jeudi 27 juin 2013

Man of Steel


Il y avait pourtant beaucoup de bonnes fées penchées sur le berceau de cette nouvelle adaptation de Superman. Zack Snyder aux commandes, Christopher Nolan à la production, une distribution prestigieuse, Hans Zimmer pour la musique, des effets spéciaux à couper le souffle et une vague porteuse pour les films de super héros. Alors que s’est il passé en route ? Non pas que Man of Steel soit complètement raté, loin de là. Mais réunir autant de compétences pour accoucher d’un film aussi bancal est tout simplement incompréhensible. Commençons par le meilleur. Le film débute sur Krypton et nous convie à une première partie époustouflante. La planète est menacée, par une guerre civile autant que par l’anéantissement. Dans ce chaos nait un bébé qui sera envoyé sur Terre par ses parents avant la destruction totale de Krypton. Zack Snyder fait à nouveau la démonstration de sa parfaite maitrise du spectacle de haut vol en filmant une planète mourante et un peuple qui se déchire. Nous retrouvons ensuite Clark Kent devenu un solide jeune homme errant sur les routes. Et les choses se gâtent à partir de la scène se déroulant sur la banquise, lors de la découverte d’un vaisseau extra terrestre et de l’apparition de Lois Lane.
A partir de ce moment là, l’histoire accumule les incohérences et les dialogues idiots, comme s’il n’y avait plus de scénariste à bord. Un exemple parmi tant d’autre, lorsque le général Zod embarque Superman à bord de son vaisseau et demande à ce que Lois Lane l’accompagne. Pour quelle raison s’embarrasserait il d’une terrienne ? Aucune si ce n’est justifier la suite de l’histoire. De même, le réalisateur aborde sans trop y toucher une analogie entre le super héros et le Christ lui-même. Son père adoptif Jonathan Kent ne cesse de lui parler de miracle et de sacrifice, son père biologique Jor-El lui prédit qu’il sera un dieu pour les hommes, et nous apprenons même que Clark Kent a trente trois ans au moment où se déroule l’histoire, l’âge du christ quand il fut crucifié. Pourquoi pas, l’idée est intéressante, alors pourquoi ne pas l’exploiter jusqu’au bout ?
Et le film ne souffre pas seulement d’un manque flagrant d’écriture. Il faut voir le réalisateur se prendre pour Terrence Malick quand il filme la nature et la ferme des époux Kent. Ou la démesure de la bataille finale entre Clark Kent et Zod, dont l’objectif semble être de démolir le plus de buildings possible, sans trop s’éloigner de Lois Lane si possible. Et quand il n’y a plus rien sur Terre qui tienne encore debout, ils s’envolent dans l’espace pour se jeter un satellite à la figure. Henry Cavill, qui était royal dans la série les Tudors, se contente ici du strict minimum, dégageant autant de charisme qu’une endive.
Ces manques sont d’autant plus pénibles que le film comporte des moments de bravoure intelligemment mis en scène. Les vingt premières minutes sur Krypton laissaient présager du meilleur. De même, l’affrontement entre Superman et Faora-Ul avec l’armée entre les deux est magistralement mise en scène.
Alors certes, Superman n’est pas un super héros comme les autres. C’est un extra terrestre qui se déguise pour se fondre parmi les humains, alors que ses semblables, Batman en tête, sont des hommes, ou des femmes, qui se déguisent pour combattre le crime. La démarche est donc inverse et peut être plus difficile à exploiter. Il est plus facile de s’identifier à un humain, même déguisé, qu’à un être quasiment invincible et dépourvu de ces failles qui font tout l’intérêt que l’on porte aux justiciers masqués. Cela explique t’il les deux dernières adaptions déplorables de l’homme de fer ?
Il y aura bien des erreurs à corriger avant d’envisager une suite ou une adaptation de la Justice League sur grand écran. Les Vengeurs ont encore de beaux jours devant eux.

mercredi 26 juin 2013

Shokuzai - Celles qui voulaient oublier

Alors que le premier volet du film de Kioshi Kurosawa était axé sur le souvenir et la culpabilité, cette seconde partie traite de la vengeance et de la rédemption. Une vengeance incarnée par le personnage de la mère d’Emili, confrontée à ses propres démons et à ses responsabilités dans le dernier segment. 
Nous retrouvons donc Akkiko et Yuka, les deux autres fillettes témoins du drame, devenues des femmes elles aussi, toutes aussi perturbées que Sae et Maki, et dont le destin sera aussi funeste. D’une jeune fille enfermée dans son monde à une arriviste prête à tout pour arriver à ses fins, la malédiction d’Asako n’épargnera personne, et surtout pas elle. Car le dénouement incroyable de l’histoire lui fera porter une responsabilité énorme dans la mort de sa fille. L’épilogue est d’ailleurs si tortueux que l’on peut y voir l’intervention des défunts dans les rencontres des personnages, leurs errances et les hasards qui vont les amener à commettre l’irréparable. Le film bascule alors dans un fantastique cher à la culture japonaise, les fantômes ne se manifestant que par l’intermédiaire des vivants dont ils orientent les actes. 
Que reste-t-il de Shokuzai après plus de quatre heures trente de drame et de pathos ? Des plans de toute beauté, le réalisateur apportant un soin tout particulier à ses décors et à la façon dont il met en scène chaque détail, chaque personnage au sein d’un environnement de plus en plus épuré. Chaque plan ressemble à une photographie artistique qui témoigne de la souffrance et de l’errance des protagonistes. Une plongée dans l’inconscient de la société japonaise, faite de culpabilité et de refoulement, de désir de vengeance et du prix à payer pour racheter ses fautes. Une interprétation au cordeau et une réalisation parfaitement maitrisée. Une belle démonstration de la complexité des sentiments féminins alors que les hommes ne servent que de faire valoir et incarnent ce qu’il y a de plus bas chez l’être humain. Un voyage lent et hypnotique, à peine troublé par une utilisation décalée, pour ne pas dire complétement inappropriée de la musique en total désaccord avec les scènes qu’elles sont censées illustrer. 
Shokuzai est une expérience qui se mérite de par sa durée et son rythme, et un voyage inoubliable pour ceux qui voudront bien se laisser embarquer.

mercredi 12 juin 2013

Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir

Quatre petites filles voient arriver dans leur école une nouvelle venue, Emili. Elles ont à peine le temps de sympathiser que cette dernière se fait assassiner. Toutes ont vu le visage du tueur, mais aucune ne semble pouvoir (vouloir ?) s’en souvenir. Folle de chagrin, la mère d’Emili leur promet qu’elles ne trouveront pas le repos avant que l’affaire ne soit résolue. Quinze ans plus tard, nous retrouvons deux d’entre elles devenues adultes. Des adultes qui semblent en effet porter leur fardeau comme une malédiction. 
Initialement prévu pour la télévision japonaise, Shokuzai sort en salle en deux segments. Celles qui voulaient se souvenir suit donc le destin de Sae et Maki. Au risque d’aller à l’encontre de la presque totalité des critiques qui crient au chef d’œuvre, le premier segment qui conte l’histoire de Sae se fait sentir par sa longueur. Il renvoie au Guilty of romance de Sono Sion dans sa représentation de l’aliénation de l’épouse japonaise réduite à une fonction au mieux décorative par son mari. Sauf qu’il est aussi question de folie, une folie qui finira par emporter le mari et la femme vers un destin tragique. L’histoire de Maki, plus dynamique, est tout aussi tragique dans son déroulé. Les deux femmes réagissent différemment au traumatisme qu’elles ont vécu, mais aussi violemment l’une que l’autre. Alors que Sae refuse inconsciemment d’avoir des enfants et d’assumer son corps de femme, Maki devenue enseignante se montre d’une exigence maladive avec ses élèves. Deux façon de protéger les enfants du monde extérieur et de racheter leur faute ou ce qu’ils considèrent comme tel, n’avoir pas su empêcher le meurtre de la petite Emili. 
Kiyoshi Kurosawa traite du souvenir et de la culpabilité, le mélange des deux aboutissant à un refoulement tragique. Avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les adultes en devenir que sont ces quatre petites filles représentant autant de facettes de la société japonaise. 
Essentiellement féminin, les hommes sont dérangés, agressif ou pleutres, ce premier segment de Shokuzai n’est pas exempte de défauts, mais il nous donne suffisamment de pistes à explorer pour que l’on se précipite sur la seconde partie.

dimanche 9 juin 2013

Only God forgives


Deux ans après Drive, Nicolas Winding Refn renoue avec ce qui avait fait le succès mérité de son précédent long métrage : son interprète principal Ryan Gosling et cette atmosphère si particulière faite de lenteur et d’explosions de violence qui atteint ici des sommets. Only God forgives se présente de prime abord comme une classique histoire de vengeance. Mais dès les premières images du film, nous comprenons que nous allons être embarqués dans un voyage bien plus complexe. L’histoire met en scène un triangle vénéneux qui s’affronte et n’aura de cesse de se détruire. Vénéneux est bien ce qui caractérise le mieux le personnage de Crystal, interprétée avec délectation par une Kristin Scott Thomas toujours impeccable. Et il faut tout son talent pour proférer tant d’atrocités avec autant de classe. Ryan Gosling campe Julian, son fils, un personnage désincarné qui entretient des relations troubles avec les femmes et qui traverse le film comme une âme en peine, un fantôme errant au milieu de nulle part. Son chemin va croiser un étrange policier magistralement incarné par Vithaya Pansringarm.
Ce qui caractérise le plus le film, outre une photographie soignée et une lenteur calculée, est sans conteste la noirceur des personnages et leur désir d’auto destruction.
Alors que Chang semble être le personnage le plus humain, notamment dans les relations qu’il entretien avec celle que l’on suppose être sa fille, il se montre d’une brutalité monstrueuse dés lors qu’il s’agit de faire parler des suspects, sans parler de sa conception toute personnelle de la justice. Il incarne un ange exterminateur que rien ne semble pouvoir atteindre. Son combat de boxe thaï avec Julian est à ce point impressionnant de sobriété et d’efficacité.
Julian lui, apparait comme un être complexe, presque passif qui ne semble pas avoir sa place dans ce monde. Quand il glisse sa main entre les cuisses de sa fiancée, ou dans le ventre du cadavre de sa mère, il semble revivre un retour dans le ventre maternel d’où, d’après sa mère, il n’aurait jamais dû sortir.
Crystal enfin est une femme autoritaire pour ne pas dire despotique qui entretient des relations troubles avec ses fils. Il faut la voir comparer le sexe de ses deux garçons à table ou caresser langoureusement le bras de Julian pour se faire une idée assez précise de sa conception de l’amour maternel.
Mise à part une affiche hideuse, il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce film qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse. Nicolas Winding Refn refuse encore une fois d’emprunter les sentiers battus de la narration classique et livre un film qui se vit comme un rêve tortueux, un voyage glacial peuplé d’anti héros, une quête onirique dont on ne comprend pas toujours le sens. On peut rester à la porte mais si on accepte de l’y accompagner, le voyage en vaut le détour.