mercredi 8 mai 2019

El Reino


Après avoir exploré les tréfonds les plus noirs du polar avec l’excellent Que Dios Nos Perdone, le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen retrouve Antonio de la Torre pour incarner un homme politique englué dans une affaire de corruption qui va, petit à petit, le perdre corps et âme. 
El Reino nous entraine sur les pas de Manuel López-Vidal, le cadre prometteur d’un parti politique promis à un bel avenir jusqu’à ce que tout dérape. Et nous voilà parti pour deux heures de course haletante, collés à ce personnage arrogant, cynique et cupide pour lequel l’immense talent d’Antonio de la Torre arrive à nous faire partager, sinon de la sympathie, une certaine forme d’empathie. 
Car oui Manuel López-Vidal est un pourri qui détourne de l’argent public et mène une vie de rêve au crochet d’une société qu’il prétend servir à travers sa fonction politique. Un arriviste trahi par ses amis et qui à son tour n’hésitera pas à se retourner contre les siens pour sauver sa peau et ce qu’il reste de sa famille. Et c’est la grande force du réalisateur et de son interpète principal de plonger un carnassier dans des eaux si troubles qu’il en devient presque une victime expiatoire. Nous ne sommes pas loin du tous pourris et pourtant El Reino ne se résume pas à une dénonciation simpliste des travers du pouvoir et de l’argent facile. 
Outre ses qualités de thriller haletant, on ne souffle pas une minute, le film explore du point de vue du coupable tous les rouages d’une descente aux enfers aussi prévisible qu’inéluctable. En convoquant les appareils et le fonctionnement interne d’un parti politique, les médias dont la soif de pouvoir et de reconnaissance n’a rien a envier aux bêtes politiques, et la famille à la fois complice et victime, Rodrigo Sorogoyen livre un nouveau film maitrisé de bout en bout, d’une noirceur totale sans pourtant sombrer dans les travers évident de la démagogie. 
El Reino énonce des vérités connues de tous, le pouvoir corrompt et se protège lui-même. Mais le film va au delà en disséquant minutieusement les rouages d’une machine qui se met à déraper et qui broie tout sur son passage. Malgré un scénario parfois difficile à suivre dans tous ses méandres lorsqu’il s’agit de démêler les fils de la corruption et une fin abrupte, El Reino s’impose comme une nouvelle réussite du thriller espagnol décidément en grande forme ces dernières années.

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