Le film s’ouvre sur une violente dispute opposant Jay, un ancien soldat traumatisé par ses années de guerre, et sa femme Shen. Une dispute à propos de leurs problèmes d’argent, problèmes qui pourraient être résolus par un travail que lui propose Gal, son meilleur ami lui aussi ancien soldat. La situation commence à déraper quand on se rend compte que ce travail consiste en une série d’assassinats et que la femme de Jay, non contente d’être au courant de la situation, le pousse même dans cette voie. En acceptant cette mission, Jay commence une lente descente aux enfers dont il ne ressortira pas indemne. Kill List ressemble à un voyage aux confins de l’horreur, l’une de ces expériences où le voyage a plus d’importance que la destination en elle-même. Car à la fin du film, on ne sait plus vraiment où l’on en est, on n’est plus sur de la réalité des évènements qui se sont déroulés sous nos yeux. En cela, Kill List est une expérience unique, l’un de ces films coup de poing que l’on reçoit en pleine face et dont on a du mal à se remettre.
Comme Take Shleter, Guilty of romance ou Bullhead cette année, Kill List fait d’abord appelle à nos sens avant notre intellect, et ce n’est qu’à la sortie du film que l’on se met à réfléchir à ce que l’on vient de voir. Alternant choc visuel (le meurtre au marteau) ou laissant à notre imagination le soin de mettre des images sur l’innommable (les cassettes vidéos conservées par l’Archiviste), le réalisateur Ben Wheatley mêle les genres et s’amuse à brouiller les pistes, perdant le spectateur pour mieux le retrouver là où on ne l’attendait plus. Le film commence comme un drame social avant de bifurquer vers le polar puis de sombrer dans le fantastique et l’épouvante. Confronté à une secte païenne qui pratique des sacrifices humains, Jay, et nous avec, s’enfonce peu à peu dans un monde parallèle où tout peut arriver, et particulièrement le pire.
Le film regorge de pistes offertes au spectateur comme autant d’interprétations possibles d’une histoire pourtant assez linéaire. Ainsi, la liste des personnes que doivent éliminer les deux tueurs comporte quatre noms. Le Prêtre qui représente la religion, l’Archiviste qui incarne le savoir, le Député symbole de la politique et enfin le Bossu dont le dénouement nous révèlera la vraie et terrible nature, et qui représente finalement la famille. Quatre figures du pouvoir sous ses formes les plus diverses, quatre symboles que Jay doit tuer pour accomplir son destin.
Kill List mêle donc les genres et aligne des scènes d’anthologie, allant de la comédie (la confrontation avec les catholiques au restaurant), à la violence la plus frontale et traumatisante (du bon usage d’un marteau pour faire parler les gens) en passant par l’épouvante (la poursuite dans la forêt puis dans le tunnel par une horde de fanatiques). Ces scènes restent graver dans la mémoire du spectateur longtemps après la projection, mais elles participent surtout à la cohérence de cette terrible descente aux enfers.
On pourrait croire que tout commence lorsque la compagne de Gal marque la maison de Jay par un signe cabalistique. Pourtant, l’une des premières scènes du film qui voit ce dernier jouer au chevalier avec son fils à cheval sur les épaules de sa mère, Gal faisant mine de tuer sa femme avec une épée en plastique, trouve son écho dans la scène finale qui la reproduit presque à l’identique, avec un retentissement autrement plus grave.
Doit-on en conclure que c’est le destin de Gal que d’être l’Elu ? Ou qu’il a était choisi par la secte à cause de ses poussées d’ultra violence ou que finalement tout ceci n’est que le fruit d’un délire paranoïaque ?
Porté par des acteurs absolument impeccables et une réalisation inspirée, Kill List transcende son statu de film et nous convie à un voyage dont on ne revient pas indemne. C’est suffisamment rare pour être souligné.