lundi 26 octobre 2020

Adieu les cons

Ils sont trois à trimballer leurs handicaps, leur mal de vivre, et leur incapacité à communiquer. Car le nouveau film d’Albert Dupontel ne traite que de ça, notre difficulté à franchir les ponts qui nous séparent des autres, nos collègues, nos voisins, nos proches dans un monde paradoxalement hyper connecté. 

Suze Trappé, une mère condamnée à la recherche de son enfant abandonné vingt-huit ans plus tôt ne nous apparait d’abord que dans le reflet d’images médicales, comme si elle n’existait qu’à travers cette maladie aussi soudaine que mortelle. 

JB est un informaticien suicidaire professionnellement relégué au second plan, incapable de communiquer autrement que par écran interposé. 

Monsieur Blin enfin est un archiviste aveugle dont la phobie de la police le condamne à une vie recluse. 

Ensemble ils vont vivre un dernier road trip qui les amènera à dévoiler enfin leurs vrais sentiments. 

Enthousiasmant dans l’installation de ses personnages et plus convenu dans sa seconde partie, Adieu les cons est surement l’un des films les plus maitrisés d’Albert Dupontel, et aussi l’un des moins frondeurs. Et ce manque de folie se ressent tout au long d’une histoire convenue, certes portée par une Virginie Efira solaire et une galerie réjouissante de seconds rôles, mais loin de l’esprit punk qui habitait Bernie. En un mot comme en cent, Adieu les cons manque cruellement de coups de pelles dans la gueule.

samedi 3 octobre 2020

Antebellum

Le long plan séquence qui ouvre le film donne le ton. Antebellum nous plonge dans l’Amérique sudiste des années 1860 et son esclavagisme, avec tout ce que cela comporte comme catalogue d’humiliations et de crimes envers une population noire soumise au joug des confédérés. C’est dans cet univers cauchemardesque que se retrouve Veronica Henley, auteure engagée dans la lutte pour l’émancipation des femmes et des noirs. 

Il ne faut pas plus de quelques dizaines de minutes pour que l’on devine le twist qui clôt le premier tiers du film. S’en suit un deuxième acte trop long et pour le coup presque anachronique malgré quelques fulgurances (la scène de l’ascenseur avec la petite fille fantomatique) et un malaise persistant. Et puis vient la conclusion avec cette image iconique de Janelle Monae traversant au ralenti les lignes confédérées sur un cheval au galop avec une hache à la main et une veste nordiste sur le dos. Une fin aux accents revanchards qui n’est pas sans poser un certain nombre de questions sur le message du film. 

De la même manière que Tarantino refaisait l’histoire et tuait pour de faux des nazis dans Inglourious Basterds, les deux réalisateurs font massacrer de faux sudistes (mais de vrais pervers) par une militante prônant la révolution lors de ses meetings. Cette révolution passerait donc par la loi du talion dans une reconstitution historique douteuse de l’une des périodes les plus noires des Etats Unis, allégorie à peine voilée mais un tantinet exagérée de la condition actuelle de la population noire américaine ? On peut s’interroger sur le bien fondé d’un tel discours à l’opposé de la doctrine non violente d’un Martin Luther King dans la société américaine actuelle déchirée par des tensions raciales sur fond de violences policières. 

On peut apprécier Antebellum comme un thriller cousu de fils grossiers mais suffisamment bien interprété et réalisé pour remplir son cahier des charges. On peut aussi rester perplexe sur la prise de position des réalisateurs qui, sous couvert de vengeance, transforme une militante des droits des femmes et des populations noires en furie meurtrière, acculée à utiliser les méthodes de ses pires bourreaux pour les vaincre. Une vision manichéenne de la lutte pour les droits civiques qui fait froid dans le dos.