Une petite ville d’Andalousie dans l’Espagne post franquiste des années 80. Deux policiers antinomiques débarquent pour enquêter sur la disparition de deux jeunes adolescentes. Dès les premières images du film durant lesquelles une vue aérienne préfigure les circonvolutions d’un cerveau humain, on se laisse emmener dans un voyage au cœur des ténèbres, dans une société en pleine mutation qui cache les plus noirs dessins de pervers en tous genres.
Juan, flic coriace et malade, en fin de carrière dissimule un lourd secret. Pedro lui est un jeune policier idéaliste, plein de doutes et bientôt père de famille. A eux deux, ils symbolisent les deux facettes de cette société espagnole en train de tourner le dos à un passé fasciste pour se tourner vers une démocratie encore incertaine. Car les rancœurs ont la vie dure et le passé est parfois lourd à porter. Mais comment construire son avenir, bâtir pour ses enfants sans regarder en face l’histoire récente de son pays ?
Bien plus qu’un thriller, par ailleurs parfaitement maitrisé, La Isla mínima se paye aussi le luxe d’être un film social, l’étude anthropologique d’un microcosme qui vit replié sur lui-même, les deux pieds dans le passé alors que la modernité (les revendications salariales des ouvriers, le désir des jeunes filles de quitter le village, le travail des femmes) frappe à sa porte. Certes, le réalisateur Alberto Rodriguez n’hésite pas à puiser aux sources des plus grands classiques pour nourrir son film. On pense à David Fincher (Zodiac), David Lynch (Twin Peaks) et bien évidemment à la saison 1 de True Detective. Mais cela n’empêche pas La Isla mínima d’avoir son identité propre grâce à une interprétation au cordeau de l’ensemble du casting, dominé par le duo Raúl Arévalo et Javier Gutiérrez, au soin tout particulier apporté à la photographie qui sert une atmosphère poisseuse et envoutante.
Le film n’est pas exempt de quelques défaut, comme ce sentiment que tout est trop millimétré, chaque indice étant distillé au bon moment, chaque rencontre, même fortuite, arrivant à point nommé. Il manque surement un brin de folie pour transformer ce film excellent en chef d’œuvre, mais comment ne pas rester scotché par le simple fait qu’une course poursuite nocturne en Dyane Citroën et en pleine campagne procure dix fois plus de frissons que tout ce que l’on a pu avoir ces dernières années avec des dizaines de voitures de luxe s’encastrant les unes dans les autres ?
Comme souvent, c’est une fois encore le voyage qui importe plus que la destination. L’intérêt du film ne résulte pas tant dans la révélation finale que dans le parcours intérieur des différents protagonistes et dans le processus narratif, maitrisé de bout en bout par un réalisateur qu’il sera urgent de suivre.
On se surprend alors à rêver d’un film français mettant en scène un policier ou un militaire, ancien tortionnaire de la guerre d’Algérie, non pas parce que c’est fun ou branché, mais parce qu’un réalisateur et un producteur auront eu le courage de regarder la passé de notre pays dans le blanc des yeux.
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