Depuis Amours Chiennes, qui reste à ce jour son meilleur film, Alejandro González Iñárritu traite de survie. Survie des défavorisés et des classes moyennes en milieu urbain, survie d’un acteur sur le retour à Broadway, survie d’un trappeur isolé dans une Amérique encore sauvage. Ici point de métaphore mais un vrai survival avec tout ce que cela comporte comme souffrance, abnégation, chutes et résurrection avant d’aboutir enfin à un semblant de libération.
Pour une première incursion en pleine nature, Alejandro González Iñárritu filme ses paysages comme des personnages à part entière. Alternant les plans larges sur des forêts, des torrents et des montagnes aussi somptueux que menaçants, et les plans serrés sur son acteur principal qu’il filme au plus près, le réalisateur nous invite à un véritable chemin de croix sur la trace de ces pionniers prêts à braver mille dangers pour vendre quelques peaux de bêtes et s’acheter la promesse d’un avenir meilleur. Écrasés par une nature dominante, traqués par des indiens qui ne tarderont pas à se retrouver parqués dans des réserves, ces colons explorent un milieu hostile en plein hiver, oubliant souvent le peu d’humanité qu’il leur reste quand leur survie est en jeu. Et c’est bien là la force de The Revenant, cette immersion dans la boue et le froid, cette sensation omniprésente de danger qui nous ferait presque ressentir les frissons de ces aventuriers de l’extrême, ces chasseurs de peaux aussi crasseux et dénués de morale que les animaux qu’ils traquent.
Passionnant dans sa première et troisième partie qui multiplient les morceaux de bravoure (l’attaque des indiens, le face à face avec l’ours, le duel final,…), le film souffre malheureusement d’un passage à vide au milieu de l’histoire. Le réalisateur étire à l’envie le calvaire de ce pauvre Hugh Glass campé par un Leonardo DiCaprio habité par son rôle qui n’en finit pas de tomber, de ramper et de grimacer en gros plan. Ce qui apparaissait de prime abord comme crédible et immersif tourne rapidement à vide. Les frissons laissent place à un ennui poli à peine troublé par la beauté des images (la photographie est superbe) et les séquences oniriques qui ponctuent le film comme un métronome.
Il reste un film ambitieux qui aurait gagné à être traité sur un mode plus modeste (on retrouve ici les travers qui rendaient Birdman aussi spectaculaire qu’agaçant, pour ne pas dire détestable), un vrai film d’aventure plutôt qu’un long, trop long chemin de croix.
On retiendra aussi ce plan surréaliste d’un Leonardo DiCaprio qui, pour se protéger du froid éventre son cheval, le vide de ses viscères et se blottit dans sa carcasse encore fumante. Il ramène sur lui les flancs découpés de la bête et ne laisse dépasser que sa tête. On a alors la très nette impression d’assister à un accouchement improbable, le visage barbu et hirsute de l’acteur émergeant de ce qui ressemble à s’y méprendre à un sexe de femme. Voulu ou non, cette vision m’a hanté longtemps après avoir quitté la salle.
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