samedi 14 décembre 2024

Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim

Spider-Man : Across the Spider-Verse, Les Tortues Ninjas, Transformers : le commencement, le renouveau des séries à succès de la pop culture semble passer par les animés davantage que les suites exsangues produites à la chaine par des studios en mal d’inspiration. 
Si ce prequel à la trilogie de Peter Jackson ne se hisse malheureusement pas à la hauteur des films précédemment cités, il n’en demeure pas moins une pierre supplémentaire dans un édifice solide que l’on n’a pas fini d’explorer. 
Réalisé par le japonais Kenji Kamiyama, cet épisode fondateur de la dynastie des seigneurs du Rohan situé quelques deux cents ans avant la quête de Frodon déroule un scénario au final assez convenu de quête de pouvoir, trahison, amour déçu et révolte féministe en reprenant un bestiaire restreint et déjà vu (les oliphants et les aigles), ainsi que des personnages attachants pas toujours servis par une animation à deux vitesses. 
On passe ainsi de magnifiques morceaux de bravoure (l’avènement de la tour de siège, le vol des aigles) à des séquences à peine dignes d’un OAV des années quatre-vingt. 
La splendide bande originale aux accents martiaux ne suffit pas toujours à porter cette Guerre des Rohirrim qui aurait mérité plus de souffle, d’inventivité et un dessin à la hauteur de ses enjeux, celui d’une jeune guerrière libre et indépendante, fille de Helm Poing-de-Marteau qui va devenir la légendaire Héra et croiser la route d’un certain Gandalf le gris. Mais ceci est une autre histoire

samedi 30 novembre 2024

Heretic

Le début d’Heretic renvoie presque au plan près à l’introduction de Knock Knock sorti en 2015 : deux charmantes jeunes filles trempées par la pluie frappent à la porte d’une maison isolée habitée par un homme seul. La ressemblance s’arrête là car, alors que le danger vient de l’extérieur dans le thriller horrifique d’Eli Roth, c’est bien dans les méandres de cette étrange demeure que vont se retrouver piégées les deux missionnaires mormones venues convertir un retraité moins inoffensif qu’il n’en a l’air. 
Le concept de départ s’avère d’emblée passionnant lorsque le personnage campé par un Hugh Grant, visiblement très investi dans son rôle, déroule sa rhétorique autour de son rapport aux religions tandis que la caméra du duo Scott Beck et Bryan Woods installe par petites touches d’abord imperceptibles un climat de tension de plus en plus inquiétant. 
Tant que la parole se substitue aux actes pour distiller la peur, le jeu du chat et de la souris s’avère passionnant dans sa première manche avant de s’étirer en longueur et de montrer les limites du système. 
Très vite, un ennui poli s’installe avant que le film ne bascule dans une seconde partie plus convenue où, malgré tous les efforts de son interprète, M. Reed ne parvient plus que rarement à incarner une menace crédible. 
Avec un concept assumé jusqu’au bout et une petite demi-heure en moins Heretic aurait pu s’inscrire dans la lignée des meilleurs films d’épouvante de ces dernières années. L’intention est là mais le résultat n’est hélas pas à la hauteur de l’idée de départ.

dimanche 24 novembre 2024

Gladiator 2

Rome lui a tout volé. Ses parents, son enfance, son peuple adoptif, sa femme qu’il jure de venger avant de traverser à son tour le fleuve des morts. 
Alors quand, au détour d’une conversation avec sa mère dans une geôle romaine, Lucius s’érige soudainement en défenseur de la cité contre la tyrannie et la corruption qui la rongent, on est en droit de trouver le revirement de situation un peu rapide. 
Et pour cause, cette suite inattendue au premier opus de Ridley Scott vingt-quatre ans plus tard ne s’embarrasse pas de vraisemblance historique ou même scénaristique et s’évertue avant tout à proposer un spectacle quasiment ininterrompu de combats épiques et de complots dans une Rome plus décadente que jamais. 
Alors que le Gladiator premier du nom déroulait la destinée d’un homme liée à la Grande Histoire en prenant pour théâtre les arènes de gladiateur, cette suite tardive emprunte le chemin inverse et fait la part belle aux combats tous plus jouissifs les uns que les autres (aux tigres de Russel Crowe succèdent des singes agressifs, un rhinocéros brutal et même des requins amateur de chair humaine) dans une succession de revirements de situations dont la seule légitimité semble tenir au souvenir de Marc Aurel mainte fois cité au cours du film. 
Malgré un casting des plus intéressants (Pédro Pascal en général fatigué et Denzel Washington en intriguant vénéneux), un duo d’empereurs décadents que n’auraient pas reniés Tinto Brass ou Fédérico Fellini et une réalisation toujours aussi maitrisée, on appréhendera ce Gladiator 2024 sous l’hospice du péplum généreux et, reconnaissons-le, totalement jouissif plutôt que de la fresque à la fois intime, historique et politique qui faisait tout le sel de son prédécesseur.

samedi 16 novembre 2024

The Substance

Le mythe de Faust patiné d’une touche de Dorian Gray et de Docteur Jekyll and Mister Hyde, brûlot féministe et charge contre le culte de l’image et l’instrumentalisation des corps, clins d’œil appuyés aux maitres de l’horreur transatlantique (Cronenberg, Lynch, Kubrick), body horror inspiré par Brian Yuzna période Society, performance d’actrices et crescendo dans l’horreur jusqu’à la saturation, The Substance est tout cela à la fois et même un peu plus, trop sans aucun doute. 
En étirant sur deux heures vingt le pitch d’un moyen métrage, Coralie Fargeat prenait le risque de la démesure un peu forcée et de la saturation des spectateurs. Son nouveau long métrage n’évite malheureusement pas ces écueils malgré d’évidentes qualités graphiques. 
Servi par une image clinquante comme l’était Revenge sorti quatre ans plus tôt, The Substance souligne grossièrement chaque idée de mise en scène au risque de prendre le spectateur pour un demeuré incapable de saisir le propos de la réalisatrice. Gros plan sur le visage du producteur aux toilettes pour souligner sa vulgarité, gros plan sur sa bouche et ses doigts tâchés de mayonnaise pour imager son avidité, sirènes d’alarme pour annoncer le danger, Coralie Fargeat n’y va pas avec le dos de la cuillère et se complait dans une esthétique clinquante avec le risque de laisser le spectateur à distance. Incapable de freiner la montée en puissance d’un film qui semble lui échapper, elle conclut par une frénésie horrifique interminable qui frôle le ridicule en se réclamant d’un pied de nez libérateur aux conventions hollywoodiennes.
C’est d’autant plus dommage que le film regorge d’idées et que les performances de Demi Moore et Margaret Qualley prisonnières l’une de l’autre à leurs corps défendants sont en tous points de vue exceptionnelles. 
En traversant l’Atlantique, la réalisatrice française bouscule les codes en faisant preuve d’un formalisme brillant mais trop tape à l’œil pour être honnête, à la manière de ces verroteries que l’on admire de loin sans oser y toucher alors qu’il faudrait s’en emparer corps et âme pour en apprécier toute la valeur.

vendredi 1 novembre 2024

Anora

Lorsqu’elle rencontre le prince charmant dans sa boite de strip-tease aux confins de Brooklyn, Anora pense toucher le gros lot. Elle troque son string à paillette pour un manteau en zibeline et sa barre de lap-dance pour l’intérieur soyeux d’une voiture de luxe ou d’un jet privé. 
Le bal dure une semaine entière, de boites de nuit branchées en appartements luxueux, jusqu’à ce que minuit sonne et que le carrosse se transforme en citrouille quand débarquent le roi débonnaire et la reine intransigeante. Et lorsque les masques tombent, l’argent ne parvient plus à dissimuler la vraie nature des gens. 
Le prince charmant redevient le gamin pourri et égoïste qu’il a toujours été, la reine mère achète sa tranquillité à grands coups de dollars et de menaces et Anora revient à son point de départ car, comme le chantait les Rita Mitsouko en 1986, les histoires d’amour finissent mal en général.
Dés les premières images, le réalisateur Sean Baker introduit son héroïne (impressionnante Mikey Madison) au travers de son corps et de son rapport aux hommes. Battante, grande gueule et survivante, Anora vit de ses charmes sans rien attendre du lendemain ni de son prochain. L’avenir lui donnera raison après une parenthèse enchantée dont elle ne ressortira pas indemne. 
Malgré une durée un peu excessive et quelques longueurs, Anora dresse le portrait de personnages atypiques comme les affectionne le cinéma indépendant américain, et prend systématiquement le spectateur à contre-pied en multipliant les références pour mieux les contourner. 
Films de gangster sans l’ombre d’une arme, thriller sans mort, comédie grinçante, Sean Baker s’amuse avec une galerie de personnages aux réactions imprévisibles et aux comportements irrationnels dont l’alliance contre nature aboutira à un épilogue d’une brutalité parfaitement rationnelle. Entre le cinéma réaliste d’Abel Ferrara et l’absurdité revendiquée des frères Cohen, Anora multiplie les clins d’œil au cinéma de Scorcese tout en évitant une violence sous-jacente systématiquement désamorcée. 
Obnubilé par le langage corporel, Anora ne cesse de s’égosiller alors que son vrai pouvoir sur les hommes passe par son corps, tandis qu’Igor est sensé s’imposer par son physique alors que ses rares paroles font mouche à chaque fois, Sean Baker condense en un seul film le portrait d’une certaine Amérique laissée pour compte, les ravages de l’argent sur les corps et les âmes et le désespoir larvé d’une jeune fille rythmé par le bruit des essuis glaces sur un pare-brise enneigé.
Comme si Pretty Woman se prenait en pleine face le mur d’une réalité bien trop réelle pour être assimilée à un conte de fées.

lundi 21 octobre 2024

L'Amour ouf

Ils n’auraient jamais dû se rencontrer, et s’aimer encore moins. Elle avec le deuil de sa mère en bandoulière, élève appliquée au caractère bien trempé enfermée avec son père dans une solitude de survivants. Lui et son sourire frondeur, les poings en avant pour frapper avant d’avoir mal, élevé à coups de taloches et du mépris des institutions. 
Entre les docks prolétaires et l’effervescence du lycée, les arrangements minables et les coups foireux, entre le confort d’une vie bourgeoise et les années de taule, Jackie et Clotaire vont se reconnaitre, s’aimer, se perdre et, peut-être, se retrouver. 
L’Amour ouf appartient à ces films généreux et foutraques, vibrant d’un amour sincère du cinéma et mangeant à tous les râteliers, débordant d’une énergie folle et parfois épuisante, mais tellement enthousiasmant qu’on leur pardonne leurs maladresses, au point de se demander si elles ne font pas partie intégrante de la réussite du projet. 
Il n’est pas si courant de sentir vibrer une telle énergie dans une salle de cinéma et, disons-le, encore moins en France. Mariage presque miraculeux entre une réalisation inventive et particulièrement léchée, une bande son délicieusement nostalgique, une distribution absolument impeccable servie par des dialogues au cordeau et une galerie de seconds rôles tout simplement parfaits, le deuxième film de Gilles Lellouche, pourtant adapté d’un roman de Neville Thompson, ressemble à s’y méprendre à la version filmique de l’univers du romancier Nicolas Mathieu. 
On pense notamment à Leurs enfants après eux dans cette chronique d’une adolescence un peu zonarde, Aux animaux la guerre et sa délinquance de province, Connemara, et ce désir toujours prégnant de dépasser sa condition sociale. 
De ce maëlstrom de violence et d’amour entremêlées ressort au final l’espoir d’une vie qui ne se résume pas (seulement) à des aspirations matérielles et cette envie irrépressible de (re)tomber amoureux.

dimanche 20 octobre 2024

Smile 2

De Ring à It Follows, le thème d’une malédiction se propageant de corps en corps a, par son caractère inéluctable et profondément intime, engendré quelques-uns des films les plus effrayants de ces dernières années. Deux ans après le premier opus mis en scène par David Robert Mitchell, le réalisateur Parker Finn reprend une formule identique transposée dans le monde du show-business. 
La psychiatre Rose Cotter traumatisée par le suicide de sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant est ici remplacée par la pop star et ancienne junkie Skye Riley à peine remise d’un accident de voiture qui a couté la vie à son fiancé. Troubles psychologiques, drogue et pression médiatique, le terrain idéal pour que le cauchemar recommence. 
Engagé sur le chemin balisé de l’épisode précédent fait de jump scares et d’une tension permanente plutôt efficace, cette suite indirecte trouve son propre ton en explorant la face cachée d’une Taylor Swift version névrosée, incapable de différencier ses hallucinations d’un quotidien de plus en plus oppressant. 
Campée par une Naomi Scott diablement convaincante dans un rôle casse gueule, cette star médiatique sous pression constante et constamment soumise aux regards des autres est le parfait réceptacle d’une malédiction basée sur la folie et l’altération de la réalité. 
En dépit d’un final qui frôle la sortie de route avec une créature en CGI sortie de nulle part et de quelques faiblesse scénaristiques (mais où est donc passé le personnage de Morris après l’épisode de la chambre froide ?), Smile 2 s’acquitte à merveille de son statut de film d’épouvante, sans révolutionner les codes du genre mais avec une application qui force le respect.