vendredi 10 juin 2016

Elle

Ce qui surprend en premier lieu dans le nouveau Paul Verhoeven, c’est son absence totale d’érotisme. Les personnages baisent ou parlent plus ou moins ouvertement de sexe une scène sur deux, la sexualité libre, refoulée ou imposée est l’un des thèmes centraux du film qui pourtant ne laisse apparaitre que malaise et sadisme, perversion (physique et morale) et animosité, mais jamais d’érotisme qui demeure pourtant l’une des marques de fabrique du réalisateur hollandais. 
Qu’il soit délibérément absent de ses histoires pour marquer le totalitarisme des sociétés décrites (Robocop, Starship Troopers) ou au contraire magnifiquement exacerbé (La chair et le sang, Basic Instinct, Black Book et même Show Girls), le sexe chez Paul Verhoeven est toujours intimement lié à la violence et à la mort. Perverti à outrance dans Elle, le sexe apparait davantage comme une ultime manière d’exister pour des personnages à la dérive que comme une véritable source de plaisir. Brutal ou apathique, les relations charnelles entre les protagonistes de Elle ne mène à rien sinon au néant. Et c’est bien ce vide abyssal qui se cache derrière de fragiles bonnes manières que le réalisateur se plait à mettre en scène. 
En plantant son décor dans la bourgeoisie parisienne, Paul Verhoeven filme avec délectation une galerie d’hommes et de femmes qui tutoient la folie, et dont le vernis civilisé craque sous la pression de pulsions peu avouables. On pense bien sûr à Claude Chabrol mais aussi au David lynch de Blue Velvet et au Luis Buñuel du Charme Discret de la Bourgeoisie. Si le choix d’Isabelle Huppert, parfaite dans le rôle de cette femme qui, sous couvert de contrôle de sa vie frôle constamment l’abime, parait s’imposer comme une évidence (comment ne pas penser à La Pianiste ?), on ne peut que regretter l’absence d’une Sharon Stone un moment envisagée pour interpréter Michèle. Le film aurait gagné en sensualité ce qu’il aurait peut-être perdu en folie malsaine mais lorsque l’on sait comment le réalisateur transcende ses rôles féminins, on peut trouver dommage qu’il n’ait pas opté pour une interprète moins glaciale. 
Au final, Elle ressemble presque à un aparté surréaliste dans la filmographie du cinéaste, un film qui oscille constamment entre comique décalé, thriller (encore que cet aspect soit de loin le moins intéressant) et autopsie brutale d’une certaine frange de la société française. Un film étrange dont on ressort dubitatif, partagé entre malaise, amusement et circonspection.

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