samedi 18 mars 2017

Grave

S’il ne représente pas, comme on peut le lire un peu partout, le renouveau du cinéma fantastique français (quel cinéma fantastique français au fait ?), Grave n’en constitue pas moins une incursion bienvenue dans un genre sommes toute assez peu exploré dans nos contrées. 
Dès la première partie du film, la réalisatrice Julia Ducournau nous embarque en caméra embarquée dans le tumulte du bizutage d’une école vétérinaire. Et pour quiconque a un jour vécu ce genre de rituel, force est de constater qu’elle fait preuve d’un réalisme presque documentaire. C’est au milieu de ce déferlement d’alcool, de bruit et de fureur que Justine va révéler sa vraie nature. 
Impeccablement interprétée par la charismatique Garance Marillier qui est la vraie révélation du film, cette discrète jeune étudiante, végétarienne convaincue comme toute sa famille, va progressivement basculer vers les penchants les plus noires d’une personnalité jusqu’alors ignorée. Bouleversement des corps, passage de l’adolescence à l’âge adulte, plaisirs charnels, animalité et humanité, Grave brasse autant de thèmes et sème autant d’indices que le spectateur attentif voudra bien en remarquer pour se livrer à toutes les interprétations sur les sens cachés du film. Car c’est bien l’un des travers français que d’intellectualiser parfois à outrance ce qui pourrait n’être en fait qu’un conte macabre puisant dans la plus pure tradition des femmes prédatrices (sirènes, sorcières et consort). 
Baignant dans une atmosphère souvent onirique, Grave est un film sous influence. Julia Ducournau se nourrit et cite, consciemment ou non, la plupart des maitres du fantastique qui ont bercé notre adolescence cinématographique. Les personnages décalés (le vieux qui joue avec son dentier dans la salle d’attente par exemple) ainsi que les visions presque surréalistes de chevaux en plein effort ou de cadavres de chiens renvoient assez directement à l’univers de David Lynch tandis que la musique et certains éclairages (les couloirs de l’internat baignés d’une lumière rouge) ne sont pas sans évoquer Dario Argento et les Goblins. Enfin, difficile de ne pas penser à Cronenberg lorsque l’on mêle à ce point désir de chair et pulsions sexuelles. 
Ceci dit, le film n’en conserve pas moins un ton à part, mélange parfois maladroit d’humour noir, de pur film de genre (voir le dernier plan qui semble sortir tout droit d’un épisode de la Quatrième Dimension) et de fable initiatique sur le passage à l’âge adulte, voire d’allégorie sur la sexualité féminine. 
Formellement très soigné, Grave se veut transgressif mais ne possède pourtant pas l’impact émotionnelle du magistral It Follows sur des thèmes finalement assez proches. Qu’importe, le film n’en reste pas moins une vraie réussite, certes imparfait mais qui, débarrassé des oripeaux de ses questions existentielles, nous emmène vers des contrées suffisamment tordues pour susciter un véritable plaisir même pas coupable.

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