En presque trente ans de carrière, Quentin Tarantino a toujours vénéré le cinéma comme vecteur de narration, utilisant (presque) toutes les ficelles du septième art, détournant les genres pour mieux les fondre dans un univers unique construit films après films, un patchwork de courants parfois oubliés qu’il remet au goût du jour avec plus ou moins de réussite.
Pour son neuvième (et avant dernier ?) film, il décide de nous emmener derrière le décor, ce qu’il n’avait qu’effleuré par le biais du cascadeur de Boulevard de la mort, et de nous plonger au cœur de l’industrie cinématographique dans ce qu’elle a de plus symbolique.
Nous voici donc à Hollywood en 1969, là où tout se décide, les réussites fulgurantes comme les descentes en flammes. Dans un univers où se côtoient les personnages réels (Sharon Tate, Roman Polanski, Charles Manson, …) et imaginaires (la star du petit écran Rick Dalton et son cascadeur attitré Cliff Booth), Tarantino nous convie à ce qu’il sait faire de mieux, un chassé croisé de destins entremêlés où petites et grandes histoires se marient dans un maelström de passion et de violence mâtiné d’humour noir. Pourtant ce nouveau film possède quelque chose de nouveau dans la filmographie du réalisateur, une patte plus affirmée teintée d’une nostalgie douce amère qui n’est pas loin de sonner comme le chant du cygne d’un cinéaste plus apaisé dans sa réalisation. En cela, Once upon a time… in Hollywood est certainement l’un des meilleurs films de Quentin Tarantino depuis Kill Bill volume 2.
Tout d’abord, Tarantino en passionné ultime sait s’entourer d’un casting trois étoiles et celui de son nouveau film est certainement l’un des plus impressionnant. Le duo entre Leonardo DiCaprio et Brad Pitt, tous les deux absolument impeccables dans des rôles complémentaires mais dissemblables, fonctionne à merveille, et Margot Robbie illumine le film d’une présence solaire. Passons sur une pléiade de seconds rôles parfaitement réussis qui sont depuis longtemps la marque de fabrique du réalisateur, ce dernier ayant compris dès le début que ces rôles dits mineurs assurent le véritable ciment du casting.
Alors que l’on suit les errements professionnels et les états d’âmes d’un acteur sur le déclin (ou ressenti comme tel), les évènements funestes qui vont conduire à la fin brutale du Flower Power par le biais de Charles Manson et de sa secte se profilent à l’horizon. Alors oui, on voit arriver le dénouement longtemps à l’avance non sans une certaine crainte, celle de renouer avec le final quasi risible d’Inglorious Basterds où le cinéaste modifie le cours des évènements avec une volonté presque enfantine de considérer le cinéma, et donc lui-même en tant que réalisateur, assez puissant pour réécrire l’histoire. Heureusement, et bizarrement, il n’en est rien. Si l’on verse bien dans l’uchronie attendue, celle-ci s’enchaine parfaitement dans le récit pour conclure le film sur une note d’un optimisme plus touchant que béat.
Alors oui, Once upon a time… in Hollywood n’échappe pas aux défauts récurrents du cinéaste, comme celui de se regarder filmer comme le montre au début du film ces plans insistants sur tel ou tel élément de décor pour souligner plus qu’il ne le faut la contextualisation de l’histoire. Mais encore une fois ce neuvième film fait preuve d’une maturité nouvelle de la part de celui que l’on a longtemps considéré comme un sale gosse doué mais turbulent. Témoin cette scène de flash back sur le bateau avec Cliff Booth et sa femme ou la visite de ce dernier dans le ranch occupé par les disciples de Charles Manson, un vrai modèle de tension sur le fil du rasoir. Alors que le récit pouvait sombrer à tout moment dans une violence exacerbée, le réalisateur prend une autre direction ou coupe la scène avant le dénouement, comme un clin d’œil complice à ses débordements de jeunesse. En attendant un final expiatoire où Tarantino se déchaine enfin pour une scène d’anthologie.
Si les quasi trois heures de Once upon a time… in Hollywood nous baladent sans une seconde d’ennui, on ne peut s’empêcher de regretter le traitement fait du personnage de Sharon Tate interprété par une Margot Robbie pratiquement relégué au rang de faire valoir. Un faire valoir de luxe servant de véhicule aux obsessions de Tarantino (sa fixation sur les pieds des femmes, les plans sur ses jambes) mais servis par quelques lignes de dialogue pour incarner un personnage au final assez fade. En comparaison, Margaret Qualley, la fille d’Andie MacDowell qui interprète Cat crève l’écran de part sa présence mais aussi l’écriture de son personnage qui lui permet d’exprimer toute sa personnalité.
C’est là le principal reproche que l’on pourra faire à ce film émouvant, une réflexion sur ce qu’implique être acteur dans tout ce que cela a de plus fragile et vain mais aussi de plus beau et nécessaire. Le traitement du personnage de Sharon tate n’en est que moins compréhensible. Gageons que son dixième film sera parfait.
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