Si la figure du tueur en série se veut emblématique d’une dérive individuelle prenant racine dans un contexte familial déséquilibré et perverti, celle du tueur de masse est souvent décryptée comme le produit d’une société incapable de voir et de traiter les signes avant coureur d’un dysfonctionnement conduisant presque inéluctablement à un drame. C’est ce dernier cas que choisit d’analyser David Vann à travers le personnage de Steve Kazmierczak qui, le 14 février 2008 assassina 5 personnes et en blessa 18 autres avant de se suicider.
L’auteur déroule une enquête approfondie sur l’enfance de Steve Kazmierczak parallèlement à sa propre histoire qui présente de nombreuses similarité avec celle du tueur. Drame familiale, fascination pour les armes, enfance perturbée, David Vann se questionne sur les raisons qui conduisent deux personnes à prendre des chemins radicalement différents.
Bien vite pourtant la figure de Steve Kazmierczak supplante l’autobiographie romancée et on suit avec un intérêt croissant les derniers mois, les dernières semaines et les jours précédent un drame que personne n’a vu arriver. L’auteur évoque l’entourage du tueur, son racisme latent, son homosexualité supposée et refoulée, sa passion pour les jeux vidéos de tir et la musique métal sans pour autant tomber dans la caricature ni chercher de supposer coupables.
David Vann procède à la manière d’un Truman Capote, pour dresser le portrait d’une destinée tragique et, par la même, d’un environnement familial, scolaire et social impuissant à détourner Steve Kazmierczak de son destin inéluctable. Dernier jour sur terre se lit comme un roman noir, une enquête froide et implacable sur la transformation d’un jeune garçon fragile en monstre. Glaçant et indispensable.