dimanche 14 février 2010

Lovely Bones


Peter Jackson est sans conteste l’un des meilleurs réalisateurs en activité, tous genres confondus. Aussi à l’aise dans le gore et le trash (Bad Taste, The Feebles), les plus grosses productions (Fantômes contre Fantômes, King Kong, la trilogie du Seigneur des Anneaux) ou les réalisations plus intimistes (Créatures célestes), il est un incroyable raconteur d’histoire et un créateur inspiré d’univers imaginaires crédibles et originaux.
Chaque film de Peter Jackson est en ce sens un évènement, au même titre qu’une nouvelle création de James Cameron, Guillermo Del Toro ou Sam Raimi. La découverte de Lovely Bones, seconde adaptation d’un roman après le Seigneur des Anneaux, est d’autant plus déconcertante.
On comprend ce qui, dans le sujet, a pu intéresser le réalisateur au point de lui faire adapter le roman. L’histoire raconte comment Susie Salmon, assassinée à l’âge de treize ans par un voisin psychopathe voit depuis l’au-delà les réactions de sa famille, ses amis et le déroulement de l’enquête. Refusant de rejoindre le paradis tant que son assassin n’est pas démasqué, refusant par là même l’oubli de ceux qu’elle aime, elle tente de communiquer avec son père et de le mettre sur la voie de son meurtrier.
La représentation de l’au-delà est par essence un sujet casse gueule. Il est en effet difficile de ne pas sombrer dans l’imagerie catholique primaire ou le ridicule gnan gnan. Il faut tout le talent d’un Peter Jackson pour éviter l’un et l’autre, mais il faut bien avouer que lors des scènes représentant Susie au Ciel, le réalisateur marche sur la corde raide.
Il nous a montré avec Fantômes contre Fantômes qu’il pouvait comme nul autre faire cohabiter le monde des vivants et des fantômes qui n’ont pas trouvé la paix. Créatures célestes, surement l’une de ses plus belles réalisations, nous plongeait dans un univers imaginaire absolument cohérent et complètement en phase avec l’histoire qui transformait un sordide fait divers en une tragique histoire d’amour et d’amitié. On pouvait donc s’attendre à ce que Lovely Bones représente une sorte de synthèse de ce que le réalisateur avait fait de mieux jusqu’à présent. La déception est à la hauteur de l’attente suscitée par le projet.
Outre les représentations de Susie dans l’au-delà dont les images de synthèse sont à mille lieux de la poésie engendrée par les scènes d’animation de Créatures Célestes, le scénario s’étire en longueur au fur et à mesure que l’enquête piétine et que la situation familiale des Salmon se dégrade. Outre le fait qu’il est difficile de se concentrer sur l’histoire en face d’une héroïne qui est le de sosie Sylvie Testud et d’un inspecteur de police qui n’est autre que le Christopher des Sopranos, il faut reconnaitre que le casting n’est pas entièrement en cause dans le manque d’implication du spectateur. La jeune Saoirse Ronan est formidable, Staley Tucci incarne un tueur en série des plus inquiétants dans sa sobriété et Susan Sarandon trouve là un rôle de grand-mère déjantée assez savoureux. Le reste de la famille Salmon est plus contestable dans les choix d’interprétation.
Il est évident que le réalisateur est sincère dans sa démarche et qu’il a dû être sensible à cette histoire qui parle d’absence et de la difficulté de continuer à vivre après la mort d’un proche. Pourquoi alors cette approche maladroite quand il a montré une telle maitrise dans ses précédents films ? Le talent de Peter Jackson refait régulièrement surface tout au long du film, comme par exemple dans la scène du cambriolage de la maison du tueur par la sœur de Susie. Toute la tension du film se concentre sur le bruit que fait cette dernière et par lequel le tueur détecte sa présence. Plus que par la bande son, c’est par une série de gros plans sur les lattes de plancher et un montage alternatif entre Lindsey Salmon et Georges Harvey que le réalisateur nous fait ressentir toute la tension de cette scène exemplaire. De même, la rencontre entre Susie et son bourreau dans la cache souterraine est un exemple de violence contenue et de menace sous jacente filmées avec une économie de moyen remarquable, toutes les émotions passant par les visages et la gestuelles des protagonistes.
Lovely Bones réalisé par toute autre personne que Peter Jackson aurait surement été une catastrophe. En l’état, c’est un rendez vous raté entre un réalisateur surdoué et un sujet qui l’a étouffé. Est-ce l’aspect religieux et sa représentation qui l’ont gêné ?
Souhaitons en tout cas que Peter Jackson reviennent vite à ce qu’il fait de mieux, raconter des histoires fantastiques et nous entrainer dans ses mondes imaginaires.

mardi 9 février 2010

In the air


Ryan Bingham voit la vie de haut. Perpétuellement en voyage entre deux aéroports, il travaille pour une société qui licencie les gens pour le compte des patrons qui ne veulent pas se mouiller.
Il refuse toute attache dans sa vie professionnelle comme dans le peu de vie privée qu’il lui reste. Peu de lien avec sa famille, pas d’empathie avec les gens qu’il licencie, des aventures sentimentales sans lendemain, il est libre.
C’est du moins sa vision des choses, jusqu’à sa rencontre avec deux femmes qui vont l’obliger à revoir son point de vue. L’une d’elle aurait pu être une aventure sans suite dans une chambre d’hôtel, l’autre est une jeune collègue qu’il doit confronter à la dure réalité du terrain.
Le personnage de Ryan Bingham n’est pas à priori le type même de l’homme attachant, et il faut tout le charme de Georges Clooney pour qu’on le suive pendant presque deux heures. Deux heures durant lesquelles il va changer, perdre ses convictions et bien d’autres choses encore.
Car le nouveau film de Jason Reitman n’est pas précisément l’une de ces sempiternelles comédies romantiques qui semblent toutes sorties du même moule. La fin du film laisse un goût amer et c’est ce qui en fait tout l’intérêt. On croyait voir en Ryan Bingham l’incarnation d’une liberté que l’on pense tous avoir plus ou moins perdue, souvent au profit d’autre chose (mariage, enfant, travail,…). Jason Reitman nous propose au contraire le parcours d’un homme que l’on croit solide comme un roc mais qui, au contact des femmes, perd son assurance et se blesse. Il reste alors plus seul que jamais sans ses certitudes pour le protéger.
Et les femmes ont assurément un rôle décisif dans ce film qui prend pour contexte une réalité économique terrible. Alex Goran parait être le pendant masculin de Ryan Bingham mais pour une fois c’est elle qui a compris les règles du jeu et qui en profite. L’homme pense avoir rencontrer l’amour, et ce qui aurait dû finir comme une banale love story s’achève dans un sentiment de vie gâchée difficile à supporter.
In the air est donc une comédie atypique, servie par un trio d’acteurs impeccables aidés par toute une galerie de seconds rôles aussi parfaits. Si le film est un peu répétitif dans sa succession de scènes ponctuées par les escales et les aéroports, il a le mérite de ne pas sombrer dans la facilité. Tour à tour amusant, émouvant et dérangeant, In the air ne prône pas le retour à des valeurs conservatrices (mariage, famille) mais pose des questions qui dérangent quand il faut choisir entre le confort du célibat et la sécurité d’une vie de couple, entre un travail bien rémunéré et ses valeurs morales, entre ses rêves de 20 ans et ceux de 40 ans. Et surtout, le réalisateur n’apporte pas de réponses toutes faites.
Chacun des personnages fait des choix plus ou moins heureux qui ne seront pas sans conséquence sur leur vie future. Libre à nous de nous retrouver dans chacun d’eux.

vendredi 5 février 2010

La Princesse et la grenouille

L’annonce de la fermeture de la branche animation de Disney ne laissait pas présager l’arrivée d’un nouveau dessin animé. Le fait que la princesse en question soit noire n’est pas un évènement en soi, Disney ayant déjà mis en scène des personnages chinois (Mulan), indiens (Yasmine) ou peaux rouges (Pocahontas). La nouveauté, ce serait plutôt le retour à une animation classique sans 3D ni image de synthèse. C’est un retour salvateur au savoir faire qui a fait le succès du studio.
La Princesse et la grenouille est un film d’une facture classique mettant en scène une courageuse jeune fille pauvre qui verra son rêve s’exaucer à force de courage et de volonté, et un jeune prince arrogant qui s’humanisera au contact de la belle, en traversant toute une série d’épreuves initiatiques. Pas grand-chose de neuf donc du coté du scénario, si ce n’est que l’histoire se déroule à la Nouvelle Orléans et que la musique, et le jazz en particulier, y a une place prépondérante. Et c’est là que commence les problèmes.
La Princesse et la grenouille se veut être dans la lignée des films Disney « musicaux ». Les chansons sont très fréquentes et l’histoire même est bâtie autour de la musique. Le mètre étalon en la matière est Le livre de la jungle, suivi de prés par Les Aristochats, Fantasia étant un cas un peu à part (le sujet même du film est la musique et son illustration par des images).
Dans Le livre de la jungle par exemple, la bande son est absolument irréprochable, d’une qualité telle que la musique caractérise les personnages autant que leur apparence. Dans la version française de La Princesse et la grenouille, la musique et les chansons penchent davantage du coté de la variété insipide que du jazz. La fréquence des scènes chantées devient alors presque pénible. C’est d’autant plus navrant que le sujet et l’atmosphère du film se prêtaient merveilleusement à une bande originale jazzy qui aurait pu, aurait du être exceptionnelle.
Ceci étant, l’animation est une fois encore impeccable et le personnage de Tiana, sous forme humaine ou de grenouille, est attachant. On ne peut pas en dire autant de nombre de personnages secondaires comme la sorcière des marais par exemple qui agace plus qu’elle n’amuse.
La Princesse et la grenouille diffère cependant des autres productions Disney par deux choses. Premièrement, son approche plus directe de la mort. On n’avait pas vu cela depuis Bambi, et la mort d’un personnage important, si elle est traitée sobrement et de façon poétique, est toutefois abordée sans ambigüité.
Deuxièmement, l’argent qui est ici un thème récurrent. Que ce soit le manque d’argent qui oblige les pauvres à se tuer au travail, le rêve d’argent pour accéder à son rêve ou l’abondance qui coupe du monde réel et au final pourrit, l’argent est le moteur principal qui fait avancer les personnages. En ces temps de crises financières mondiales et de l’accession d’Obama au pouvoir, La Princesse et la grenouille constitue assurément un dessin animé en prise avec son époque.
Au final, La Princesse et la grenouille n’est qu’une demi-réussite. On aurait aimé retrouver la folie d’Aladin, la profondeur de Mulan ou la musique du Livre de la jungle. On assiste juste à un spectacle correct, impeccable dans la forme mais qui manque cruellement de matière. Le niveau de qualité auquel nous a habitué le studio Pixar n’est pas atteint, attendons le prochain.