mercredi 24 décembre 2014

Le Hobbit : la bataille des cinq armées

Treize ans après le premier volet du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson clôt une saga unique en son genre qui a totalement renouvelé les codes de l’imagerie héroïque fantasy au cinéma.
Reprenant le poste de réalisateur sur la trilogie du Hobbit après le désistement de Guillermo del Toro qui se contente d’une accréditation au scénario, il quitte la Terre du Milieu avec une extension de la trilogie originale qui, malgré ses qualités indéniables et de réels moments de bravoure, n’arrivera jamais à se hisser au niveau de celle du Seigneur des Anneaux. 
Etirant une histoire plutôt condensée en inventant des personnages (Tauriel, le Nécromancien) ou des situations (l’histoire d’amour entre un nain et une elfe), en réinterprétant à sa façon certains caractères (les nains sont décrits par Tolkien comme un peuple noble alors que le réalisateur les dotent pour la plupart de physiques d’handicapés congénitaux et en fait des personnages souvent burlesques) Peter Jackson prend le parti du film d’aventure grand public au détriment de l’esprit héroïque fantasy qui traversait la première trilogie. Mais paradoxalement, les défauts qui sautaient aux yeux dans les deux premiers épisodes du Hobbit semblent ici atténués au profit d’un spectacle plus en phase avec ce que l’on attendait d’un tel réalisateur. 
Évacuons d’emblée la mort de Smaug expédiée trop hâtivement et des erreurs manifestes de montage (les plans furtifs montrant Gandalf prisonnier ou chevauchant vers la montagne intercalés entre deux scènes sans que l‘on sache trop pourquoi), une bataille finale qui se termine sans que l’on sache comment et la présence à peine esquissée des grands aigles. Il reste que si une fois encore ce dernier épisode ne tient guère la comparaison avec le Retour du Roi et son souffle épique, il n’en demeure pas moins un spectacle réjouissant. 
Martin Freeman semble enfin trouver la pleine mesure de son personnage et campe un Bilbon convaincant. On retrouve avec un plaisir toujours intact les personnages récurrents de la saga (Saroumane, Gandalf, Legolas,..) et on a enfin l’occasion de voir une armée de nains en action. Les quelques secondes d’apparition de Smaug sont bluffantes et les scènes de batailles rangées ou de guérilla urbaine sont encore une fois parfaitement maitrisées. Le parti pris du traitement des personnages des nains est clairement plus sombre que dans les deux premiers épisodes et l’on ne peut que s’en réjouir. 
Peter Jackson boucle sa saga en nous renvoyant vers le début du Seigneur des Anneaux comme un ultime signe de la main. Il n’en reste pas moins que l’on ne peut que rester pensif en s’imaginant la version qu’un Guillermo del Toro en aurait donné.

mercredi 10 décembre 2014

La French



Jean Dujardin, Gilles Lellouche. Le juge Michel, Gaëtan Zampa. Deux des acteurs les plus charismatiques du cinéma français actuels incarnent deux figures qui ont défrayé la chronique judiciaire des années soixante-dix en France. La French retrace sur plusieurs années le combat acharné que Pierre Michel, jeune magistrat promu juge du grand banditisme à Marseille mena contre l’une des plus grandes organisations criminelles de notre pays, celle qui a alimenté les Etats Unis en héroïne pendant des années. 
Le parti pris du film, celui de nous immerger dans les années soixante-dix et de faire intervenir des figures publiques (Gaston Deferre entre autres) en dénonçant les implications troubles du pouvoir en place avec les filières mafieuses n’était pas sans risque. Le pari est tenu haut la main tant le film est porté par une distribution impeccable, une reconstitution minutieuse de l’époque et un sens du rythme et de l’action tout à fait correct. 
Si la mise en scène reste classique, la direction d’acteur sert un propos qui se veut autant dénonciateur d’une corruption de très haut niveau qu’un film policier dont le rythme est d’autant plus difficile à maintenir que l’on en connait la fin. S’il est plus courant d’être fasciné par les bandits que par les forces de l’ordre (de Scarface au Parrain en passant par Les Affranchis), Cédric Jimenez réussit à maintenir un équilibre constant entre ses deux personnages centraux. Oscillant comme nombre de ses prédécesseurs entre sympathie et méfiance, Gaëtan Zampa trouve en Pierre Michel un adversaire plus trouble qu’il n’y parait, obsessionnel et colérique, ancien joueur invétéré constamment sur la brèche. C’est du moins le portrait qui nous est fait du juge Michel, une fois de plus parfaitement incarné par un Jean Dujardin totalement investi dans son rôle. 
Touchant dans sa solitude et son obstination, souvent drôle dans les moments les plus graves, il donne à ce personnage hors du commun une dimension qui va au-delà du simple justicier qui nous est trop souvent proposé. Pierre Michel est finalement un homme simple qui va aller au bout de ses convictions, un homme seul qui s’approche trop près du soleil et qui va se brûler les ailes, entrainant dans sa chute celui dont il avait juré la perte. 
La French renoue avec la grande tradition du polar français, ancré dans son époque et porté par des interprètes solides. C’est efficace, instructif et distrayant, que demander de plus ?