Le film s’ouvre sur une silhouette floue semblable à un fantôme qui s’avance vers nous et qui peu à peu prend la forme de Bond. Cette première scène est un prélude à ce qui va suivre et la marque indélébile de cette nouvelle aventure de James Bond. Car après une poursuite impressionnante et remarquablement filmée par un Sam Mendes très à l’aise dans les scènes d’action, le pré générique se conclut sur la mort de Bond, alors que le film commence par sa nécrologie. Le ton est donné, et si Bond reviendra bien évidemment d’entre les morts, il aura le plus grand mal à retrouver son statu d’agent d’élite.
Tout comme M, son âge le rattrape et il est considéré par les plus hautes autorités de Grande Bretagne comme un dinosaure n’ayant plus sa place dans le monde actuel. Skyfall se concentre essentiellement sur deux personnages.
Bond bien évidemment, un agent né de la guerre froide aux méthodes brutales, un homme de terrain qui semble dépassé par les nouvelles technologie et notamment la cyber criminalité. Un mythe que le réalisateur nous propose de découvrir de l’intérieur, notamment lors de la scène finale dans la maison de son enfance qui recèle bien des souvenirs. Jamais un épisode de la série n’aura autant exploré le passé de Bond et, mis à part le fondateur Casino Royale, ne nous aura donné autant de clefs pour cerner le personnage.
Mais l’histoire traite aussi et surtout du personnage de M que l’on découvre froide et impitoyable quand elle ordonne à 007 de laisser mourir un agent blessé pour poursuivre sa mission, ou quand elle prend le risque de le faire tuer plutôt que de laisser filer l’ennemi qui a dérobé la liste des agents du MI6 infiltrés dans les réseaux terroristes du monde entier. Sa position hiérarchique, sa fonction et le fait qu’elle soit une femme dans le monde presque exclusivement masculin de l’espionnage lui imposent de prendre des décisions douloureuses et souvent sujettes à caution.
C’est d’ailleurs l’un de ces choix qui a créé de toute pièce le redoutable Silva, l’un des méchants les plus réussi de la saga, dans lequel Javier Bardem s’investit corps et âme. Son personnage n’est d’ailleurs pas sans rappeler le tueur mutique du No country for old men des frères Cohen.
Comme Casino Royale avant lui, Skyfall s’inscrit totalement dans la mythologie première de James Bond, celle des romans de Ian Fleming. Sam Mendes, que l’on n’attendait pas sur ce genre de film très codifié, donne à son histoire une gravité emprunte de désespoir sans pour autant sacrifier un ton sarcastique des plus réussi. Le film alterne avec bonheur les scènes d’action et d’exposition des personnages et de l’intrigue, il égratigne le mythe (voire la conversation entre Bond et Q, l’Austin Martin, nombre de répliques en forme de clin d’œil du genre « uniquement pour les yeux de M », le fait que Silva soit gay et commence à tripoter Bond) tout en le respectant et en le nourrissant.
Contrairement à ses prédécesseurs, la scène finale, forcement spectaculaire et épique, ne se déroule pas en milieu urbain mais en pleine campagne écossaise. Bond, M et un vieux garde chasse doivent faire face aux sbires de Silva avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand-chose. Il en ressort une séquence de siège hautement jouissive et encore une fois parfaitement maitrisée.
Si l’on devait faire un reproche au film, ce serait sans doute du coté des James Bond girls qui ne parviennent pas à la cheville du personnage inoubliable de Vesper incarnée par la sublime Eva Green, et se cantonnent à des rôles de potiches. C’est dommage mais cela vient à peine ternir le plaisir que l’on prend durant tout le film.
Le final fait table rase du passé et installe une nouvelle équipe, Bond est prêt pour de nouvelles aventures. Skyfall est un Bond très réussi, l’un des meilleurs à ce jour. Espérons que les producteurs aient retenu la leçon et confie à nouveau le prochain épisode à un réalisateur de talent.