mercredi 27 septembre 2023

Acide

L’angoisse climatique comme point de départ d’un film fantastique naturaliste et intimiste, l’idée n’a rien d’originale mais elle aurait pu donner lieu à une course contre la montre tendue et ambitieuse avec son lot de scènes traumatisantes et une vision à la hauteur des enjeux, chronique d’une catastrophe depuis (trop) longtemps annoncée. 

Sauf que le nouveau film de Just Philippot passe complètement à coté de son sujet et sombre dans un maniérisme qui concentre presque tous les travers du cinéma français. 

Dés les premières scènes et l’introduction des principaux protagonistes, les personnages se révèlent rapidement insupportables. Guillaume Canet marche sur les plates-bandes de Vincent Lindon en incarnant un syndicaliste violent et radical dont la ligne de front se résume à considérer que tous les nantis sont des cons. Voilà pour le volet social. Son épouse Elise se raccroche à son frère pour résoudre ses moindres problèmes, et sa fille Selma assure le quota de l’adolescente révoltée. 

Mais au-delà de la caractérisation pour le moins discutable des personnages (on ne se saura rien de Michal si ce n’est son aversion envers les riches, ou considérés comme tels), l’autre problème du film tient à son interprétation et à la direction des acteurs. Si Guillaume Canet tire son épingle du jeu, on reste dubitatif devant les prestations de Laetitia Dosch et Patience Munchenbach qui semblent sortir tout droit du cours Florent et tirent jusqu’à la caricature les sautes d’humeur de leurs personnages. 

Ajoutons à cela des comportements incompréhensibles (la fuite de Selma à travers champs, ses récriminations à l’encontre de son père) et il ne reste d’Acide que quelques plans de toutes beautés et une ou deux scènes vraiment réussies. Suffisamment pour nous laisser entrevoir ce qu’aurait pu être le film, miroir à peine déformant d’une réalité de plus en plus angoissante. 

Il n'en reste que la chronique ampoulée d’une famille au bord du gouffre mêlant pathos et petite touche sociale avec pour toile de fond une nature meurtrière qui reste ce que le film a de mieux à nous offrir. Mieux vaut revoir La Tour de Guillaume Nicloux sorti l’année dernière pour se convaincre qu’en France aussi on sait faire des films de genre radicaux et sans concession.

dimanche 10 septembre 2023

Visions

Entre son métier de pilote de ligne, sa villa tout droit sortie d’un magazine de décoration, une alimentation équilibrée au gramme prés, un entrainement sportif millimétré et son mari médecin, la vie d’Estelle est réglée comme du papier à musique et semble sous contrôle. Tout sauf ce désir d’enfant qui lui échappe encore. La rencontre d’Ana, photographe sulfureuse et ancienne amante dans les couloirs d’un aéroport va venir perturber un quotidien sans aspérité. Et comme ce sont souvent les mécaniques les mieux huilées qui dérapent le plus violemment, les répercussions vont être dévastatrices pour tout le monde. 

Visiblement très inspiré par le milieu de l’aéronautique après Boite noire, Yann Gozlan se frotte cette fois ci au thriller paranoïaque sous influence. Et des influences, Visions en regorge. On pense bien sûr au Paul Verhoeven de Basic Instinct dont le thème principal composé par Jerry Goldsmith se retrouve par petites touches dans la bande originale du film de Yann Gozlan. On pourrait citer en vrac les décors branchés des deux films (la maison d’Estelle et celle de Catherine Tramell, les scènes en boites de nuit), l’érotisme trouble et le saphisme, la manipulation et le jeu de faux semblants. Difficile également de passer à coté des séquences de voyeurisme chères à Brian de Palma et de ne pas évoquer l’héritage d’Hitchcock qui va avec. 

Mais outre ces inspirations, Visions n’en garde pas moins une personnalité propre grâce à un scénario retors dont le dernier plan n’a pas fini de susciter les théories les plus folles, une mise en scène à l’esthétisme travaillé et une interprétation maitrisée malgré une distribution des rôles plutôt convenue. La blonde Diane Kruger en control freak à la beauté froide, la brune et hispanique Marta Nieto en élément perturbateur gentiment subversif et Mathieu Kassovitz en mari aimant et protecteur. 

Si le réalisateur parsème son film de petits cailloux blancs pour nous guider dans son scénario labyrinthique (les méduses comme symbole de culpabilité par exemple) et lorgne parfois du coté du fantastique sans nous asséner de réponse toute faite, Visions se cantonne dans une zone de confort sans risque en filmant des scènes érotiques trop sages pour l’enjeu du film. 

Là où Basic Instinct nous invitait à nous brûler les ailes, Visions se contente de nous émoustiller sans jamais mettre ses protagonistes en danger. C’est d’autant plus dommage que le film est maitrisé, peut être trop d’ailleurs, et qu’il nous trotte dans la tête longtemps après le générique de fin. Encore un peu de folie et nous tiendrons là un excellent thriller.