dimanche 26 juin 2022

Black Phone

Un groupe d’adolescents confrontés à une violence quotidienne et une menace diffuse dans une banlieue résidentielle américaine, un tueur cathartique qui symbolise à lui seul toutes les terreurs infantiles, la religion omniprésente, à la fois planche de salut et facteur d’exclusion, le tout vu et vécu à hauteur d’enfants qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir sans l’aide des adultes. Il règne un parfum connu sur ce film, et pour cause. Black Phone est l’adaptation d’un roman de Joe Hill, fils de Stephen King qui reprend avec justesse les thèmes qui ont cimenté la plupart des romans de son père. 

Dans Black phone, les monstres sont partout. Au sein de la cellule familiale sous les traits pourtant familiers d’un père à la dérive, dans les couloirs du lycée où rodent des tyrans en puissance, dans les rues de la banlieue pavillonnaire, terrain de chasse d’un tueur en série kidnappeur d’enfants, dans la cellule de l’Attrapeur enfin, hanté par les âmes de ses précédentes victimes. 

Solidement écrit et interprété, Black Phone doit sa réussite à la justesse avec laquelle le film dépeint ses jeunes protagonistes, cette capacité de se placer à leur hauteur et de nous faire vivre un quotidien parfois tout aussi éprouvant que la terreur inspirée par un croquemitaine glaçant. 

A mi-chemin entre thriller pur, chronique adolescente et fantastique, Black Phone se démarque aisément des productions actuelles par ce refus des compromis, le film est psychologiquement éprouvant, une volonté évidente d’ancrer l’élément fantastique dans une réalité tangible et une véritable empathie envers une galerie de personnages écrits avec soin. Une belle réussite qui nous rappelle qu’outre la mise en scène et l’interprétation, la véritable réussite d’un film passe avant tout par l’écriture.

dimanche 12 juin 2022

Men

Harper sort d’une relation pour le moins traumatisante avec son défunt mari et décide de s’isoler dans un cottage perdu en pleine campagne. En arrivant, elle croque une pomme cueillie dans le verger et permet au mal (au mâle ?) de s’immiscer dans ce qui devait être son jardin d’Eden. Car oui, le nouveau film d’Alex Garland est truffé de références religieuses et de symboles païens comme autant de balises disposées çà et là pour accompagner le spectateur le long d’un voyage éprouvant et pour le moins cryptique. 

Men peut s’interpréter comme une fable sur la domination toxique des hommes envers les femmes autant qu’un voyage dans la psyché torturée d’une héroïne qui sombre inéluctablement dans la folie. Les hommes que croise Harper, d’ailleurs tous interprétés par le même acteur, sont autant de menaces plus ou moins explicites alors que les seuls personnages sur lesquels elle peut compter (l’officier de police et sa meilleurs amie) sont des femmes. Ces hommes revêtus d’une autorité religieuse, policière ou entités quasi surnaturelles vont d’ailleurs finir par s’absoudre de la dernière prérogative des femmes, la maternité, pour enfanter eux même leur propre descendance, toujours plus toxique, toujours plus agressive. Et que dire de ce long tunnel obscur au bout duquel pointe une menace diffuse sinon qu’il renvoie directement à l’inconscient d’une jeune femme traumatisée à vie. 

Tour à tour inquiétant, franchement effrayant et toujours sujet à de multiples interprétation, Men donne matière à réfléchir et renvoie dos à dos des générations d’hommes dominateurs et de femmes humiliées dont la délivrance se fera forcément dans la douleur. 

Ce qui pourrait n’être qu’un pamphlet féministe de bas étage devient au contraire un film envoutant à l’atmosphère trouble, en équilibre constant entre rêve et réalité, folie et conte, onirisme et monstruosité, dont les hommes ne sortent pas grandis.

samedi 4 juin 2022

Top Gun – Maverick

On se croirait revenu en 1986 avec Tony Scott aux commandes, match de football sur la plage et fond de soleil couchant, amitiés viriles, rivalités exacerbées, dépassement de soi, fraternité militaire et Tom Cruise bien sûr, omniprésent et indéboulonnable. 
Ce qui n’aurait pu être qu’un véhicule de plus pour égo de star se révèle au final un blockbuster pur jus, efficace et tellement habité par ses archétypes qu’il en devient presque touchant. Car au-delà d’une suite du film original, Top Gun – Maverick se veut aussi une réflexion sur le statu de star, miroir troublant pour sa figure de proue qui interroge ainsi ses propres peurs. 
Vieillir, être remplacé, assurer le passage de la nouvelle génération sans trahir son propre passé. Autant de questions existentielles qui font du film un passage de relais attachant et un film d’action sans temps morts d’une sincérité bienvenue. 
Top Gun – Maverick joue à fond la carte iconique et le grand spectacle assumé, basique certes, mais diablement enthousiasmant.