Consternant, fascinant, long, excessif, décalé, ridicule, profond, surréaliste,… Les qualificatifs ne manquent pas pour cerner le nouveau film de Darren Aronofsky, et la liste pourrait s’allonger à l’infini. Que l’on adore ou que l’on déteste, Mother dérange, secoue (preuve en est les spectateurs quittant la salle avant la fin), bref interpelle, et c’est bien là l’essence même d’une œuvre.
L’histoire n’a que peu d’importance. Une femme vit avec son mari écrivain dans la maison de ce dernier qu’elle répare de la cave au grenier après un incendie dévastateur. Un homme fait irruption dans leur quotidien, puis sa femme, puis leurs enfants, puis… Ce couple, que l’on ne nommera jamais, voit alors son quotidien bousculé par l’intrusion de parfaits inconnus, adorateurs transis de l’œuvre du poète. A partir de ce postulat, le réalisateur déroule une trame qui va nous faire plonger en plein cauchemar jusqu’à une seconde partie dantesque.
Mother fait partie de ces films qui nous forcent à réfléchir sur le sens de ce que nous venons de voir une fois les lumières éteintes. Et les interprétations possibles sont nombreuses.
Partons tout d’abord d’un indice révélé par le réalisateur lui-même, Mother ne ferait pas (seulement) référence au personnage de Jennifer Lawrence mais à la Terre nourricière. Le film emprunte alors le chemin de la fable écologique avec cette maison (notre vieille planète) que la femme s’efforce de transformer en nid d’amour et que des intrus sans gêne (nous même) souillent jusqu’à la détruire complètement.
Difficile aussi d’occulter l’image de la muse dans le personnage de Jennifer Lawrence, constamment auprès de son mari, attentionnée jusqu’au sacrifice et délaissée, brutalisée par l’égo de l’artiste qui prend la forme d’admirateurs envahissants. Cette muse qui vit le temps d’une œuvre et qui meurt pour mieux renaitre et engendrer l’œuvre suivante.
Mais revenons aux bases de la psychanalyse, la maison ne serait-elle pas la projection de l’esprit dérangé d’une femme en mal de maternité ? Une maison qu’elle soigne, répare, nettoie jusqu’au moindre recoin, où le bureau de son poète de mari occupe le dernier étage tandis que la cave abrite une force invisible capable de provoquer des séismes et de faire gronder la chaudière. Sans parler de cette pièce cachée où tout prendra fin ? Une maison enfin qu’elle est incapable de protéger des assauts d’inconnus (ses propres peurs) qui n’auront de cesse de la harceler jusqu’au drame finale.
Alors oui, Mother regorge de pistes, de thèmes, d’explications plausibles ou non. Et malgré ses défauts évidents (le film traine en longueur et frôle parfois la pose théâtrale), il n’en reste pas moins un objet fascinant. Porté par l’incroyable performance d’une Jennifer Lawrence habitée par son rôle, Mother lorgne du côté de Bunuel et du Charme discret de la bourgeoisie dans sa première partie, et semble reprendre les séquences de guérilla des Fils de l’homme de Cuaron dans une seconde partie proprement hallucinante.
Cauchemar éveillé empreint de symboles religieux où la monstruosité revêt les atours de la normalité, Mother est en tout cas une expérience cinématographique à ne pas rater.
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