Drôle de film que ce Noé, mélange aussi improbable qu’hétéroclite entre morceaux de bravoure héroïques et passages d’une naïveté désarmante. Il faut dire que l’histoire, inspiré de l’Ancien Testament, n’est pas commune, et que selon les sensibilités (que l’on croit que le monde a été créé par Dieu en sept jours ou que l’on soit adepte de la théorie de l’évolution), on l’appréhendera forcément de manière différente. Et c’est bien là que le bât blesse. Car incapable de choisir son camp, Darren Aronofsky livre un film fourre-tout, iconoclaste, qui oscille constamment entre des éclairs de génie et une imagerie pieuse on ne peut plus basique. Car Noé, s’il n’est pas exempt de défauts, est avant tout un film maitrisé porté par des interprètes talentueux, illustré par des images de synthèse parfaitement intégrée à l’histoire et des décors somptueux, et porté par un souffle épique parfois digne du Seigneur des Anneaux. Et les références cinématographiques ne s’arrêtent pas là. Présenté comme un guerrier solitaire poussé malgré lui vers le statu de héro sacrificiel dans un monde post, ou pré apocalyptique, Noé n’est pas sans rappeler la figure de Mad Max dans les épisodes deux et trois.
Porté par des scènes à couper le souffle, comme ces naufragés accrochés à leur rocher qui hurlent au milieu d’une tempête titanesque ou la scène de l’assaut de l’Arche que n’aurait pas renié Peter Jackson, Noé n’en demeure pas moins bancal.
Témoin cette scène où Russel Crowe raconte à sa famille la création du monde par Dieu. L’histoire est illustrée en accéléré par des scènes montrant l’évolution de la vie, du vide intersidéral à l’amibe puis à l’organisme pluricellulaires, le poisson, le reptile, l’oiseau et le mammifère. Transition avec un fondu au noir pour passer à Adam et Eve, deux êtres lumineux qui batifolent dans le Jardin d’Eden avant que le Serpent ne vienne briser ce bel équilibre. Prenons encore pour exemple la figure de Noé, père et cultivateur qui fuit la compagnie des hommes, confronté à Tubal Caïn, roi cruel, amateur de viande donc forcément mauvais (Darren Aronofsky va même jusqu’à transformer son peuple en anthropophage pour bien enfoncer le clou (la viande corrompt plus qu’elle ne nourrit). C’est là tout le paradoxe du réalisateur qui oscille entre le darwinisme et l’imagerie chrétienne, comme s’il avait eu peur de son sujet et avait à cœur de contenter tout le monde.
C’est d’autant plus dommage que le réalisateur de Requiem for a Requiem for a dream, avec déjà la toute belle Jennifer Connelly, nous laisse entrevoir ce qu’aurait pu être son film au travers de quelques scènes d’une puissance phénoménale.
Oscillant entre film à grand spectacle et fresque humaniste, plombé par les convictions écolos du réalisateur et sa peur devant un sujet aussi chargé d’histoire et de symboles, Noé reste un patchwork certes stylisé, pas vraiment désagréable mais tellement loin de ce que l’on pouvait en attendre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire