphine, le film de Ridley Scott fait l’impasse sur bon nombre d’évènements majeurs malgré une durée raisonnable de plus de deux heures trente. Ainsi, la retraite de Russie pourtant fondatrice dans le déclin militaire et politique de Bonaparte est elle passée sous silence et la plupart des batailles, pour impressionnantes et maitrisées qu’elles soient, ne laissent qu’entre-apercevoir l’horreur et l’ampleur des massacres perpétués. 

Si l’ont est loin de la maitrise narrative du Dernier Duel, Napoléon n’en reste pas moins un formidable concentré d’histoire qui nous replonge dés les premières minutes au cœur de la Terreur et des heures les plus noires de la Révolution française, sur le terreau de laquelle un officier corse ambitieux allait habilement manœuvrer pour accéder au pouvoir absolu. 

La volonté du réalisateur de démystifier celui qui envoya plus de trois millions de soldats à la mort pour servir sa soif de pouvoir est louable, mais on ne peut que rêver en imaginant une version plus longue dont le montage servirait l’ambition du projet et dont la démesure serait à la hauteur de son sujet.

samedi 25 novembre 2023

Mars Express

Une transaction qui tourne mal, une course poursuite périlleuse, des fusillades millimétrées, Mars Express commence sur les chapeaux de roues dans la plus pure tradition du polar. Sauf que l’action se déroule en 2200 sur une Terre reléguée à l’antichambre de la planète Mars colonisée par les humains et les robots dans une cohabitation de plus en plus tendue. 

D’entrée de jeu le réalisateur s’en remet à l’intelligence du spectateur qu’il plonge dans un monde régi par ses propres règles. Entre soldats morts ramenés à la vie par les progrès de la cybernétique, tueurs cyber augmentés, fermes cérébrales et hackers en tous genres, Mars Express nous immerge dans un futur où les progrès de la robotique ont redéfini la société moderne et les règles du vivre ensemble. 

En reprenant les graines semées par Isaac Asimov et sa mythologie autour des robots et des lois qui en régissent les interactions avec les humains, Mars Express déroule une enquête au long cours parsemée de morts et de conspirations tout en nous proposant une réflexion sur les limites de la science. Assurément ambitieux dans son propos comme dans sa réalisation ou son doublage, le film de Jérémie Périn prouve une fois de plus l’incroyable maitrise de l’animation française. 

Bien que parsemé de clins d’œil aussi discrets qu’éclectiques (un homme de main avec le physique de Keanu Reeves lors de l’assaut final, une cyber tueuse aux allures de T-1000), Mars Express n’en conserve pas moins son identité propre et se place d’emblée comme l’un des meilleurs films de science-fiction de l’année.

mardi 7 novembre 2023

Le garçon et le héron

Alors que la guerre gronde aux portes du Japon, Mahito assiste impuissant à la disparition de sa mère dans l’incendie de l’hôpital où elle travaille. Lorsque son père décide d’épouser la sœur cadette de sa défunte femme, Mahito quitte Tokyo pour s’installer avec lui dans un vaste manoir occupé par sa tante et une ribambelle de vieilles domestiques. La rencontre avec un drôle de héron cendré va bouleverser le cours de sa jeune existence. 
Le deuil, l’esprit des morts, l’environnement, la guerre, tous les thèmes chers à Hayao Miyazaki sont présents dans Le garçon et le héron qui en devient une sorte de pot-pourri de l’univers du réalisateur. Mais si le dernier (à tous les sens du terme ?) opus de l’un des maitres incontestés de l’animation condense à lui seul une richesse thématique jusqu’alors inégalée, cela suffit il à en faire une œuvre majeure ? Pas sûr. 
Car si la qualité de l’animation des studios Ghibli nourrit un récit initiatique traversé de moments de bravoure et de poésie, Le garçon et le héron n’en demeure pas moins très long dans le déroulé de son histoire et d’une opacité parfois déconcertante. 
Même s’il pioche dans l’incroyable iconographie de l’univers Miyazaki, le film n’arrive jamais à renouer avec la sauvagerie animiste de Princesse Mononoke, la poésie et la tendresse de Mon voisin Totoro ou encore l’incroyable melting-pot thématique de ce qui reste encore à ce jour son chef d’œuvre, Le voyage de Chihiro. 
Alors que l’empreinte de Lewis Caroll et notamment du périple d’Alice au Pays des Merveilles devient de plus en plus évidente au fil de ses réalisations, Hayao Miyazaki inscrit Le garçon et le héron dans la continuité de son œuvre (la guerre dont on devine les prémices dans Le vent se lève est ici bien présente) mais semble frappé par le même syndrome que David Lynch, celui d’un réalisateur incontesté à la filmographie ponctuée d’œuvres majeures et qui, une fois atteint leur point d’orgue (Le voyage de Chihiro / Mulholland Drive sortis tous les deux en 2001) se perdent dans les méandres de leurs propres univers au risque de laisser un bonne partie de leurs spectateurs au bord du chemin.