Elle s’appelle Jasna, elle a seize ans, et elle pourrait sortir d’un film de Larry Clark. A la différence prés qu’elle ne vit pas dans une banlieue américaine mais en Serbie. Et quoi que l’on en dise, les adolescents du monde entier ne se ressemblent pas. Même si le film n’aborde jamais le sujet directement, la guerre a laissé des traces. De la perte de certaines valeurs au nationalisme exacerbé des bandes de jeunes, rien ne sera jamais comme avant. C’est dans ce contexte qu’évolue Jasna, entre un père malade qui lui fait honte, une mère qui se tue au travail, des copines aussi paumées qu’elle et un garçon qui ne la regarde pas malgré tous ses efforts. Comme beaucoup de jeunes de son âge, Jasna essaie d’exister, de trouver le chemin qui fera d’elle une adulte. Faute de quoi elle se réfugie dans une imagerie mêlant pornographie et matérialisme effréné. Isidora Simijonovic qui incarne le personnage principal livre une prestation impressionnante, toute en colère intérieur ou au contraire charmeuse et envoutante. A ce titre, la scène érotique où elle mime un chien dans la chambre de son jeune amant est proprement hallucinante.
La réalisatrice Maja Milos traite son sujet frontalement, ne cherchant pas d’échappatoire pour décrire cette jeunesse à la dérive qui partage son temps entre sexe et drogue. Les scènes de sexe, clairement doublées, nous sont balancées en pleine figure. Il y a d’ailleurs plus de désespoir que d’amour dans ces relations mécaniques calquées sur l’univers du X.
Alors oui, le sujet rappelle bien Larry Clark, mais la différence s’arrête là. Car là où le réalisateur américain partage une certaine empathie avec ses personnages et laisse entrevoir une porte de sortie, même illusoire (voir la très belle scène de fin de Ken Park), Maja Milos ne leur accorde aucune chance de salut.
Le film se termine sur une scène désespérante qui conditionne le devenir de Jasna et de son amant. Elle embrasse un autre garçon, il la cogne, elle prend cela comme une preuve d’amour et retombe dans ses bras. Glaçant.