Gomorra est une peinture aussi réaliste que possible de l’intrusion de la camorra, la mafia napolitaine, dans la vie d’une dizaine de protagonistes dont nous suivons le quotidien durant quelques jours.
Entre film de fiction et documentaire (les noms des protagonistes sont fictifs mais les faits montrés s’inspirent d’évènements réels, ce qui a valu à son réalisateur une protection rapprochée suite à des menaces des mafieux qui se reconnaissaient un peu trop à leur goût dans le film…), Gomorra a le mérite de ne pas chercher à plaire à tout prix.
Les évènements et les personnages qui nous sont montrés sont brutaux et dénués de toute l’imagerie romantique, glamour ou simplement visuellement attrayante que pouvaient dégager le Parrain, les Affranchis ou Scarface. Ce dernier est d’ailleurs le modèle à suivre pour deux jeunes délinquants en devenir qui se voient comme les Tony Montana italiens et qui finiront aussi tragiquement que la plupart des protagonistes de ces histoires entrecroisées.
Entre enfouissements de déchets toxiques à proximité des zones habitées, enrôlement de gamins pour vendre de la drogue et exécution de femmes, l’image des mafieux en prend un coup et on comprend aisément que cette vision des choses n’ait pas plu à tout le monde.
Gomorra est donc un film choral souvent tourné caméra à l’épaule qui nous propose, en fonction des personnages que nous accompagnons, d’observer les différentes strates de cette redoutable organisation qui représente une part non négligeable de l’économie italienne, voire européenne.
Certains personnages profitent du système, la plupart le subissent, presque tous s’y font broyer. Entre rêve de réussite et d’argent facile, seul échappatoire à une existence vouée à la misère (ou vue comme telle) et système institutionnalisé auquel il est difficile de se soustraire quand on vit à Naples, la pieuvre napolitaine laisse peu de place à l’espoir et à une espérance de vie correcte. La seule limite de ce film direct et efficace se trouve sûrement dans l’écriture et la multiplicité des personnages et des intrigues secondaires que l’on peine parfois à suivre, entre guerre des gangs et trahison.
Là où Romanzo Criminale arrivait à transcrire de façon plus limpide, mais moins crédible, le récit d’une page de l’histoire italienne, Gomorra, de par son parti pris de cinéma qui colle au réel, peine parfois à trouver le souffle nécessaire pour emmener le spectateur dans cette spirale sans le perdre en route de temps en temps. C’est le moindre défaut de ce film courageux et nécessaire.