On peut reprocher beaucoup de chose à Gore Verbinski, mais certainement pas sa générosité. Une générosité qui frôle la gourmandise lorsqu’il bourre ses blockbusters de scènes d’anthologie (Pirates des Caraïbes, Lone Ranger) et qui sombre aussi parfois dans l’indigestion comme c’est malheureusement le cas pour ce Cure of Life pourtant prometteur.
Avec son remake plutôt réussi du Ring de Hideo Nakata, le réalisateur a prouvé qu’il savait susciter l’horreur avec une imagerie certes sophistiquée mais néanmoins personnelle (comme en témoigne par exemple le symbole sacrificiel des gros animaux, le cheval dans Le Cercle, le cerf et la vache dans A Cure for Life). Il récidive ici avec une histoire qui mêle malédiction ancestrale au cœur de l’Europe (terre de légende pour nos voisins américains), expériences contre nature et mythe d’immortalité tout en n’oubliant pas au passage de porter un bon coup de griffe à une industrie qui l’a laissé à genoux après l’échec critique et commercial de Lone Ranger.
SPOILERS Car comment ne pas voir une allégorie revancharde dans cette cure qui extrait un fluide vitale du corps desséché de ces vieux riches qui n’ont eu de cesse toute leur vie durant de pressuriser leurs employés et leurs associés dans une course sans fin au pouvoir et à l’argent ? FIN DES SPOILERS
Formaliste abouti, Gore Verbinski s’intéresse finalement davantage à la façon d’illustrer son histoire qu’à l’intrigue elle-même qu’il étire inutilement pendant toute la seconde partie du film. Jouant sur les formes (le cercle, justement, revient régulièrement avec le bassin autour duquel tourne Hanna, l’œil de la mère de Lockhart) et les scènes les plus surréalistes (le cerf qui déambule dans le sanatorium), le réalisateur arrive en quelques plans à imposer une vision dérangeante en citant, volontairement ou non, nombre de films passés. La ressemblance troublante entre Dane DeHaan et Leonardo DiCaprio jeune ainsi que l’atmosphère onirique du film renvoie en effet au Shutter Island de Scorsese, mais le réalisateur puise surtout aux racines du cinéma d’épouvante européen en invoquant aussi bien le monstre de Frankenstein que le Fantôme de l’Opéra.
Il en résulte une immersion progressive dans un monde inquiétant où le spectateur perd pied en même temps que Lockhart et n’arrive bientôt plus à démêler le vrai du faux, le fantasme du réel. Malheureusement, le film se perd dans une seconde partie qui étire interminablement une intrigue qui se complexifie et s’étiole au fil des minutes pour aboutir enfin à un final libérateur qui aurait dû arriver une heure plus tôt.
Indécrottable batteur de foire, Gore Verbinski en fait trop et c’est d’autant plus dommage qu’il montre une vraie capacité à instaurer un sentiment de peur et de danger, à marcher sur le fil ténu qui sépare le rêve du cauchemar, la folie de la raison. Ce qui n’est pas donné à tout le monde.
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